Texte: 

  • Mélissa Chervaz

Photos: 

  • François Schaer

Antibiotiques, gare aux résistances !

Redoutables armes contre les bactéries, les antibiotiques doivent être utilisés à bon escient pour éviter le développement de résistances. Tour d’horizon des risques d’un usage inconsidéré, mais aussi des bonnes pratiques à adopter, avec le Pr Stephan Harbarth, médecin-chef du Service prévention et contrôle de l’infection et directeur du Centre de collaboration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la résistance aux antibiotiques.

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) définit la résistance aux antibiotiques, aussi appelée antibiorésistance, comme «la capacité des bactéries à s'adapter et à résister à l’action des antibiotiques». «Les bactéries devenues résistantes peuvent se transmettre d’une personne à l’autre et rendre le traitement des infections qu’elles causent difficile, voire impossible», relève le Pr Stephan Harbarth, médecin-chef du Service prévention et contrôle de l’infection des HUG.

Un phénomène naturel

L’antibiorésistance est un phénomène naturel qui pourrait être décrit comme une guerre biologique, avec des bactéries luttant pour leur survie. Ces dernières développent des mécanismes de défense appelés «résistances naturelles» qui, bien qu’ils aient toujours existé, se voient amplifiés par l’utilisation d’antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire. L’être humain devient ainsi un accélérateur essentiel du développement de ces résistances.

Pandémie silencieuse

L’antibiorésistance mène à des échecs de traitement et induit un risque d’épidémie en cas d’introduction d’un germe résistant en milieu hospitalier. «En sachant que les estimations associent de manière causale et directe plus d’un million de décès chaque année dans le monde à l’antibiorésistance, nous devons sensibiliser la population à cette pandémie silencieuse qui se situe dans le top 20 des causes de mortalité au niveau global», souligne le Pr Harbarth. De plus, l’antibiorésistance fait grimper les coûts de la santé, notamment à cause de l’augmentation de la durée des hospitalisations.

Qu’est-ce qu’un bon usage des antibiotiques ?

Selon l’OMS, un bon usage des antibiotiques est une utilisation efficiente qui permet à la fois d’optimiser leur effet thérapeutique et de minimiser toute toxicité et tout risque de développement de résistances. En ce sens, l’automédication, le recyclage ou le partage d’anciens traitements vont à l’encontre d’un bon usage des antibiotiques. «Nous recommandons donc de les éviter, voire de les proscrire», relève le spécialiste. À l’inverse, certaines bonnes pratiques favorisent un usage correct des antibiotiques. Parmi elles : ne pas insister auprès de sa ou son médecin pour recevoir un antibiotique, ne pas utiliser les antibiotiques lors d’infections virales ou encore suivre scrupuleusement les indications de traitement (durée, posologie, etc.) lors d’une antibiothérapie. De leur côté, les médecins doivent aussi porter attention aux règles d’usage en vigueur lors de la prescription d’un antibiotique.

Sensibiliser oui, mais pas à tout-va !

Des sondages récents auprès de la population suisse ont montré que les connaissances en matière de résistance aux antibiotiques, certes imparfaites, sont tout de même largement supérieures à celles d’autres pays. Par exemple, l’«Enquête auprès de la population : résistance aux antibiotiques 2020» a révélé que deux tiers de la population savait que les antibiotiques ne tuaient pas les virus. «Les résultats montrent qu’informer la population est une stratégie payante, mais la bataille n’est pas terminée. Il est donc nécessaire de continuer à sensibiliser, mais en sélectionnant les informations pour éviter de les noyer dans la masse et en adaptant les messages de sensibilisation aux différents types de population», conclut le Pr Harbarth.

Serious game sur l’antibiothérapie

serious game antibioresistance

Tu en as marre des messages de prévention un peu trop linéaires ? Tu aimerais en apprendre plus sur l’antibiorésistance de manière ludique et proactive ? Ce nouveau jeu en ligne est fait pour toi !

Lorsqu’un vaisseau spatial s’échoue avec à son bord toute une équipe spatiale aux symptômes plus originaux les uns que les autres, c’est à toi de prendre les commandes et de prodiguer les soins adaptés. Pour prendre les bonnes décisions, tu auras à ta disposition une encyclopédie et une jauge te permettant de savoir où tu te situes par rapport à la résistance aux antibiotiques. Trois prix seront remis sur tirage au sort aux joueurs et joueuses qui auront réussi leur mission.

Voilà le contexte de départ de ce serious game, conçu par la Dre Diem-Lan Vu, médecin interniste et infectiologue, Barbara Müller, adjointe de direction au Service du médecin cantonal, et réalisé par Atelier Sémaphore. Son objectif est de guider la personne malade dans son parcours de soins à travers une communication positive et dynamique pour qu’elle adopte un comportement adéquat par rapport aux antibiotiques. Alors au revoir automédication, partage d’antibiotiques ou encore recyclage des vieilles boîtes au fond du placard, et bonjour au ou à la médecin qui sommeille en toi !

Vrai ou faux ?

La résistance aux antibiotiques signifie que le corps devient résistant aux antibiotiques.
Faux. Ce sont les bactéries qui deviennent résistantes et non les humains.

La résistance aux antibiotiques est uniquement due à l’être humain.
Faux. C’est un phénomène naturel amplifié par l’utilisation d’antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire.

La résistance aux antibiotiques est un phénomène récent.
Faux. Le développement de résistances naturelles par les bactéries a toujours existé.

Nous pouvons ralentir les résistances par des stratégies de prévention.
Vrai. Sensibiliser la population aux risques de l’antibiorésistance favorise le bon usage des antibiotiques.

Un peu d’histoire

Le XXe siècle a été le théâtre de nombreuses recherches scientifiques autour des maladies infectieuses. Certaines d’entre elles, telles que la syphilis, la fièvre typhoïde ou la tuberculose, ont décimé des populations entières faute de traitements efficaces. Le développement de la médecine microbiologique et de la chimie organique a alors permis une avancée spectaculaire en matière de découvertes scientifiques, notamment sur la capacité de certains micro-organismes à en inhiber d’autres ou à combattre des infections. En 1941, la pénicilline fait son entrée en médecine clinique moderne et ouvre l’ère dorée des antibiotiques. Rapidement, des staphylocoques dorés y deviennent résistants et le scientifique Alexander Flemming tente tout de suite d’alerter le monde sur cette problématique. Presque un siècle plus tard, de nombreuses bactéries sont devenues résistantes aux antibiotiques.

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