Comment réagir en cas d’agression sexuelle? Vers qui se tourner? Les urgences gynéco-obstétricales des HUG offrent un accueil et une prise en charge spécialisés aux victimes. Confidentialité garantie et consentement requis pour tous les examens proposés.
C’est un sujet délicat qui suscite beaucoup d’émotions et fait l’objet de nombreuses idées reçues. Les agressions sexuelles sont un problème de santé publique qui touche de nombreuses personnes. On estime que 20 à 25 % des femmes et des filles de plus de 16 ans ont expérimenté de la violence sexuelle. Sur cette proportion probablement sous-estimée, seule une petite minorité rapporte les faits, reçoit des soins ou entame une démarche légale. «L’Unité des urgences gynéco-obstétricales des HUG accueille chaque année 150 personnes pour un constat d’agression sexuelle. Mais, certainement, beaucoup plus sont concernées», estime la Dre Jasmine Abdulcadir, responsable de l’unité.
Comment se déroule la prise en charge ?
Quand une victime d’agression sexuelle se présente aux urgences gynéco-obstétricales, elle est prise en charge par une infirmière qui va rester avec elle durant toute la consultation. L’accueil se déroule dans un cadre rassurant, en toute confidentialité. Puis la patiente est informée de la possibilité d’effectuer un constat d’agression sexuelle (CAS) avec un ou une médecin légiste et un ou une gynécologue. Psychiatre, proctologue ou pédiatre peuvent aussi être sollicités selon les situations.
Il est possible de réaliser un CAS même si la victime ne souhaite pas entamer une démarche légale. Plus tôt elle se présente après les faits, c’est-à-dire dans les heures ou jours qui suivent, plus il sera possible de recueillir des traces de l’agression, de prévenir des grossesses indésirables ou d’éventuelles infections sexuellement transmissibles.
Après la première consultation, un rendez-vous de suivi est prévu avec un ou une infectiologue, ainsi qu’à la Policlinique de gynécologie et à l’Unité de médecine et de prévention de la violence, où la victime reçoit un soutien psychologique.
Un personnel spécialement formé
Les équipes qui accueillent les victimes sont spécialement formées pour cette prise en charge. «Nous organisons des formations théoriques et des simulations basées sur des cas réels pour apprendre comment recueillir les informations auprès de la victime. Cet aspect est particulièrement important pour le personnel de triage dont le rôle est primordial pour l’accueil des victimes aux urgences. Chaque tournus d’équipe implique une formation pour les nouvelles personnes», précise la Dre Abdulcadir.
Une fois la victime prise en charge, aucun examen n’est réalisé sans son consentement et rien n’est transmis sans son accord. Le consentement est renouvelé à chaque étape et l’équipe soignante ne met jamais en doute la parole de la victime.
Une étude précieuse
Entre 2018 et 2021, les données de tous les constats d’agressions sexuelles réalisés aux HUG et au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont été collectées et analysées dans une étude rétrospective, financée par les HUG et le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes. «Grâce à cette étude, nous disposons de données qui peuvent enrichir nos pratiques et celles des acteurs et actrices de terrain, et ainsi servir à améliorer l’information aux personnes qui pourraient vivre une agression», explique la Dre Abdulcadir.
Déconstruire les mythes et informer
L’étude rétrospective renseigne sur les caractéristiques des agressions et les profils des victimes. Elle révèle que l’âge médian des personnes qui ont effectué un constat d’agression sexuelle aux urgences était de 24 ans et que le nombre de constats est plus élevé pendant les week-ends et durant l’été. Ce rapport bouscule également certaines idées reçues sur les viols et les agressions sexuelles. Par exemple, 58 % des victimes indiquent connaître leur agresseur. Or, l’un des a priori les plus communs à propos des agressions est qu’elles impliquent un inconnu. En réalité, pour les patientes incluses dans cette étude, l’agresseur était le plus souvent un ami, un collègue ou une connaissance. Pour 17 % d’entre elles, il s’agissait même de leur partenaire intime.
Informer et sensibiliser grâce à cette étude, c’est l’espoir de la Dre Jasmine Abdulcadir, responsable de l’Unité des urgences gynéco-obstétricales et co-autrice de l’étude. « Ces informations sont importantes d’un point de vue de santé publique. Il faudrait qu’elles soient disponibles pour les écoles, les villes et les politiques. Notre équipe de recherche envisage de créer un observatoire des violences sexuelles prises en charge aux urgences. »
L’étude est disponible sur : hug.plus/constat-agression-sexuelle
Texte:
- Anne-Marie Trabichet
Photos:
- Ilaria Urbinati