Texte: 

  • Stéphany Gardier

Addictions : s’exposer à la vie réelle

Depuis janvier 2018, un nouveau type d’hôpital de jour accueille les personnes concernées par une addiction, avec ou sans substances. Créé par les HUG, le programme CITE veut replacer le projet de vie du patient au centre de la prise en charge.

Après l’accueil de 9h et les activités de la matinée, les locaux du CAAP*, rue Grand-Pré, se vident. Quelques personnes discutent dans la salle commune tandis que deux autres partagent un café dans la cuisine baignée de soleil. Aux murs, des photos de plats «faits maison» plus appétissants les uns que les autres. «A midi, nous avons préparé un poulet mafé, précise tout sourire un patient. Une personne du groupe est africaine, elle nous a expliqué cette recette qui vient de chez elle.» Préparer et partager un repas ensemble est une des nombreuses options proposées aux patients du programme CITE, en parallèle de la prise en charge psychothérapeutique.

Lancée en janvier dernier et pilotée par les Drs Gabriel Thorens et Gerard Calzada, addictologues aux HUG, cette «Cure Interactive de Traitement par Exposition» invite le patient à traiter son addiction dans un cadre qui se veut le plus proche possible de la vie réelle. À l’opposé de la cure classique, qui met à l’abri durant quelques semaines, mais ne prépare pas toujours au retour dans la société. Le participant va donc être «exposé» à des situations critiques pour lui, afin d’apprendre à mieux les gérer. En plus d’un accompagnement individuel, les patients ont le choix de suivre des ateliers variés: des connaissances de l’addiction à la méditation en passant par l’utilisation des réseaux sociaux. Des activités animées par les patients eux-mêmes font aussi partie de l’offre. «L’objectif est que chacun puisse trouver de quoi (re)mobiliser ses compétences», résume Gabriel Thorens.

Construire un nouveau projet de vie

Ici, aucune recette clé en main donc, mais un menu dans lequel piocher ce qui sera le plus utile, en fonction des besoins et des objectifs de chacun. Une vision qui tranche avec celle de l’hôpital de jour traditionnel. «C’est une des différences principales de ce programme: ici, pas de protocoles standardisés, explique Gerard Calzada. Nous co-construisons les plannings ensemble avec les patients.» Et pour être au plus près des usages du moment, toute l’offre est disponible en ligne, permettant ainsi aux patients de visualiser les options de la semaine et d’organiser leur emploi du temps.

Les personnes qui sont encore consommatrices de substances sont les bienvenues. «La question de l’abstinence est souvent mise en avant dans les soins plus traditionnels. Parfois, elle est d’ailleurs requise avant de pouvoir commencer une thérapie. Ici nous ne la considérons plus comme un but, mais comme un moyen. Et un moyen qui n’est pas forcément nécessaire», souligne Gabriel Thorens. Pour le Dr Calzada, l’objectif est de parvenir à construire avec le patient «un projet de vie qui vaille la peine d’être vécu».

Retrouver du plaisir

Le centre est ouvert les jours de semaine et les participants peuvent s’y rendre autant qu’ils le souhaitent, même en dehors des heures d’activités. Parmi eux, Serge, la quarantaine, artiste. Déjà passé par des structures de soins ambulatoires classiques, il prend quelques minutes pour partager ses impressions sur le programme CITE. «Un après-midi on est allés à un café philo: j’ai été étonné de ce que ça m’a apporté et depuis j’y retourne seul. Ici on peut découvrir beaucoup de choses auxquelles nous n’aurions même pas pensé; on retrouve du plaisir.» Avant de traverser l’épreuve de la dépression puis de l’addiction, Serge écrivait. Il s’est donc lancé et a proposé d’animer des ateliers d’écriture. «J’ai été agréablement surpris, confie-t-il. Ici le rapport patient-soigné est différent. On ressent une véritable dynamique et une réelle complicité». Un sentiment qui fait écho à l’implication de l’équipe soignante. «C’est vrai qu’on a tous accepté de se mouiller un peu, sourit Gerard Calzada. Habituellement, le soignant est là pour “modérer” le groupe. Ici on participe. On part du principe qu’on va tous apprendre quelque chose, tous évoluer.»

* Consultation ambulatoire d’addictologie psychiatrique.

Le site internet du programme CITE propose informations pratiques, documentation, tests d’évaluation à un éventuel risque d’addiction (aux jeux de hasard ou vidéo, au travail, etc.) et autres ressources utiles.

Site internet - programme CITE
Site internet - programme CITE
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