Texte: 

  • Elodie Lavigne

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi13

«Les patients nous confient ce qu’ils ont de plus précieux»

Médecin adjointe en charge des activités de psychiatrie de liaison aux HUG, la Dre Lamyae Benzakour répond aux difficultés psychiques des patients hospitalisés pour un problème somatique. Durant la crise sanitaire, elle a mis son expertise au service de ceux que le Covid-19 a mis à rude épreuve.

Elle se rend au chevet des blessés de la vie pour les aider à surmonter une épreuve, imposée par la maladie ou l’hospitalisation. La Dre Lamyae Benzakour, psychiatre de liaison, intervient auprès des patients hospitalisés qui présentent par ailleurs une souffrance psychique.

Cette vocation de soigner est apparue très tôt. Lamyae Benzakour a toujours voulu être médecin. À l’âge de quatre ans, elle demande à ses parents une mallette de docteur. D’un père banquier et d’une mère juriste de formation, tous deux marocains, elle grandit à Paris, entourée d’une grande sœur et d’un petit frère. Au lycée, elle se passionne pour la philosophie, mais choisit finalement la médecine, qu’elle juge plus pragmatique. Sa soif de réflexion n’est toutefois pas assouvie. Elle suit alors en parallèle un cursus de philosophie et obtient un bachelor. «Je reste très attachée à la philosophie des sciences, de l’art et à l’éthique», souffle-t-elle. Les neurosciences l’amènent ensuite à la psychiatrie, qui devient une évidence: «Elle donne accès à l’humain dans sa globalité.» C’est encore plus vrai pour la psychiatrie de liaison, qu’elle découvre durant son internat. Face à des situations complexes, où le somatique et le psychique sont intriqués, elle apprend l’art du diagnostic et la nécessité d’être dans une approche pluridisciplinaire.

La psychiatre se spécialise en psychotraumatologie. En 2015, lorsque les attentats du Bataclan frappent Paris, elle est aux premières loges: «L’unité dans laquelle je travaillais se trouvait à proximité, nous avons été mobilisés pour prendre en charge les victimes.» Avec une mission: celle d’objectiver leur souffrance et veiller au risque de complications, comme le syndrome de stress post-traumatique. La charge émotionnelle est lourde: «Nous pouvions nous identifier à nos patients, des Parisiens qui n’avaient jamais vécu en temps de guerre. C’était dur de les sécuriser en étant soi-même dans un climat d’insécurité.» Mais la professionnelle aime être sur le terrain et contribuer à l’effort collectif. 

Ensemble, c’est tout

Forte de son expérience, au printemps dernier, elle mobilise son équipe pour repérer la détresse psychique des patients touchés par le Covid-19. Dans l’éternel souci d’améliorer sa pratique, elle met en place des outils de dépistage et des espaces de parole pour le personnel soignant. Travailler ensemble est pour elle un moteur: «En tant que psychiatre de liaison, on fonctionne toujours en regards croisés. Les patients Covid ont particulièrement besoin de cette complémentarité.» Formée à l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) et à la thérapie cognitive et comportementale, elle mène aussi une activité de psychothérapeute à part entière. Elle est très impliquée en périnatalité et s’investit par ailleurs dans l’enseignement et la recherche. Elle a mis en place notamment des études sur le trouble du stress post-traumatique postnatal ou encore sur l’impact psychique du Covid-19 sur les personnes infectées.

Malgré son parcours brillant, la psychiatre avance avec humilité: «Je crois en les outils que j’utilise et en la preuve scientifique, mais il faut rester modeste. Je dis toujours à mes patients qu’il n’y a pas de garantie de résultat, mais que nous devons essayer ensemble.» Elle se dit consciente de l’exigence à atteindre et du défi que représente le fait de devoir répondre à la souffrance de l’autre: «En parlant de leur intimité, les patients nous confient ce qu’ils ont de plus précieux.»

Humaine et profondément empathique, elle a appris à se préserver. Cette parisienne née apprécie la vie genevoise, plus calme et plus proche de la nature. Cinéphile et musicienne, elle joue du violon dans un orchestre à cordes. Son regard s’illumine lorsqu’elle évoque le Maroc, son pays d’origine, et les concerts donnés dans les campagnes de Marrakech pour des enfants qui n’avaient jamais entendu de musique classique.

1981

Naissance à Paris.

2011

Thèse de doctorat en médecine*, spécialité psychiatrie.

*«Le système endocannabinoïde: une nouvelle approche de l’anxiété et de la dépression».

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  • Elodie Lavigne

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  • Nicolas Righetti | lundi13
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