Texte: 

  • Geneviève Ruiz

Photos: 

  • Keith Negley

« Ce programme a représenté une bouée de sauvetage »

La fille de Laurence et Yves Ducrin est atteinte de troubles schizophréniques. Le couple a suivi le programme Profamille, qui permet aux proches de se former à la maladie, ses symptômes et ses traitements.

«Louise était une jeune fille à la vingtaine épanouie, qui s’investissait dans ses études, appréciait le sport et sortir avec ses amies. Un été, alors qu’elle semblait un peu démotivée et triste depuis quelques semaines, elle a fait un premier épisode psychotique (idées délirantes et hallucinations, ndlr). En sautant depuis le premier étage, elle s’est blessée et a dû être hospitalisée», raconte Laurence Ducrin. Alertée par son état, l’équipe soignante a transféré Louise en psychiatrie dès que ses blessures se sont améliorées. Un diagnostic de schizophrénie a été posé quelques mois plus tard. Pour ses parents, la nouvelle a été bouleversante : «Nous étions d’abord dans le déni et l’incompréhension. Il nous fallait faire le deuil de notre fille "d’avant". Nous nous sentions perdus, d’autant plus qu’un diagnostic précis est difficile à poser, car il existe une multitude de troubles psychotiques.»

Un programme psychoéducatif

L’équipe soignante leur propose alors de participer au programme psychoéducatif Profamille, une formation pour les proches d’une personne atteinte de schizophrénie mise en place par les HUG. Elle comprend des cours et des ateliers animés par des spécialistes de la santé dont l’objectif est non seulement de mieux faire connaître la schizophrénie et ses traitements, mais aussi de donner des outils pour communiquer avec la personne malade et améliorer la qualité de vie de toute la famille. «Ce programme exige beaucoup d’investissement, car il implique quatre heures de présence par mois ainsi que des travaux à faire à la maison. Au départ, j’étais un peu réticent, je n’étais pas sûr que cela me soit utile. L’enthousiasme de ma femme a fini par me convaincre. Puis je n’ai manqué aucune séance en deux ans !», explique Yves Ducrin.

Alors que le couple a terminé le programme depuis quelques mois, il considère que les cours et les personnes rencontrées ont été déterminants dans leur cheminement. «Nous avons été chanceux de suivre Profamille peu après que notre fille a été diagnostiquée. Cela a représenté une bouée de sauvetage. Tout d’abord, nous sommes sortis de notre isolement en rencontrant d’autres parents confrontés à des situations similaires. Il est en effet difficile de trouver du soutien auprès de son cercle familial ou amical dans le cas de la schizophrénie, tant cette maladie est mal connue et suscite de la discrimination», considère Laurence Ducrin. Yves Ducrin souligne que mieux comprendre ce trouble permet aux parents de déculpabiliser : «J’ai intégré qu’il s’agissait d’une maladie chronique qui impactait le fonctionnement du cerveau de ma fille et que ce n’était pas en lien avec son éducation.»

Réduction des tentatives de suicide

Les outils favorisant une meilleure communication avec la personne atteinte de schizophrénie ont aussi été bénéfiques : «J’ai par exemple appris qu’il fallait éviter les situations de stress. Comme la mémoire à court terme de Louise est affectée, il vaut mieux lui demander de réaliser une tâche précise à la fois, par exemple "plie ton pull-over", plutôt que "range ta chambre"», confie sa mère. Le programme a aussi permis aux parents «de réapprendre à s’occuper de soi. Il est essentiel pour nous, et pour notre fille, de garder des intérêts et des loisirs».

Avec une réduction de moitié des tentatives de suicide et un peu plus de 40 % d’hospitalisations en moins chez les malades lorsqu’un ou une de leurs proches a suivi Profamille, les statistiques sont éloquentes. Laurence et Yves Ducrin sont convaincus : «Notre fille n’a plus été hospitalisée depuis 18 mois. Elle travaille et a repris ses études. Nous observons la même tendance chez les autres personnes dont les proches ont suivi la formation.»

La schizophrénie est une maladie psychiatrique chronique se manifestant par des hallucinations auditives ou visuelles, ainsi qu’une perte de contact avec la réalité et une désorganisation du comportement. L’appauvrissement affectif et l’isolement social sont aussi fréquents, tout comme la démotivation. En Suisse, cette maladie touche une personne sur cent. Dans la majorité des cas, les symptômes apparaissent entre 15 et 25 ans.

Louise, Laurence et Yves Ducrin : prénoms et nom d’emprunt

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