Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Nicolas Riguetti | lundi13

Cyclotron pour diagnostics ultraprécis

Installé en 2001 aux HUG, l’unique accélérateur de particules utilisé à des fins médicales de Suisse romande tourne de jour comme de nuit. Sa mission? Produire des médicaments radiopharmaceutiques, des substances légèrement radioactives indispensables pour l’imagerie PET-scan.

Minuit sur la rotonde de l’Hôpital. La lune diffuse son halo dans l’encre bleue de la nuit. L’enseigne lumineuse des HUG lui fait écho. Sous les néons, le hall d’entrée ressemble à un aquarium vide. On entre. On descend: étage P, R… Pas un chat. Mais au 2e sous-sol, le calme est trompeur. Florian Degueldre, physicien au Service de médecine nucléaire, vient d’allumer le cyclotron, l’unique accélérateur de particules de Suisse romande utilisé à des fins médicales.

Par mesure de sécurité, la machine est confinée dans un épais bunker en béton. Et chaque collaborateur de l’Unité cyclotron porte un dispositif qui mesure la radioactivité environnante. «Les doses enregistrées ici sont inoffensives. Même en restant 1’000 heures d’affilée, la dose ne dépasserait pas celle d’un vol aller-retour Genève-New York», rassure Florian Degueldre.

Faisceau de protons

Depuis une quinzaine de minutes, de l’eau enrichie en oxygène-18 est bombardée de protons. Deux heures plus tard, le processus a donné naissance au fluor-18. Mélangé à du glucose, ce produit se transforme en fluorodéoxyglucose ou FDG, une substance indispensable pour visualiser les tumeurs cancéreuses.

«Comme la plupart des radiopharmaceutiques, le FDG a une durée de vie très courte. Il perd la moitié de sa radioactivité toutes les deux heures et doit donc être utilisé très rapidement. C’est pour cela que nous démarrons la production vers minuit», explique le physicien. Vers 5h30, conditionné en fioles isolées dans des pots plombés de huit kilos chacun, le FDG est prêt à être livré. L’Unité cyclotron fournit toute la Suisse romande. Ainsi chaque année, plus de 3’000 patients en bénéficient, dont environ 1’400 aux HUG.

Une qualité inégalée

A 8h, l’équipe de jour prend le relais. Cette fois pour produire du 13N-ammoniaque. Ce radiopharmaceutique permet de diagnostiquer des dysfonctionnements cardiaques. Sa durée de vie est si courte, une dizaine de minutes, que seul un hôpital équipé d’un cyclotron peut le proposer à ses patients. «La matinée est consacrée aux étalonnages. L’après-midi, à la production», commente Elie Eid, assistant de production.

14 h. Tout est prêt et les patients attendent leur examen. Magnus Eriksson, assistant technique, se hâte vers le monte-charge avec les fioles plombées. Trois étages plus haut, elles sont réceptionnées et injectées aux patients. «Avec ce radiopharmaceutique exclusif en Suisse romande, nos images diagnostiques atteignent une qualité avec laquelle il est difficile de rivaliser», souligne le Pr Martin Walter, médecin-chef du Service de médecine nucléaire.

Pourtant, effet collatéral des accidents de l’industrie nucléaire, la radioactivité fait peur. «Une injection avec l’un de nos radiopharmaceutiques correspond à la dose reçue en six mois de vie normale. Grâce à elle, nous pouvons établir un diagnostic précis et administrer rapidement la thérapie la plus appropriée. Le calcul risque/bénéfice est très favorable. Les HUG ont été visionnaires en se dotant d’un cyclotron. Ils se positionnent en première ligne sur le chemin de la médecine personnalisée. En se formant sur cet outil, la future génération de médecins sera capable, en recherche et en clinique, d’utiliser des radiopharmaceutiques pour un diagnostic et des thérapies personnalisées. Nous remplissons ainsi les missions d’un hôpital universitaire: les soins, l’enseignement et la recherche», conclut le médecin-chef.
 

Progrès constants

La médecine nucléaire progresse à grande vitesse. Tous les deux ans, un nouveau radiopharmaceutique est agréé par Swissmedic, l’autorité fédérale de contrôle des médicaments. «Une part importante de notre tâche consiste à assurer que les HUG proposent les radiopharmaceutiques les plus performants pour les patients du Service de médecine nucléaire. Cela implique une constante remise en question pour améliorer la qualité des prestations offertes», indique Frédéric Bois, responsable du développement à l’Unité cyclotron.

Des photons tracés

Un radiopharmaceutique est le couplage d’une molécule utilisée dans le métabolisme humain à un isotope faiblement radioactif. Injecté dans le corps, il émet des rayons gamma sous forme de photons émis dans deux directions opposées à 180° précisément. Cette particularité physique permet à la caméra PET de situer le point exact de l’émission. Par exemple: le FDG, un glucose radioactif, se concentre dans les cellules cancéreuses, très avides de sucre. La caméra PET visualise les concentrations de FDG et du coup met en lumière les foyers de cellules cancéreuses.

Florian Degueldre contrôle le verrouillage du bunker en béton où est confiné le cyclotron.

Pour répondre aux normes de sécurité très strictes, les produits sont manipulés sous une hotte à flux laminaire.

Florian Degueldre

Florian Degueldre contrôle le verrouillage du bunker en béton où est confiné le cyclotron.

cyclotron

Le 13 N-ammoniaque doit être injecté dans les 12 minutes qui suivent sa production.

fiole  DE fdg

Chaque fiole de FDG est transportée dans un pot plombé.

caméra PET

Sur la caméra PET, un spécialiste peut distinguer les foyers de cellules cancéreuses en analysant les concentrations de FDG (en noir).

livraison

Contrôle et directives avant la livraison.

livraison

Les livraisons de FDG partent au petit matin vers les hôpitaux et cliniques de Suisse romande.

Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Nicolas Riguetti | lundi13
Partager
En savoir plus

Mots clés: 

Autres articles