Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi13

Les HUG soignent la relation avec les patients

Population vieillissante, évolutions technologiques, scientifiques et des mentalités : la société bouge. L’hôpital aussi.

Longtemps, les efforts ont porté sur la technicité et l’informatisation. En 2016, les HUG ont lancé Plus de temps pour les patients, un projet qui valorise davantage la relation humaine. Déployé à l'échelle de l’institution début 2018, son objectif est de donner aux soignants davantage de temps auprès des patients pour améliorer la qualité du lien thérapeutique. « Un principe phare a guidé toute notre réflexion : se recentrer sur le patient, ses besoins et ses attentes », explique Sophie Le Du, cheffe de ce projet qui s’inscrit dans le plan stratégique Vision 20/20.

Concrètement, les unités sont réorganisées afin de préserver les activités médico-infirmières des interruptions intempestives et des contretemps. Le temps gagné est utilisé pour renforcer la communication, le soutien émotionnel et les liens de confiance avec les patients.

Réforme à 360°

« En 2016 et 2017, nous avions testé le modèle dans trois unités pilotes : neurochirurgie, médecine interne et réadaptation. De façon concluante. Nous avons accru de 25 % le temps passé auprès des patients. On a aussi constaté que les appels – les coups de sonnette – ont diminué en moyenne de 50 %. En nouant des alliances plus fortes, on augmente la qualité des soins et la satisfaction de tous », constate la cheffe de projet.

Une réforme de cette envergure a un impact sur toute l’organisation de l’unité et même du service. Tous les corps de métiers sont concernés, des agents de propreté aux médecins-chefs de service. « Notre force, c’est de partir du terrain. On ne fait pas table rase. Nous optimisons des processus existants, inhérents à l’unité. De plus, les outils fournis pour mener à bien la réforme sont adaptés aux spécificités et besoins des services », nuance Sophie Le Du.

La visite revisitée

Quels sont ces outils ? L’une des mesures importantes est la réforme de la visite médico-soignante. Menée par les Drs Thomas Agoritsas et Pauline Darbellay, cette initiative recentre ce moment privilégié sur la communication et la relation humaine. En amont de la visite, des mesures sont prises pour éviter les interruptions : téléphones des participants déviés, panneau « Ne pas déranger » apposé sur la porte de la chambre, etc.

Pendant la visite, les soignants se placent à la tête du lit, et non plus au pied ou autour de l’ordinateur portable. Le plan de prise en charge, rédigé en grosses lettres sur une ardoise A4, est détaché d’un grand tableau affiché dans la chambre, présenté au malade et discuté avec lui. Enfin, l’échange se termine toujours par une évaluation de la satisfaction : qualité d’écoute et des informations données, implication dans les décisions, etc.

La visite est un élément du projet, qui en comporte de nombreux autres. Comme les huddles. Cet anglicisme désigne une réunion rapide, organisée dans les couloirs, deux fois par jour et toujours aux mêmes heures. Elle dure moins de dix minutes, réunit tous les métiers et permet un partage synthétique et complet de toutes les informations pertinentes pour l’organisation de la demi-journée à venir.

Parmi les autres mesures clés de cette réorganisation, relevons encore : la répartition du travail en zones, la création d’une fonction de support pour tous les secteurs, occupée par un soignant reconnaissable à son gilet bleu, la transmission des informations médicales dans la chambre et en présence du patient. Sans oublier les tableaux d’information – pour les patients, la planification, la coordination, etc. – accrochés désormais dans les unités.

Lanance, un cas d’école

L’Unité de réadaptation et de soins palliatifs Lanance, à l’Hôpital de Loëx, est un cas d’école. Un rapide coup d’œil suffit pour s’en convaincre : Plus de temps pour les patients est passé par là. Derrière le desk d’accueil, l’infirmière de support, en gilet bleu, dispose des médicaments sur un chariot. Les tableaux d’information occupent les murs. En hauteur, bien visible, une rangée de fanions rouges, verts, jaunes ou bleus, levés ou baissés, donne une info instantanée : « tout va bien », « besoin de matériel », « charge importante », etc. Et un regard plus attentif révèle les « standards », soit des feuilles A4 plastifiées, attachées à divers dispositifs de l’unité et qui indiquent les procédures et protocoles standardisés.

« Nous avons divisé l’unité en secteurs de huit à neuf lits, détaille Pierre Brulhart, infirmier responsable d’équipe de soins. Un binôme de soignants est responsable pour chacun d’entre eux. Le travail est organisé de telle sorte qu’ils n’aient pas à s’éloigner de leur zone et puissent rester près de leur patient. »

« On connaît mieux les patients »

« Le collègue en gilet bleu, ou "personne de protection", comme nous l’appelons ici, joue un rôle essentiel. Non seulement il répond à toutes les questions des soignants, des patients et des visiteurs, mais il prend en charge tous les problèmes, logistiques ou d’intendance, qui pourraient éloigner les professionnels de leur zone. Par exemple, si un soignant a besoin d’un matériel de soin, il téléphone à cette personne, qui va le lui apporter. »

Adelino Vilas Boas, assistant en santé et en soins communautaires, rajoute : « On connaît mieux les patients parce qu’on passe davantage de temps avec eux. J’ai constaté aussi que des améliorations simples apportent de grandes plus-values. Par exemple, les équipes transmettent les informations concernant le patient en sa présence. Cela n’a l’air de rien, mais son écoute attentive et sa participation évitent des imprécisions, voire des erreurs ».

En janvier, Plus de temps pour les patients a redessiné l’organisation de seize unités d’hospitalisation. Notamment au Service de médecine interne, au Département des neurosciences cliniques, à la Division privée et à l’Hôpital de Bellerive. Les 104 unités restantes auront toutes implémenté la réforme d’ici 2020.

Témoignage #1

« On s’intéresse davantage à nous »

JULIEN, 27 ans
JulienJulien n’oubliera jamais son premier essai de motocross. Après avoir perdu le contrôle de l’engin, il percute un arbre de plein fouet. Presque tous les ligaments sous le genou sont arrachés. Après des soins aigus, il est hospitalisé à l’Hôpital de Loëx, Unité Lanance, pour y suivre un programme de réadaptation.

De toutes les mesures du projet Plus de temps pour les patients, c’est l’évaluation quotidienne de son niveau de satisfaction qui l’impressionne le plus. « Le tableau patient, c’est super, mais comme ma tête fonctionne bien, je retiens facilement les noms des infirmiers et des médecins qui s’occupent de moi. En revanche, c’est la première fois que l’on me demande tous les jours si je suis content des prestations. C’est vraiment bien de se préoccuper de la façon dont nous ressentons les prises en charge proposées. »

Témoignage #2

« J'ai vu une amélioration »

GILBERT*, 83 ans
Gilbert souffre d’une amputation au-dessus du genou qui cicatrise mal. Dans ces conditions, apprendre à marcher avec sa nouvelle prothèse prend du temps et exige de la patience : « Malgré la charge de travail des infirmières – c’est fou ce qu’elles courent ! – j’ai vu une amélioration. Elles passent plus de temps avec moi. Le tableau dans ma chambre est une grande aide aussi. Je connais ainsi le responsable de la journée. J’ai toujours sous les yeux mon programme et mes objectifs thérapeutiques de la semaine. »

* Prénom d’emprunt.

Huddle : tous les métiers se réunissent deux fois par jour pour partager les informations pertinentes.
Reportage
Les fanions colorés informent en temps réel sur les besoins de la zone de soins.
Reportage

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