Paolo Ducoli est séropositif* depuis l’âge de 21 ans. Son long parcours médical suscite en lui une irrésistible envie de vivre et d’agir.
« Je suis né homosexuel, au Tessin, en 1967 ». Ainsi se présente Paolo Ducoli, 50 ans, les cheveux au vent et l’œil rieur. Avec son accent chantant, le Tessinois raconte son enfance tranquille, mais déjà marquée par une santé fragile. A l’âge de 20 ans, le jeune homme s’éloigne de sa terre natale. Il part pour Genève, où il trouve du travail et commence à se sentir chez lui. Une année plus tard, lors de vacances au Tessin avec un ami, un événement change à jamais le cours de sa vie : il vit une aventure avec un homme, dont il découvrira plus tard la séropositivité. « Au mois d’août, je suis rentré à Genève et j’ai rencontré Clément, qui deviendra l’homme de ma vie. Lui était déjà séropositif et m’a encouragé à faire le test, qui s’est avéré positif. Clément a pleuré, moi je l’ai pris dans mes bras pour le consoler, car notre amour était plus fort que le virus ». A cette époque, les médecins donnent à Paolo environ une année d’espérance de vie. Les deux hommes vivent alors une histoire intense, jusqu’à la mort de Clément survenue le 23 décembre 1993.
Un corps meurtri
« Je me suis retrouvé juste moi, avec mon sida, et c’est là que la maladie a commencé à me rattraper », se souvient Paolo. Il souffre alors de nombreuses infections et l’arrivée des trithérapies le sauve in extremis. Cependant, les marques de la maladie sont visibles. La stigmatisation est parfois difficile à vivre, alors Paolo entreprend un long processus de reconstruction de son visage, creusé par le virus et les traitements. Il se battra notamment pour le remboursement des frais de chirurgie esthétique, ce qu’il obtiendra seulement en partie.
En 2011, lors d’une opération au niveau des lombaires, Paolo contracte une infection à staphylocoque. Des années de rééducation lui seront nécessaires pour réapprendre à marcher. Quelques années plus tard, un accident cardiovasculaire le contraint à se rendre aux HUG. « A cause du VIH, des graisses se baladent dans mon corps, et une artère s’est bouchée, explique Paolo. Je suis resté plusieurs mois à l’hôpital, mais là, j’ai appris à mieux gérer ma thérapie, et on m’a proposé un nouveau traitement plus facile à suivre. »
Besoin d’action
« Penser positif, me persuader que je vais bien. » Face à l’épreuve, voilà la solution qu’a trouvée Paolo. « Evidemment, le sida a changé ma vie en de nombreux points. Je n’ai plus de compagnon depuis 15 ans, mais je l’accepte. Je me ressource et m’épanouis de manière différente, par exemple à travers la peinture, la musique et l’écriture, qui sont mes passions. Je suis comme un pirate qui surfe sur la vague de la mort : j’ai envie de vivre, alors je suis dans l’action ». L’action signifie aussi le témoignage. Paolo parle ouvertement du sida, de sa maladie, et veut que les gens entendent son envie de vivre. Homme engagé, il s’investit depuis de nombreuses années dans la lutte contre le sida en Suisse romande. Il est d’ailleurs l’une des rares personnes séropositives à oser parler à visage découvert. « Nous sommes l’arbre qui cache la forêt, car la stigmatisation est encore aujourd’hui une cruelle réalité. Le jour où la société nous remerciera de prendre nos médicaments, on aura tout gagné ! », sourit Paolo, plein d’espoir et le regard serein.
* Sida : il est dû au VIH (virus de l’immunodéficience humaine). Il se transmet par contact direct avec du sang contaminé, lors de relations sexuelles (mêmes orales), ou de la mère à l’enfant. Il s’attaque au système immunitaire et rend vulnérable à certaines infections ou maladies. Une personne porteuse du virus est communément désignée comme séropositive.
Texte:
- Aude Raimondi
Photos:
- Nicolas Schopfer
Pratique
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