Texte: 

  • Elodie Lavigne

Photos: 

  • Nicolas Schopfer

« Il y avait de la lumière, alors j’y suis allé »

En octobre dernier, le Pr Paco Prada est devenu le médecin-chef du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise. Professeur associé au Département de psychiatre de la Faculté de médecine de l’Université de Genève, il évoque son enfance, qui a forgé celui qu’il est devenu.

Un prénom espagnol, des origines tessinoises, une enfance genevoise. Le Pr Paco Prada a grandi à Bardonnex, au sein d’une famille monoparentale. Il porte le nom de famille de sa mère, venue en Suisse romande pour étudier et devenir psychologue. «Dans le chaos familial, habiter dans un petit village à la campagne m’a posé», se souvient-il. Fils unique, il appréhende très tôt le sens de la différence : «J’étais le seul enfant de parents divorcés. Avec mes cheveux frisés, ce prénom et mon tempérament, j’avais quelque chose d’atypique. J’avais de la facilité à l’école, mais j’étais gaucher et j’écrivais mal.» La relation avec son père, mathématicien puis entrepreneur, a été longtemps tourmentée. «Il travaillait beaucoup et je le voyais peu. À l’adolescence, c’est devenu chouette. Il avait un côté futuriste. Il a dirigé une boîte d’informatique, fondé une radio, puis est parti travailler aux États-Unis comme conseiller scientifique. Je commençais l’université lorsqu’il m’emmena sur le campus de Harvard. Être au milieu de chercheurs et chercheuses était très stimulant.»

Des figures féminines fortes

De langue maternelle française, Paco Prada se rend régulièrement au Tessin dans la maison familiale: «Ma grand-mère a beaucoup compté pour moi. Elle logeait une mère et ses deux enfants, qu’elle amenait souvent en vacances avec elle. C’est en jouant avec eux que j’ai appris l’italien.» D’abord barmaid, cette mère, elle aussi célibataire, devient infirmière en psychiatrie et compte parmi les figures féminines fortes qui ont marqué le petit garçon qu’il était. Dans cette enfance un peu bohème, l’art avait également sa place. «J’allais au théâtre avec un copain qui était le petit-fils de Dürrenmatt. Au collège, j’ai commencé à écrire des poèmes et des chansons. J’ai d’ailleurs gagné plusieurs prix de poésie.» Extraverti et sociable, il fait aussi partie du club de foot du village: «Cela m’a beaucoup structuré et appris à faire équipe.»

Pour son travail de maturité, Paco Prada décide de reproduire une expérience d’éthologie et se lance le défi de faire naître des poussins. Les questions de l’inné, de l’acquis et de l’attachement le titillent déjà. Puis, baccalauréat en poche, il commence la médecine, avec la peur du sang. «Il y avait de la lumière, alors j’y suis allé.» Entre-temps, il s’acquitte de son service militaire en faisant un stage dans une institution pour personnes lourdement handicapées : «J’ai bien aimé être utile pour la société.» Puis vient le temps des premiers stages en médecine. Les urgences psychiatriques réveillent son goût pour l’humain et l’urgence. Ce sera donc la psychiatrie.

Ses débuts au sein de l’Unité d’intervention de crise des HUG dessinent un tournant. «Le médecin-chef du service et mes collègues m’ont transmis leur vocation.» Il se forme alors en psychothérapie des troubles de la personnalité et à la prise en charge des crises suicidaires. Il est rapidement nommé chef de clinique. Aujourd’hui, le Pr Prada dirige le Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise, où il pratique plusieurs approches. Un séjour en ces lieux représente pour beaucoup de ses patients et patientes l’opportunité de s’ouvrir à la psychothérapie. «Environ 60 % n’y ont jamais eu accès», souligne-t-il. Celle-ci vise à mettre en lumière la façon propre à chacun et chacune de traverser une crise : «Nous cherchons à comprendre les traces laissées par les premières expériences de vie, qui échappent à notre conscience, mais qui impriment notre manière d’être au monde.» Valider la personne dans son vécu, l’aider à dépasser son statut de victime et l’encourager à redevenir sujet de son existence. Un point dont il est intimement convaincu: «Je ne suis pas très calculateur, mais j’anticipe beaucoup pour rester dans la capacité de faire des choix et de garder ma subjectivité.»

Investi dans la recherche sur ses sujets de prédilection, il l’est aussi dans leur enseignement aux futurs et futures médecins. Avec son équipe, ce psychiatre, d’un abord chaleureux et simple, tient à proposer, au cœur de l’hôpital, des soins aussi bien accessibles que spécialisés à toutes celles et ceux qui vivent une cassure dans leur existence.

  • 1978 Naissance à Genève.
  • 1998 Début des études de médecine.
  • 2010 Spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.
  • 2016 Doctorat à la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE).
  • 2023 Spécialisation en psychiatrie de liaison. Nommé médecin-chef du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise et professeur associé au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’UNIGE.

Texte: 

  • Elodie Lavigne

Photos: 

  • Nicolas Schopfer
Partager
En savoir plus

Mots clés: 

Autres articles