Antistress, calmant, antidouleur… Le cannabidiol (CBD) a de nombreuses vertus thérapeutiques. Disponible en vente libre, mais aussi sur prescription médicale, dans quelle mesure cette substance est-elle efficace ? Éléments de réponse avec les Pres Barbara Broers et Marie Besson des HUG.
Le cannabis, utilisé depuis des millénaires, a la réputation de posséder un grand nombre de propriétés. De cette plante, aussi appelée chanvre, sont issus plus de 500 composants, dont deux cannabinoïdes : le CBD (cannabidiol) ainsi que le THC (tétrahydrocannabinol). Ces deux substances sont concernées par la loi sur les stupéfiants (LStup), qui a changé en 2011 : les produits contenant moins de 1% de THC – même richement pourvus en CBD – sont considérés comme légaux et peuvent être achetés ou prescrits.
Cannabidiol : quels usages ?
« Contrairement au THC, qui est un psychotrope pouvant induire des effets ressentis comme désagréables par le ou la patiente, le CBD a des propriétés plutôt calmantes, voire antipsychotiques, mais aussi anti-inflammatoires, antiépileptiques et antispasmodiques », explique la Pre Barbara Broers, responsable de l’Unité des dépendances des HUG. Des indications qui n’ont été mises en évidence par la science que très récemment, la recherche ayant été freinée par l’interdiction du produit.
Actuellement, le CBD intervient souvent dans la prise en charge de symptômes chroniques tels que l’anxiété ou les troubles du sommeil. C’est le cas de Roger, 57 ans, atteint de TDAH (trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité). Cet ancien grand consommateur de THC, qui a par ailleurs dû arrêter de fumer suite à la découverte tardive d’une malformation de l’artère veineuse cérébrale, affirme que le CBD, d’abord utilisé par vapoteuse, puis en gouttes, l’a effectivement aidé : « Cela me permet de me relaxer et surtout de lutter contre mes insomnies chroniques. »
Les cannabinoïdes prescrits par des médecins (sous forme de préparations à base d’huile ou d’alcool) contiennent entre 5 et 20% de CBD et moins de 1% de THC. De nombreuses personnes se fournissent en produits contenant du CBD sur Internet ou dans des magasins spécialisés, avec moins de contrôle sur leur qualité. Une pratique qu’il conviendrait d’éviter.
Pour qui ?
Selon une récente étude, réalisée par Addiction Suisse en partenariat avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), plus d’un quart des personnes ayant recours au CBD souffrent d’une maladie causant des douleurs (fibromyalgie, rhumatismes, etc.) et 15 à 20% de dépression. Si le CBD est efficace dans certains cas, il a néanmoins ses limites, comme l’explique la Pre Marie Besson, responsable de l’Unité de psychopharmacologie et spécialiste du traitement de la douleur : « Pour les personnes avec des douleurs chroniques, le CBD seul n’est souvent pas suffisant pour atténuer l’intensité de la douleur. Dans le cas de celles et ceux prenant plusieurs traitements, il faut aussi surveiller les interactions, car le CBD a la propriété de bloquer l’élimination d’autres médicaments tels que certains antidépresseurs, fréquemment prescrits. » De façon générale, la spécialiste rappelle qu’il est essentiel de demander conseil à sa ou son médecin traitant.
L’expérience personnelle est par ailleurs cruciale : « Nous prescrivons une substance plus ou moins dosée en CBD en fonction du profil du patient ou de la patiente et de sa pathologie. Et c’est ensuite, de façon empirique, selon les ressentis individuels, que nous savons quel dosage est nécessaire. Il faut en tout cas commencer avec un dosage bas et augmenter progressivement », indique à son tour la Pre Broers.
Et qu’en est-il de la dépendance ? Lorsqu’il est consommé sous forme de gouttes, par voie orale, le CBD n’engendre pas de dépendance à proprement parler. « En revanche, il peut aider à diminuer certains médicaments, comme les sédatifs-hypnotiques ou les opioïdes, qui eux ont un haut potentiel de dépendance », explique la Pre Broers. Et l’experte de rappeler que, « évidemment, la dépendance à la nicotine s’installe aussi si des fleurs de CBD sont fumées avec du tabac ».
Nouvelle réglementation
Une nouvelle mesure a été votée en mars dernier : les huiles de CBD, souvent consommées par voie orale, doivent dorénavant contenir un produit visant à « dénaturer » le goût et l’odeur. L’objectif de l’OFSP étant de « réduire l’utilisation de l’huile de CBD par voie orale ou sublinguale ». En effet, l’huile de CBD est trop fréquemment consommée par la bouche pour un effet plus rapide, alors qu’elle est uniquement réservée à un usage externe.
Texte:
- Aurélia Brégnac
Photos:
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