Pour se comprendre quand la communication n’est plus possible, il faut prévoir. Les HUG ont lancé fin 2021 un module, intégré dans l'application Concerto, qui facilite la rédaction de directives anticipées et promeut le dialogue autour du projet de soins.
Luca, 32 ans, est dans le coma. Victime d’un accident de la circulation, il souffre de lésions graves et irréversibles au cerveau. S’il survit, il sera totalement dépendant de son entourage pour toutes les activités de la vie quotidienne. Georgette, 83 ans, atteinte d’une démence sénile débutante, a perdu sa capacité de discernement. Hospitalisée pour une pneumonie, elle manque d’oxygène. La respiration artificielle pourrait être le seul moyen de la garder en vie*.
Dilemme. Luca veut-il vivre, sachant qu’il a perdu son autonomie ? Georgette souhaite-t-elle recevoir une respiration artificielle ? Des questions fondamentales auxquelles personne n'a de réponse. Car Luca et Georgette n'en ont pas parlé avec leurs proches ni rédigé de directives anticipées. Et n’ont pas abordé ces questions avec leur entourage. S’ils l’avaient fait, proches et équipes médico-soignantes pourraient prendre des décisions thérapeutiques en accord avec leurs valeurs et leurs préférences.
Optimiser le dialogue
C’est l’objectif du nouveau module Accordons-nous des HUG : aider, concrètement, les utilisateurs et utilisatrices à rédiger des directives anticipées précises et créer des conditions favorables pour susciter un dialogue informé avec les proches et le personnel de santé.
« Intégré dans l’application gratuite Concerto, qui permet aux personnes hospitalisées aux HUG de devenir actrices de leur prise en charge, Accordons-nous aborde l’anticipation des soins sous tous ses angles : médical, éthique, juridique, culturel et pratique. De plus, un jeu de cartes peut être téléchargé et imprimé à domicile. Baptisé Anticip’action, il a été développé avec des infirmières des HUG pour aider les gens à fixer leurs priorités. C’est donc aussi un formidable outil pour optimiser la discussion avec les équipes médico-soignantes », s’enthousiasme Christine Clavien, éthicienne à la Faculté de médecine, initiatrice et co-cheffe de ce projet.
Susciter de l’empathie
Le module comporte trois parties. «Je m’informe» répond aux questions générales. «J’en parle» fournit des conseils pour briser la glace et dialoguer avec l’entourage. Tandis que «J’écris» guide la rédaction des directives anticipées… qu’il faut imprimer, signer et amener à son médecin.
Une section permet aussi de transmettre des informations biographiques. «C’est important. Les soignants développent naturellement plus d’empathie envers des patients et patientes qui ont des préférences, des rêves et des peurs. C’est plus engageant que de soigner juste un corps», souligne Christine Clavien.
Encourager une nouvelle approche
Fruit d’un travail interprofessionnel de plus de deux ans, Accordons-nous s’inscrit dans une dynamique plus vaste, partie d’un constat simple : la promotion de l’anticipation des soins ne répond pas aujourd’hui aux attentes des autorités sanitaires. C’est un problème mondial. Trop peu de dossiers médicaux comportent des directives anticipées. « Et quand elles existent, elles sont rarement précises. Les gens écrivent par exemple qu’ils ne veulent pas d’acharnement thérapeutique. C’est une notion relative : le caractère approprié ou non des soins peut être perçu très différemment par les patients, les proches et les professionnels de santé », rappelle le Dr Thomas Fassier, médecin adjoint au Service de médecine interne de l’âgé et co-chef de projet.
Pour changer la donne, les HUG adoptent la nouvelle approche du Projet de soins anticipé. « L’anticipation des soins est désormais comprise comme un dialogue actif, précoce et continu entre patients, proches et professionnels pour des objectifs de soins personnalisés plus évolutifs. Accordons-nous constitue un atout important dans cette dynamique », conclut le Dr Thomas Fassier.
* Scenarii fictifs.
Téléchargement gratuit de l’application Concerto sur Apple Store et Google Play Store.
Making of
Tout a commencé par un master supervisé par Christine Clavien, éthicienne à la Faculté de médecine : « Avec deux étudiantes, nous avons créé une équipe pour le Hackathon 2019, organisé par le Centre de l’innovation des HUG. » Leur projet, baptisé ACCORDs, remporte un prix et obtient un financement de la Fondation privée des HUG. « Nous avons travaillé ensuite avec un comité pluridisciplinaire composé de médecins, infirmières, patients partenaires, éthiciennes et juristes. L’outil a été développé avec le service informatique des HUG et testé auprès de quelque 400 personnes. Nous analysons encore ces retours. Ce travail sera terminé en 2022 », annonce Céline Schöpfer, assistante de recherche sur le projet Accordons-nous.
Texte:
- André Koller
Photos:
- Julien Gregorio