Texte: 

  • Clémentine Fitaire

Photos: 

  • Nicolas Schopfer

«La crise Covid nous a fait faire un bond de géant»

Limiter les contacts tout en assurant la continuité des soins, tel a été le défi relevé avec brio par l’équipe du Service de cybersanté et télémédecine. La Dre Sanae Mazouri, médecin adjointe, revient sur ce tournant historique. 

Pulsations La télémédecine a commencé à se développer bien avant la crise Covid…
Dre Sanae Mazouri En effet, dès fin 2017, nous travaillions déjà sur une première version de plateforme de téléconsultations assistées, financée par la Fondation privée des HUG et par la Direction générale de la santé du canton de Genève. Déployée auprès de l’imad et d’autres prestataires de soins à domicile, cette application permet aux patientes et patients de se faire accompagner par une infirmière ou un pharmacien lors de leur téléconsultation avec le médecin. Nous avancions alors à petits pas, en explorant le terrain pour mesurer les besoins de télémédecine à Genève, ville extrêmement bien dotée en services médicaux. 

Comment la pandémie a-t-elle accéléré les choses?
Dès mars 2020, nous avons pris la mesure de la situation et avons développé dans l’urgence une seconde version d’HUG@home pour la téléconsultation directe. Alors que les soins non urgents étaient déprogrammés, certains patients, notamment ceux concernés par des maladies chroniques, ont stoppé leur suivi. La mise en place des consultations virtuelles a permis d’assurer la continuité des soins, en particulier pour ces patients vulnérables, et d’éviter d’en arriver à des situations critiques.

Des choses doivent-elles encore être améliorées?
Il y a toujours des choses à améliorer! Par exemple, cette plateforme n’était pas accessible aux 10% de patients allophones, soit ceux qui ne parlent pas la même langue que le médecin. Sans compter les personnes malentendantes avec qui la communication est également difficile. Nous avons donc saisi l’occasion d’intégrer à HUG@home l’outil Compréhensio (application de télé-interprétariat qui était en cours de développement aux HUG). Depuis mars 2021, nous avons développé une nouvelle version d’HUG@home permettant d’inviter un interprète dans la téléconsultation, mais aussi des proches aidants qui, on le sait, participent beaucoup aux soins. Enfin, nous travaillons à l’intégration des objets médicaux connectés (tensiomètre, thermomètre, saturomètre, glucomètre), utilisables par les soignants assistants ou les proches. 

La plateforme a été mise à disposition d’autres institutions. C’était important pour vous?
Oui, c’est une façon pour nous de soutenir le déploiement de la télémédecine, d’apprendre, d’évoluer, d’élargir nos connaissances. Nous fournissons à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, à l’Hôpital du Jura ou encore à la Croix-Rouge internationale une version adaptée à leurs spécificités.

Cet outil va-t-il trouver sa place dans l’après Covid?
C’est ce que nous sommes en train de préparer. Je pense qu’il a un grand intérêt pour les maladies chroniques ou la psychiatrie par exemple. De nombreux patients peuvent bénéficier de consultations à distance, intégrées à un suivi en face-à-face si nécessaire. Dans le domaine de la chirurgie, nous travaillons avec l’équipe du Pr Frédéric Triponez et du futur Centre de chirurgie ambulatoire, car HUG@home pourrait aussi être utilisée en pré et postopératoire pour préparer une consultation d’anesthésie, recueillir les formulaires de consentement, adapter le traitement antalgique, effectuer le suivi… La télémédecine trouve également sa place dans le tri des urgences via le 144 car elle permet une évaluation clinique plus fine grâce à la vidéo. Bref, le potentiel est vaste. Nous menons actuellement un projet de recherche avec l’Université de Genève pour identifier les représentations et les préférences des médecins et des patients en téléconsultation, afin de former au mieux les équipes soignantes à cette nouvelle pratique.
 

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