Haut lieu d’apprentissage, le Centre interprofessionnel de simulation offre aux étudiants et au personnel de la santé l’occasion de se former dans un contexte quasiment réel. Une méthode pédagogique fondée sur la coopération entre les différents corps de métiers.
« Attention! A trois, je choque… 1, 2, 3… On a un rythme sinusal! ». Satisfait, un médecin en blouse blanche s’écarte du lit de l’homme qu’il vient de réanimer. Au premier regard, rien ne distingue cette scène d’une journée ordinaire aux urgences. Si ce n’est que le patient en question… est en plastique. Il s’agit plus précisément d’un mannequin haute-fidélité, conçu à but pédagogique et destiné aux étudiants et au personnel soignant. Le Centre interprofessionnel de simulation (CiS) abrite plus de vingt-cinq stéréotypes du genre (femme, homme, enfant, nouveau-né, etc.). Ce véritable temple de la simulation médicale, dédié à l’enseignement et à la collaboration, contribue (sans risque) à l’amélioration de la qualité et à la sécurité des soins.
Une collaboration inédite
Niché en haut du bâtiment du Centre Médical Universitaire, ce lieu de formation unique en Suisse est le fruit d’un partenariat entre la Haute école de santé de Genève (HEdS), la faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE), les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Institution genevoise de maintien à domicile (imad). Leurs efforts conjoints offrent aux étudiants et aux professionnels de la santé l’occasion de sortir de la théorie pour se former en contexte. « La convention encourage l’apprentissage grâce à l’inter-professionnalisation, souligne Elisabeth Trebosc, coordinatrice CiS-HUG. Du personnel médical issu de sept filières différentes, allant par exemple de la physiothérapie aux soins infirmiers, est amené à collaborer lors d’exercices de simulation, dans un cadre sécurisé ».
Ces entraînements se déroulent selon une méthodologie précise. Après un briefing dans une salle adjacente, les participants travaillent ensemble pour résoudre une situation, sous l’œil de plusieurs caméras. Une séance de débriefing permet ensuite de revenir sur l’exercice, partager ses impressions et identifier ses forces et faiblesses. « On observe que les erreurs médicales sont souvent liées à des facteurs humains de collaboration ou de leadership, remarque le Pr Georges Savoldelli, responsable du programme SIMULHUG. Au-delà des gestes techniques, le simulateur permet d’entraîner la communication entre les différents corps de métier et de se mettre en symbiose avec son équipe de travail. » « Cela suscite chez les professionnels une véritable prise de conscience sur le potentiel d’amélioration », ajoute Elisabeth Trebosc.
Un environnement réaliste
En régie, le technicien prépare l’accouchement du mannequin Victoria, enceinte. Sur l’ordinateur, il choisit un scénario parmi les centaines disponibles. Pendant l’exercice, il pourra piloter Victoria et même la faire s’exprimer grâce au micro fixé devant lui. De l’autre côté de la vitre, une sage-femme s’apprête à mettre au monde un mannequin miniature. « La simulation est un excellent moyen pour s’entraîner à la prise en charge de pathologies rares mais très graves, commente Patricia Picchiottino, sage-femme et directrice adjointe du CiS. Dans ces cas-là, il faut pouvoir prendre la patiente en charge très rapidement. S’entraîner ici permet d’apprendre à se coordonner. Grâce à l’environnement réaliste de cette salle, on passe très vite par-dessus l’aspect "plastique" du mannequin et on se prend au jeu. »
Les nombreuses salles du CiS sont en effet aménagées de manière à ressembler le plus possible aux chambres de l’hôpital. Entièrement modulables, elles sont équipées de tout le matériel technique nécessaire aux soins. « C’est l’occasion de tester l’ergonomie de certaines machines, apprécie Nicolas Rossman, infirmier aux soins intensifs adultes. En faisant des exercices pratiques, on se rend rapidement compte de ce qui pourra poser problème sur le terrain ».
Inspirée à l’origine du monde de l’aviation civile, la simulation médicale est aujourd’hui une discipline à part entière. A Genève, c’est une belle branche de l’histoire qui continue de s’écrire.
Patients standardisés
Loin de se limiter à l’utilisation des mannequins, le CiS collabore avec plus de 200 patients standardisés. Acteurs, étudiants ou volontaires, simulent des maladies pour permettre au personnel soignant de s’entraîner en prenant en compte la réaction de l’humain. Chaque année, des centaines d’étudiants passent leurs examens au CiS. Leurs facultés d’analyse et de compréhension du patient sont mises à l’épreuve. «Nous utilisons des parties de mannequins pour des simulations hybrides, explique le Pr Georges Savoldelli. Par exemple un faux membre pour amener l’apprenant à exercer un geste technique (injection, suture), tout en réfléchissant à la dimension relationnelle et à la communication avec le patient.»
A chaque âge son mannequin
Aux HUG, la pédiatrie, la néonatologie et l’obstétrique utilisent leurs simulateurs in situ. Établis au cœur de l’hôpital, les locaux dédiés à la simulation sont identiques à ceux dans lesquels travaillent «pour de vrai» les soignants. Un environnement idéal pour s’exercer dans les mêmes conditions que leur quotidien professionnel, avec une équipe pluridisciplinaire. Des formations pour médecins, infirmier(ère)s et sages-femmes sont organisées très régulièrement afin d’entraîner les comportements et gestes de situations complexes telles la réanimation néonatale, un accouchement compliqué ou encore une décompensation pédiatrique aux urgences ou aux soins intensifs pédiatriques. Le but est d’améliorer la communication et la coopération au sein des équipes. Dès 2002 déjà, le service de néonatologie faisait figure de pionnier en formant son personnel grâce à des bébés mannequins de basse fidélité (moins sophistiqués). En 2008, en collaboration avec SIMULHUG, l’achat d’un nouveau matériel haute-fidélité est venu renforcer le potentiel de formation. Relié à un chariot mobile, le mannequin est notamment capable de respirer, de ralentir son cœur ou même de devenir bleu. Les nombreux mannequins de pédiatrie, néonatologie et obstétrique varient en taille et fonction afin de correspondre aux différents âges des patients, mais aussi pour optimiser les actions et attitudes effectuées habituellement par les équipes.
Texte:
- Aude Raimondi
Photos:
- Fred Merz | lundi13