Fréquents dans la population générale, ces troubles peuvent confronter les médecins de premier recours à certaines limites dans leur pratique quotidienne.
Souffrir d’un trouble de la personnalité (lire encadré) impacte non seulement la relation à soi-même, mais aussi la relation aux autres et, en particulier, au corps médical. Ce type de pathologie va en effet influencer la capacité à se soigner, à communiquer ou encore à entrer dans une relation équilibrée médecin-malade. Le caractère disparate de l’expression de ces troubles ajoute une difficulté supplémentaire dans le suivi. Tandis que certaines personnes consulteront beaucoup, d’autres, au contraire, se tiendront à distance des cabinets médicaux. Certaines encore seront collaborantes, voire dépendantes de leur médecin, tandis que d’autres seront dans une alternance entre idéalisation et dévalorisation extrême. « Il peut également y avoir une volonté de séduction, de contrôle… bref, une multitude de cas de figure qui rend compliquée l’identification des drapeaux rouges, ou signaux d’alerte, évoquant un trouble de la personnalité. Sensibiliser à ces questions est important pour ajuster les attentes et diminuer les conflits ou ruptures thérapeutiques », confie le Pr Paco Prada, médecin-chef du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise.
Quelques recommandations
La particularité des troubles de la personnalité est leur surreprésentation dans le milieu clinique. À titre d’exemple, le trouble borderline, qui touche 4 à 5 % de la population générale, se retrouve chez 15 à 25 % des personnes admises en unité psychiatrique. « Ce sont des gens qui consultent beaucoup, qui présentent des troubles fonctionnels, des douleurs chroniques, des comportements autodommageables… Les médecins généralistes, en première ligne, peuvent apprendre à reconnaître les signes pour mieux suivre les personnes concernées et les orienter », relève le Pr Prada.
Une déviation par rapport à la « norme » lors d’une consultation doit ainsi attirer l’attention. « L’impact peut être une contrariété intellectuelle, l’impression de se tromper de diagnostic, ou alors quelque chose de plus psychologique comme le fait de se sentir manipulé, piégé, affecté émotionnellement Cela indique qu’il se passe quelque chose et que c’est peut-être lié à la personnalité du patient ou de la patiente », détaille le Pr Prada.
Outre la connaissance des signes indiquant ces troubles et des traitements disponibles, de bonnes pratiques peuvent être mises en place. « Globalement, les médecins font un travail admirable avec ces cas dits ‟difficiles”, mais le réseau de soins psychologiques et psychiatriques est encore mal ajusté aux problématiques de personnalité », poursuit l’expert. Une prise en charge centralisée par un ou une médecin référente, en lien étroit avec les professions médicales qui gravitent autour de la patiente ou du patient, est ainsi vivement recommandée.
À noter : Le Pr Paco Prada animera la session « Troubles de la personnalité en médecine interne générale » lors des Assises de la médecine romande, le jeudi 14 novembre à 14h, à Lausanne. Plus d'infos sur : www.assisesmed.ch
Les différents troubles de la personnalité
Le DSM-5 de l’American Psychological Association (APA) liste dix troubles de la personnalité, répartis en trois catégories :
Le groupe A (distant)
- 1. Personnalité paranoïaque
- 2. Personnalité schizoïde
- 3. Personnalité schizotypique
Le groupe B (impulsif)
- 4. Personnalité antisociale
- 5. Personnalité limite (borderline)
- 6. Personnalité histrionique (anciennement “hystérique”)
- 7. Personnalité narcissique
Le groupe C (troubles anxieux et craintifs)
- 8. Personnalité évitante
- 9. Personnalité dépendante
- 10. Personnalité obsessionnelle compulsive
Texte:
- Clémentine Fitaire