Texte: 

  • Laetitia Grimaldi

Photos: 

  • Bogsch & Bacco / Midjourney

Bienvenue au Centre Synapsy

Trois questions à la Pre Indrit Bègue, psychiatre et spécialiste en neuro-imagerie et stimulation cérébrale non invasive au Département de psychiatrie.

Pulsations : Quelle est la mission du Centre Synapsy de recherche en neurosciences pour la santé mentale, créé avec le soutien de la Fondation privée des HUG ?
Pre Indrit Bègue : En tant qu’héritier du Pôle de recherche national (PNR)-Synapsy, qui a ouvert la voie à des collaborations inédites entre neurosciences et psychiatrie, il s’investit pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents aux maladies mentales. Cette ambition a deux buts majeurs : concevoir des thérapies adaptées et mettre en avant des axes de prévention efficaces. Installé sur le Campus Biotech, sous la direction de la Pre Camilla Bellone et du Pr Stefan Kaiser, il rassemble, autour de projets communs, des cliniciens, cliniciennes et neuroscientifiques de l’Université de Genève.

Quels sont les atouts majeurs de ce centre ?
Au-delà de favoriser les synergies entre le monde de la recherche et celui des soins, j’en citerais trois : la mise en place d’études sur les maladies mentales impliquant à la fois des modèles animaux et la participation de patients et patientes, la possibilité de suivi sur le long terme des personnes participant à des projets de recherche sur le cerveau et les équipements technologiques de pointe à disposition. Parmi eux : les approches thérapeutiques fondées sur la stimulation cérébrale non invasive, l’IRM 7 Tesla permettant de visualiser des structures jusque-là invisibles, des approches génétiques particulièrement innovantes ou encore des outils d’intelligence artificielle.

Qu’en espérer dans les années à venir ?
Le traitement des maladies mentales passe, et passera, par une meilleure compréhension des mécanismes qui en sont à l’origine. De nombreuses recherches se concentrent ainsi sur les circuits des neurones dont le fonctionnement est souvent perturbé en cas de maladies mentales. Longtemps, nous ne pouvions qu’observer ces réseaux par la neuro-imagerie. Désormais, grâce à la stimulation cérébrale non invasive, nous pouvons les moduler et développer ainsi de nouvelles thérapies.

Qu’est-ce que la stimulation cérébrale non invasive ?

Très prometteuse, la stimulation cérébrale non invasive modifie l'activité cérébrale sans nécessiter de chirurgie. Parmi les techniques les plus utilisées, la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) utilise un champ magnétique variable pour générer des impulsions qui stimulent les neurones. Il est aujourd’hui possible de cibler avec une grande précision les circuits cérébraux impliqués dans divers troubles. Depuis son lancement en 2008, la TMS a dynamisé le traitement des troubles psychiatriques résistants, tels que la dépression sévère, la schizophrénie, les addictions ou encore les douleurs chroniques. Elle est également utilisée pour la réhabilitation, après un accident vasculaire cérébral par exemple. Généralement bien tolérée, la TMS entraîne des effets secondaires légers et temporaires, tels que des maux de tête ou des picotements au niveau de la zone de stimulation. Elle s’apprête à être proposée à la consultation du Campus Biotech.

santé cérébrale

L’innovation (aussi) par la psychothérapie

Outre les progrès technologiques fascinants qu’elle laisse espérer, l’alliance des neurosciences et de la psychiatrie lève aussi le voile sur des innovations inattendues, en apparence moins spectaculaires, mais majeures. Un fait dont se réjouit le Pr Christoph Nissen, médecin-chef du Service des spécialités psychiatriques, notamment dans le cadre d’un projet mené aux HUG sur le recours de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour le traitement de l’insomnie chez les personnes présentant des troubles psychiatriques : «L’insomnie est très fréquente chez les personnes souffrant de dépression, de troubles anxieux ou encore de schizophrénie. Or, même si cela est peu connu, la TCC est actuellement la première recommandation pour la traiter. Parmi les originalités du projet : un concept global et innovant de promotion de cette technique, l’étroite participation des patients et patientes, la collaboration entre les diverses équipes soignantes concernées, le tout pour une démarche dont l’efficacité ne cesse de se confirmer. Il est en effet prouvé aujourd’hui que les psychothérapies, et la TCC en particulier, modifient certains aspects biologiques du cerveau. Son utilisation généralisée pour la prise en charge de l’insomnie se profile comme un vrai changement de paradigme.» Précisons que la TCC s’organise le plus souvent sur six à huit séances et vise à corriger les comportements délétères de la personne dans une situation donnée. «Dans le cadre du traitement de l’insomnie, plusieurs stratégies sont développées. Elles associent des aspects comportementaux (limiter le temps passé au lit par exemple), de relaxation (pour faciliter l’entrée dans le sommeil) et de compréhension (pour s’éloigner par exemple d’une sorte d’injonction quant au nombre d’heures à respecter)», détaille l’expert.

THOMAS*, 34 ans

« Beaucoup reste à faire pour éviter les peurs infondées »

«Je suis atteint d’une schizophrénie diagnostiquée il y a près de dix ans. Aujourd’hui, après des années difficiles, je vais bien. Cela est dû à plusieurs choses : les médicaments que je prends tous les jours – il a fallu un moment pour trouver le bon “mélange” et les bons dosages –, le suivi par une équipe médicale des HUG, notamment le Pr Stefan Kaiser, qui m’aide beaucoup, mais également le fait d’avoir un jour pris la décision de ne pas rester passif face à la maladie. Je me suis alors efforcé de prendre le dessus sur ces pensées qui envahissaient mon esprit sans être réelles. Je pense que de nombreuses difficultés perdurent dans le domaine des maladies mentales, à commencer par la honte de parler, qui empêche de consulter. Cela est en partie dû à la stigmatisation de ces troubles souvent mis sur le devant de la scène, y compris au cinéma, mais rarement de la bonne manière. Il faut briser cette culture laissant par exemple penser qu’une personne schizophrène est quelqu’un qui veut tuer des gens ! Beaucoup reste à faire pour éviter les peurs infondées et favoriser les soins. La recherche avance, mais pourquoi ne pas aussi imaginer, par exemple, des séances de sensibilisation dès l’école pour combattre les tabous et les idées reçues sur ces maladies ?»

* Prénom d’emprunt

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  • Laetitia Grimaldi

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