Véritable révolution de ces dernières années, l’immunothérapie vient élargir la palette thérapeutique à disposition pour traiter certains cancers hématologiques. Comment fonctionne-t-elle ? À qui peut-elle être proposée ? Quelle est son efficacité ? Réponses avec le Pr Yves Chalandon, médecin-chef du Service d’hématologie.
Aider le système immunitaire de la personne malade à combattre elle-même les cellules cancéreuses, voici le principe de l’immunothérapie, une technologie utilisée dans les cas de lymphomes depuis les années 2000. Parmi ces différentes approches, une nouvelle thérapie par CAR-T cells (Chimeric Antigen Receptor T) présente des résultats prometteurs. « Ce traitement offre de nouvelles opportunités aux personnes confrontées à une rechute du cancer ou réfractaires aux traitements de deuxième ligne », se réjouit le Pr Chalandon.
Pour l’instant, l’immunothérapie est proposée dans le traitement de certaines pathologies hémato-oncologiques comme les lymphomes B ou les leucémies lymphoblastiques aiguës (LLA) et, depuis cette année, pour les myélomes multiples. « Mais nous essayons de l’adapter à d’autres cancers hématologiques comme les leucémies myéloïdes aiguës (LMA), les leucémies lymphoblastiques T et les lymphomes T », ajoute l’expert.
Comment ça marche ?
L’immunothérapie CAR-T cells consiste à prélever par aphérèse – un procédé d’isolation des composants sanguins – des globules blancs (les lymphocytes) de la personne malade, puis à les modifier génétiquement via un vecteur viral pour exprimer un CAR (récepteur antigénique chimérique). Cette manipulation rend les lymphocytes T capables de reconnaître la protéine de surface tumorale (antigène) afin de détruire la cellule cancéreuse. Le plus souvent, dans le cas des tumeurs malignes hématologiques, l’antigène ciblé est le CD19, un marqueur spécifique des lymphocytes B. Mis en culture pour une expansion in vitro, ces lymphocytes T modifiés, devenus des « CAR-T cells », sont soumis à un contrôle de qualité et cryopréservés. Ils sont réinjectés dans l’organisme de la personne malade après chimiothérapie de lymphodéplétion, qui permet de diminuer les cellules T endogènes et de faciliter la dispersion des cellules CAR-T dans le sang. Sur le papier, les choses semblent simples. « Mais c’est en réalité une technologie complexe et coûteuse, qui demande du temps (en moyenne quatre semaines), une grande expertise et du matériel de pointe », explique le Pr Chalandon.
Des résultats prometteurs Approuvée par les instances régulatrices internationales et par Swissmedic, la thérapie par CAR-T cells est utilisée depuis 2021 dans l’Unité d’hématologie oncologique des HUG. « Le recul commence à être suffisant pour mettre en avant des données sérieuses d’efficacité chez des personnes qui n’avaient pas répondu aux autres thérapies », se félicite le Pr Chalandon. Et de poursuivre : « Les résultats sont variables, mais nous observons, selon l’âge et le type de tumeur, entre 50 et 60 % de réponse complète avec des survies à 3 ans entre 40 et 60 % selon le type de maladie, le stade et l’âge de la personne. »
Des conclusions qui incitent à proposer désormais plus précocement – en deuxième ligne, voire en première ligne dans le futur – ce traitement personnalisé. « Certains effets secondaires sont néanmoins relevés, tels un syndrome de lyse tumorale ou des complications neurologiques. Mais ils restent bien contrôlés si un suivi adéquat est assuré », conclut le Pr Chalandon.
Un support pour informer les patients et patientes
L’Unité d’hématologie oncologique a publié une page web d’information pour présenter la thérapie par CAR-T cells et les différentes étapes du traitement.
Consultez la page : Thérapie par cellules CAR-T
En décembre 2021, l'Unité d'onco-hématologie pédiatrique a obtenu l’accréditation pour effectuer des immunothérapies chez l’enfant en recourant aux cellules Car-T (lymphocytes T dotés de récepteurs antigéniques chimériques, Kymriah). L’unité, dirigée par le Pr Marc Ansari, devient ainsi le seul centre pédiatrique en Suisse romande à pratiquer cette thérapie qui permet de traiter certaines formes résistantes de leucémies aigües.
Texte:
- Clémentine Fitaire