Texte: 

  • Lætitia Grimaldi

Photos: 

  • Owen Gent

Anticiper les crises psychiques

En cours de mise en place dans les Services de psychiatrie adulte et d’addictologie des HUG, le Plan de crise conjoint propose aux personnes fréquemment hospitalisées de se pencher sur leurs besoins, avant, pendant et après les crises.

«Qu’est-ce qui peut m’amener à une situation qui me dépasse et me met en crise ?», «Comment suis-je concrètement quand je suis en crise ?» : en tout, une dizaine de questions rassemblées sur un document de deux pages concrétise le Plan de crise conjoint (PCC). Il s’agit d’un nouvel outil thérapeutique auquel se forment depuis plusieurs mois les équipes soignantes des Services de psychiatrie adulte et d’addictologie des HUG. «La démarche existait déjà, mais elle était plus informelle. Elle est désormais bien plus précise, grâce à l’impulsion notamment de Pascale Ferrari (infirmière spécialiste clinique au sein de l’Unité de psychiatrie mobile du Centre hospitalier universitaire vaudois), de la formation d’e-learning qu’elle a conçue et nous a présentée, et de Caroline Sutter (paire praticienne* en santé mentale)», indique le Dr Javier Bartolomei, médecin adjoint au Département de psychiatrie des HUG.

Le principe de ce document ? «Le PCC s’adresse aux patients et patientes qui nécessitent des hospitalisations fréquentes en raison de troubles psychiques ou de problèmes d'addiction. L’idée est de leur permettre d’identifier les signes avant-coureurs des crises, les facteurs susceptibles de les déclencher, mais également ce qui pourrait aider à les désamorcer», explique Visar Qusaj, infirmier, adjoint au responsable des soins du Département de psychiatrie des HUG.

Démarche d’introspection

Si ce plan vise à diminuer les hospitalisations, le recours à la contrainte ainsi que les rechutes, il s’inscrit dans une démarche plus vaste encore : «Celle de positionner la personne dans un processus qui lui est propre, en devenant pleinement "sujet", et non "objet", de soins. Elle est ainsi invitée à réfléchir, d’abord seule, aux divers points soulevés. Ce temps d’introspection est extrêmement précieux», constate le Dr Bartolomei. Puis vient le travail «conjoint», donnant son nom au PCC, qui s’établit avec un ou une soignante et, si la personne le souhaite, un ou une proche. Le document est alors discuté, pensé, si besoin sur plusieurs séances, pour finalement être co-signé quand les avis ont pu s’accorder. «Cette démarche peut prendre plusieurs semaines et ce n’est pas grave. Car elle présente dès ses prémices l’avantage d’ouvrir un dialogue précieux et parfois inédit sur la personne et ses besoins», précise Visar Qusaj.

«Moi qui ai eu des difficultés psychiques dans le passé, je peux témoigner à quel point il est important de pouvoir se dire : "J’ai cette fragilité, mais j’ai aussi des ressources qui me permettent d’avoir prise sur les crises, pour ne plus seulement les subir". Le PCC facilite aussi le dialogue avec le corps médical en s’accordant sur les points qui nous sont essentiels», souligne Andrea Ehretsmann, pair praticienne en santé mentale aux HUG. Et de conclure : «Ce genre d’outil permet de reprendre confiance en soi et de réaliser que la maladie psychique n’empêche pas d’avoir une vie riche.»

Plus d’infos : www.plandecriseconjoint.ch

*Les pairs praticiens et paires praticiennes en santé mentale sont des personnes ayant souffert de troubles psychiques et s’étant formées pour soutenir le rétablissement d’autres personnes concernées.

PHILIPPE, 51 ans : « Il y a eu un avant et un après »

«Ma vie a été ponctuée de nombreux séjours à l’hôpital en raison des troubles bipolaires dont je souffre. La découverte du Plan de crise conjoint, que j’ai longuement discuté avec mon infirmière référente, a été une révélation. J’ai pu mettre des mots sur mes ressentis, détailler le chemin que peuvent emprunter mes crises psychotiques, en le décrivant comme des panneaux de signalisation, susceptibles de passer du vert – quand tout va bien – au rouge – quand c’est la catastrophe. L’objectif était aussi que je puisse indiquer ce que j’aimerais que mes proches ou les équipes soignantes fassent – ou pas – pour m’aider dans ces moments-là. Grâce à cela, je me sens plus tranquille et mes hospitalisations sont beaucoup plus rares. Il y a vraiment eu un avant et un après.»

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