Une quarantaine de patients, victimes pour la plupart d’un infarctus du myocarde, s’est fixé un objectif de taille : effectuer à pied les 31 km du parcours de Sierre-Zinal. Un bel exemple de motivation.
Les rayons obliques du soleil couchant éclairent les visages d’un groupe de marcheurs au sommet du Salève en ce jeudi soir de mai. Les muscles et les langues se délient autour d’un cake et d’un jus de pomme. Bien mérités, après plus d’1h30 de marche et 500 m de dénivelé positif sur des sentiers aussi boueux qu’escarpés.
A priori, rien ne différencie cette troupe de joyeux sportifs de n’importe quelle autre. Mais ici les participants ont un point commun : ils ont été victimes d’un problème cardiaque il y a quelques mois à peine. Et ils s’entraînent pour relever un défi de taille : parcourir les 31 kilomètres et les 2’200 m de montée du tracé de la mythique course de Sierre-Zinal en septembre prochain, sur trois jours. Ils sont une quarantaine, dont une poignée de femmes (quatre !) seulement. Et pourtant, elles sont de plus en plus sujettes aux maladies cardio-vasculaires.
« Environ 900 personnes sont hospitalisées chaque année aux HUG pour un infarctus du myocarde, précise Philippe Sigaud, infirmier du service de cardiologie et responsable du projet. Parmi elles, 300 suivent un programme ambulatoire de réadaptation cardiovasculaire de six semaines dès leur sortie de l’hôpital, afin de se remettre sur pied et de prendre de bonnes habitudes de vie pour le futur. A ce moment-là, nous leur proposons depuis quelques années de relever un défi sportif. Cela leur permet de reprendre confiance en elles et de vivre une belle aventure collective. » En 2015, c’est le tour du lac Léman à vélo qui avait été mis au programme. Et l’an dernier, un sommet de plus de 3000 m dans le massif des Diablerets.
Redonner le goût de l’effort
Des exploits qui, quelques années auparavant, semblaient encore hors de portée pour la majorité des victimes de crise cardiaque. Au Salève, l’entraînement est pourtant soutenu. Le rythme de montée ne ressemble en rien à celui d’une balade du dimanche. « Les études montrent qu’un effort physique régulier est crucial pour se rétablir d’un infarctus et prévenir les rechutes », explique Philippe Sigaud. On se trouve bien loin des semaines de repos total recommandées autrefois. Les progrès technologiques participent également à cette évolution : la pose de stents – des ressorts métalliques placés dans les artères sous anesthésie locale – s’est maintenant généralisée. « L’intervention est moins lourde et les patients retrouvent vite leurs capacités, observe le responsable du projet. Mais il est important qu’ils adoptent un mode de vie sain sur le long terme. Car pour certains, dès le retour à la maison, les mauvaises habitudes sont vite retrouvées. »
C’est pourquoi Philippe Sigaud et son équipe, formée de physiothérapeutes, cardiologues, infirmiers et d’un assistant technique, sont aussi motivés à transmettre le goût de l’effort à leurs patients. Si la majorité de ces derniers proviennent des HUG, le programme inclut également des patients d’autres cantons romands. Pendant les entraînements, qui ont lieu toutes les deux semaines, l’équipe encadre les participants de façon bénévole. Elle leur donne ainsi la possibilité de s’adonner à une activité physique en toute sécurité. Elle les encourage à progresser et à se dépasser. Car pour certains d’entre eux, qui n’ont jamais pratiqué de sport, l’effort à fournir est immense pour grimper sur ces chemins vertigineux.
Encadrés par une équipe de soignants, les « sportifs du cœur » s’entraînent régulièrement pour le mythique tracé de Sierre-Zinal.
Témoignage #1
« Découvrir la montagne est un plaisir »
ARTHUR, 47 ans
En janvier dernier, Arthur a fait un arrêt cardiaque pour lequel il a été opéré aux HUG. Il semblait bien se remettre, mais deux jours plus tard, son cœur s’est arrêté de battre huit fois de suite. Il est alors plongé dans un coma artificiel durant une semaine et des stents supplémentaires sont placés dans ses artères. « Je participe au projet Sierre-Zinal parce que cela me montre ce que je suis capable de faire, raconte cet intendant immobilier. Et je découvre la montagne, un milieu que je ne connaissais pas du tout. C’est un vrai plaisir. »
Témoignage #2
« Ce qui me motive, c’est l’ambiance du groupe »
SILVIO, 83 ans
Doyen du groupe, Silvio est aussi celui qui caracole toujours en tête. Agé de 83 ans, il affiche une forme physique impressionnante et pratique plusieurs sports, comme le vélo ou le ski de randonnée. Difficile de croire que ce chauffeur à la retraite s’est fait opérer de l’aorte en décembre 2016 et qu’il a dû perdre 35 kilos il y a quelques années. « Ce qui me motive à venir ici, c’est l’ambiance et le partage avec les autres participants. C’est magnifique de réaliser ce défi tous ensemble. »
Témoignage #3
« L’exercice physique fait désormais partie de ma vie »
DANIEL, 61 ans
Garagiste de profession, Daniel a fait un infarctus en février 2016. « Cette épreuve m’a fait comprendre que je devais pratiquer un sport pour rester en bonne santé. Mais au début, cela a été très difficile. J’ai participé au défi sportif de l’an dernier et lors des premiers entraînements, j’ai cru que j’allais abandonner. C’est grâce à l’équipe d’encadrement que j’ai tenu bon. Et j’y ai pris tellement goût que je participe à nouveau cette année au projet Sierre-Zinal ! L’exercice physique fait désormais partie de ma vie. »
Texte:
- Geneviève Ruiz
Photos:
- Nicolas Righetti | lundi 13