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Après un AVC, se donner toutes les chances

Objectif : retrouver la meilleure qualité de vie possible. Les différents spécialistes du service de neurorééducation prennent en charge à l’Hôpital Beau-Séjour les personnes victimes d’AVC.

Les traitements de l’accident vasculaire cérébral (AVC) en phase aiguë donnent de bons résultats (lire Une course contre la montre). Il n’en demeure pas moins que certaines personnes souffrent d’une atteinte du système nerveux entraînant une incapacité fonctionnelle. Pour elles, passage obligé à l’Hôpital Beau-SéjourQuelque 150 patients sont suivis ici chaque année. La durée de leur séjour varie, selon le degré de l’atteinte, entre un et trois mois. L’hospitalisation est généralement suivie par une période de prise en charge ambulatoire », explique la Dre Béatrice Leemann, médecin adjointe au service de neurorééducation.

La palette des déficits est très large. Elle comporte des troubles moteurs (hémiplégie), de l’équilibre, de la déglutition ou urinaires. Des déficits sensoriels, se manifestant par exemple par une perte de sensibilité ou de vue sur un côté, sont aussi possibles. Les atteintes cognitives comprennent troubles du langage (aphasie), perte de mémoire, difficultés à percevoir des objets situés à gauche (héminégligence) ou à planifier des actions. Sans oublier les problèmes psychiques. « L’atteinte du cerveau peut induire un état dépressif ou des difficultés à gérer les émotions », souligne la spécialiste.

Equipe interdisciplinaire

Au début de chaque prise en charge, un bilan neurologique, neuropsychologique et fonctionnel précis a lieu. « Nous déterminons ce qui va et ce qui ne va pas et décidons, lors d’un colloque interdisciplinaire, du programme le mieux adapté à la situation de la personne », relève la Dre Leemann. Et d’ajouter: « Nous visons à ce qu’elle récupère au mieux de ses déficits. Mais le but est aussi de mettre en place des stratégies et des moyens de compensation afin d’atteindre un maximum d’autonomie et, malgré un déficit persistant, de retrouver la meilleure qualité de vie possible.»

Coordonnée par des médecins spécialisés en neurologie ou en médecine physique et réadaptation, l’équipe comprend physiothérapeutes, ergothérapeutes, neuropsychologues et logopédistes. Les soins infirmiers interviennent pour favoriser la mobilité et l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne. Un psychologue, une art-thérapeute, une maître de sport adapté, une diététicienne et une assistante sociale complètent l’offre.

Participation active

Les conditions de la réussite ? « La participation active du patient à sa rééducation est primordiale: sans elle, on ne peut rien faire. La façon dont le handicap résiduel est appréhendé par le patient et son entourage influence aussi le devenir. Les personnes qui apprennent à vivre au mieux avec leurs difficultés ont plus de facilité à se fixer de nouvelles priorités dans leur vie », répond la Dre Leemann. La grande majorité des gens retourne chez eux, avec l’aide des proches ou des soins à domicile. Certaines personnes poursuivent leur rééducation de manière ambulatoire à l’hôpital de jour à Beau-Séjour. D’autres la font chez des physiothérapeutes et ergothérapeutes en privé, voire chez elles. Beaucoup reprennent leurs activités professionnelles. Pour un très petit nombre, le transfert dans une institution s’avère cependant nécessaire.

ergothérapie

Retrouver l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne avec l’aide de l’ergothérapeute.

Facilitateur du quotidien

« Nous aidons les personnes qui sont en situation de handicap à trouver des stratégies en nous adaptant à leurs capacités et leurs besoins. En un mot, nous sommes des facilitateurs des activités de la vie quotidienne », résume Myriam Chabloz, ergothérapeute à l’Hôpital Beau-Séjour. Eliane, 69 ans, en sait quelque chose. Depuis quatre mois, suite à son AVC, elle enchaîne tous les jours des séances de 30 à 60 minutes. Objectif: retrouver l’amplitude de son bras droit. « J’ai fait plein d’exercices pour rééduquer les mouvements comme rentrer des pions dans une boîte ou trier des clous de différentes longueurs. Aujourd’hui, j’arrive presque à tout faire: je peux couper ma viande, mettre ma veste, me coiffer, m’attacher les cheveux », dit-elle.

Les séances à l’hôpital ont également lieu dans une cuisine : Eliane s’est ainsi entraînée à se déplacer avec son déambulateur de façon sécurisée dans cette pièce tout en s’exerçant à réchauffer des plats. L’ergothérapeute effectue aussi une visite à domicile pour évaluer l’accessibilité du logement (marches à franchir, ascenseur) et proposer des moyens auxiliaires pour faciliter les transferts. « Comme j’ai de la peine à me relever des toilettes, on a fixé une poignée du côté gauche où j’ai plus de force. On a aussi installé une planche de bain dans ma baignoire de sorte que je me retrouve assise pour faire ma toilette. J’y gagne en autonomie et en sécurité », explique Eliane, qui se réjouit de regagner son appartement dans une semaine. Là, la rééducation continuera avec un physiothérapeute et un ergothérapeute.

Se mobiliser

Après un AVC, la mobilisation commence le plus tôt possible. En principe, 48 heures après l’hospitalisation. « Il faut éviter la perte de condition physique autant que le permet l’état du patient », insiste Emmanuel Guyen, physiothérapeute responsable du secteur neurologie.

Les premiers exercices ? Se tenir assis, puis debout. Vient ensuite tout le travail sur la mobilité et le bras atteint. C’est le chemin suivi par Marthe, 79 ans, hospitalisée depuis trois mois à Beau-Séjour. « J’étais en parfaite santé. Je pilotais encore un avion il y a trois ans. J’écrivais des romans et des nouvelles. J’exposais mes peintures. Je n’avais aucun des facteurs de risque connus. Et tout à coup pan! Ma vie bascule dans une autre dimension: côté gauche du corps paralysé… Vous saviez, vous, qu’un bras inanimé ça pèse une tonne ? », grimace-t-elle. Pour elle, la reconquête de l’autonomie passe par la marche. « Depuis peu ma jambe gauche donne des signes de vie! Si je pouvais encore récupérer le bras… Je garde espoir. Les physiothérapeutes font un boulot remarquable. Ils sont très à l’écoute et cultivent un admirable esprit d’équipe, tendu vers un seul but: l’autonomie des patients.» « Fort heureusement, les déficiences mentales m’ont été épargnées. Je suis assez lucide pour reconnaître mon handicap. Et l’accepter. Mais ça, c’est le plus dur », conclut-elle.

Retrouver toute sa tête

Mémoriser, traiter des informations, gérer plusieurs tâches ou même prendre des initiatives peut être plus difficile après un AVC. Des spécialistes aident les patients à récupérer ces fonctions dites supérieures. « En coordination avec les ergothérapeutes, nous nous efforçons également de les rendre aptes à la reprise des activités professionnelles », précise le Dr Radek Ptak, neuropsychologue au service de neurorééducation.

Mireille*, 50 ans, hospitalisée un mois à l’Hôpital Beau-Séjour après un AVC, se souvient: « Des tests, oh j’en ai tellement fait ! Mémoire, concentration, dessin, calcul mental… Certains étaient vraiment difficiles. Même avant je ne les aurais peut-être pas réussis. Parfois j’avais l’impression d’être bonne à rien. Mais un mot d’encouragement suffisait à me remettre en selle. » Depuis son retour à domicile, elle suit les séances de neuropsychologie et ergothérapie pour faciliter la reprise professionnelle. « Je fais des exercices en situation. Je dois par exemple exécuter plusieurs tâches dans un ordre précis. Parfois ma neuropsychologue, la Dre Tatiana Aboulafia, m’interrompt pour quelque chose de plus urgent… Comme au bureau ! C’est juste pour voir si je sais bien gérer le stress et les priorités.» « Je travaille maintenant à 30%. Petit à petit, j’espère reprendre à plein temps. J’ai déjà énormément progressé. Je m’efforce toujours de mettre en pratique les conseils que me donne la neuropsychologue. Et ça marche ! J’ai aussi appris qu’il faut avoir confiance en soi. Un sentiment qui, personnellement, m’a beaucoup aidée », glisse Mireille.

* prénom d’emprunt

Accepter son corps

L’AVC a souvent un impact sur l’image du corps, l’estime de soi, voire l’identité. En rééducation, tous les thérapeutes accompagnent la personne dans son processus d’acceptation et de reconstruction. Parfois, un travail psychocorporel est nécessaire et une infirmière spécialiste clinique en réadaptation, comme Sandrine Jonniaux, intervient. « Selon les besoins et envies des personnes, des exercices utilisant le toucher, des massages, de la relaxation leur permettent de ressentir des sensations corporelles agréables. Dans ces moments, on met l’accent davantage sur leurs ressources que sur leurs déficits », explique-t-elle. Et de poursuivre avec un exemple concret: « En apprenant à une personne hémiplégique à se détendre, se relaxer, travailler sur sa respiration, on peut l’aider à mieux gérer ses difficultés ou ses peurs.» Ainsi, se préoccuper du vécu corporel encourage la personne à réapprivoiser son corps. C’est aussi une façon de lui redonner du pouvoir et sa place dans ce long chemin de reconstruction.

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