Texte: 

  • Stéphany Gardier

Photos: 

  • David Wagnières

Cancer du cerveau: vers un vaccin personnalisé

Un projet de recherche, initié il y a 25 ans aux HUG par l’équipe du Pr Dietrich, permet d’envisager des stratégies de traitement innovantes pour des patients atteints de glioblastome, une tumeur très agressive. Une nouvelle ère s’ouvre.

Depuis fin décembre, les bonnes nouvelles s’enchaînent pour l’équipe du Pr Pierre-Yves Dietrich, chef du Département d’oncologie. En l’espace de quelques semaines, les scientifiques genevois ont publié, dans deux revues de renommée internationale (Nature et Neurooncology), les premiers résultats d’essais cliniques sur un vaccin thérapeutique personnalisé contre le glioblastome, la tumeur cérébrale la plus agressive. S’il souligne qu’il y a encore bien du chemin à parcourir et de nombreux obstacles à franchir pour améliorer le pronostic des patients, le Pr Dietrich ne cache pas sa joie. Il n’oublie pas non plus que cette avancée n’aurait pas vu le jour sans un travail acharné de près d’un quart de siècle ! «Si on m’avait dit, il y a encore cinq ans, que nous en serions là aujourd’hui, je dois avouer que je n’y aurais sans doute pas cru!»

Aux balbutiements de l’immunologie du cerveau

Au milieu des années 1990, les développements thérapeutiques se concentraient sur l’éradication des cellules tumorales, et utiliser le système immunitaire pour en venir à bout n’était pas considéré comme une option pertinente. «Dans le même temps, l’immunologie cérébrale n’en était qu’à ses balbutiements : on se demandait encore s’il y avait des cellules immunitaires dans le cerveau, se souvient le Pr Dietrich. Quand on a monté le laboratoire en 1994 pour étudier l’immunité dans les tumeurs cérébrales, autant dire qu’on avait une page blanche devant nous.»

Pendant plus de quinze ans, chercheurs de l’Université de Genève et médecins des HUG ont travaillé de concert pour clarifier les mécanismes de la réponse immunitaire dans le cerveau humain. Et en 2005, Paul Walker, chef de groupe du Département de médecine interne des spécialités de l’UNIGE, a pu démontrer comment les lymphocytes (cellules du système immunitaire) entraient, et restaient, dans le cerveau. L’autre étape fondamentale consistait à identifier des marqueurs (antigènes) exprimés uniquement par les tumeurs et absents des cellules normales, afin de développer des thérapies ciblées. «Une cellule exprime environ 50’000 de ces antigènes. On cherchait une aiguille dans une meule de foin», illustre le Pr Dietrich.

La richesse de la recherche hospitalo-universitaire

C’est finalement l’arrivée de nouvelles technologies, «et le hasard des rencontres», ajoute le spécialiste, qui vont changer la donne et permettre aux scientifiques de mettre la main sur leur «Graal». En 2012, ils publient une première liste de dix antigènes spécifiques du glioblastome. Ensuite, tout s’accélère et un vaccin thérapeutique est mis au point contre cette tumeur. «Nous avons développé un vaccin thérapeutique personnalisé qui doit permettre de diriger les forces du système immunitaire sur la tumeur. C’est le début d’une nouvelle ère, l’oncologie personnalisée sur une tumeur difficile.»

Pour l’heure, les premiers tests ont confirmé que cette approche est sûre et provoque bien une réponse du système immunitaire. «Il est trop tôt pour parler d’un bénéfice clinique, mais nous travaillons déjà sur les étapes suivantes, précise le médecin-chef de service. L’enjeu est maintenant de déterminer si les lymphocytes arrivent à entrer dans la tumeur et si oui, comment celle-ci se défend contre cette attaque.» C’est la Dre Valérie Dutoit, privat-docent à l’Université de Genève et co-responsable du groupe de recherche avec le Pr Dietrich, qui tentera notamment de répondre à cette question, en analysant des prélèvements réalisés dans les tumeurs après vaccination des patients. «Cette avancée illustre toute la force d’un hôpital universitaire comme le nôtre, souligne le Pr Dietrich. Ce genre de recherche ne peut pas se faire ailleurs, ce qu’on oublie parfois. Or, ces liens entre clinique et recherche fondamentale sont un maillon incontournable de la recherche biomédicale. Nous sommes les seuls à pouvoir et à devoir faire ce type de recherche qui s’organise maintenant dans un vaste réseau de collaboration internationale.»

Cancer difficile à traiter

Les traitements actuels du glioblastome, une forme très agressive de cancer du cerveau qui touche fréquemment les jeunes adultes et les enfants, n’ont que peu d’impact sur l’espérance de vie des patients. Contrairement à d’autres tumeurs malignes, les glioblastomes restent particulièrement pernicieux et difficiles à traiter.
 

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