Texte: 

  • Esther Rich

Photos: 

  • Nicolas Schopfer

«Ce n’est pas facile de voir ma femme régresser ainsi»

Pendant plus de six ans, Francis Grandi est parvenu à épauler sa femme, souffrant de la maladie d’Alzheimer, grâce à un suivi personnalisé.

Francis et Michelle Grandi ont plus de cinquante-cinq ans de mariage et une fille adulte soutenante. Le couple a ainsi passé presque toute sa vie ensemble. « Ma femme est entrée en EMS en avril 2019. Ce fut une décision très difficile à prendre, mais j’étais conscient que la charge d’aidant deviendrait de plus en plus lourde. Je ne pouvais plus sortir de chez moi et la laisser seule, de peur qu’elle ne fasse une bêtise. Un jour, j’ai constaté qu’elle avait allumé les quatre plaques de la cuisinière. Heureusement que j’avais pensé à la débrancher avant de partir.»

Quelques oublis après une opération

Les premiers signes des troubles cognitifs de Michelle Grandi sont apparus en 2012, à la suite d’une opération de la hanche. «Ma fille et moi pensions que ses légères pertes de mémoire étaient une des conséquences de la narcose, mais petit à petit, elles se sont intensifiées. En 2014, elle a commencé à oublier où elle avait mis certaines choses, à ne plus se souvenir des discussions. Ces affections mnésiques sont devenues de plus en plus importantes et le diagnostic de la maladie d’Alzheimer a été confirmé.» Michelle et Francis Grandi commencent alors à consulter le Centre de la mémoire. L’octogénaire rencontre de son côté Lara Fazio, neuropsychologue et responsable du programme de soutien aux familles de patients atteints de troubles cognitifs. Un suivi régulier est alors mis en place pour aider Francis Grandi à traverser cette nouvelle étape de sa vie. «Cela me fait beaucoup de bien de pouvoir parler à quelqu’un qui a suivi l’évolution de cette situation depuis ses débuts. À plusieurs reprises, tellement épuisé, j’ai eu peur de craquer malgré l’aide de notre fille. Ce n’est pas facile de voir ma femme, que je connais depuis plus de soixante ans, régresser ainsi. S’occuper d’elle s’apparente à s’occuper d’un enfant, à la différence que l’enfant évolue de mois en mois et la charge s’allège pour les parents. Dans le cas d’Alzheimer, c’est l’inverse qui se produit.» Le fait de pouvoir parler régulièrement à une personne qui connaît la maladie, de pouvoir se confier, a été salvateur pour Monsieur Grandi.

Accès de violence

Celui-ci se souvient en effet d’épisodes traumatisants lorsque son épouse est devenue violente et qu’il a dû faire appel au 144. Ou lorsqu’elle devait se rendre chez son médecin et qu’elle n’est jamais arrivée à destination : «Je l’ai cherchée toute l’après-midi et elle est finalement parvenue à rentrer à la maison par ses propres moyens. Mais à partir de ce jour-là, je ne l’ai plus laissée seule.» Plus le temps passait, plus le risque d’épuisement guettait Monsieur Grandi.

Lorsqu’elle vivait encore dans leur appartement, Michelle Grandi avait de plus en plus de peine à trouver le sommeil, perturbant de ce fait celui de son mari, en permanence sur le qui-vive.

Aujourd’hui, bien que son épouse réside en EMS, l’octogénaire continue de consulter Lara Fazio régulièrement. Et il rend visite à sa femme plusieurs fois par semaine : «Si elle reconnaît mon visage, je ne suis pas certain qu’elle ait conscience que je suis son mari. Son aphasie rend nos échanges pratiquement incompréhensibles, mais lorsqu’un sourire apparaît sur son visage, cela me met du baume au cœur.»

La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies dégénératives liées à l’âge. Elle résulte probablement de l’accumulation de substances toxiques (protéines Tau et plaques amyloïdes) dans certaines zones du cerveau, entraînant la mort progressive des neurones. Les symptômes sont des troubles de la mémoire à court terme, des troubles du langage, des difficultés d’orientation, des sautes d’humeur, etc., qui s’accentuent au fil du temps.

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