L’impact d’une opération sur les facultés intellectuelles est avéré. On ignore pour l’heure les causes de ce phénomène.
« Il n’est plus le même depuis son opération », « Elle avait une bien meilleure mémoire avant sa chirurgie », « Depuis son passage au bloc, il a décliné…», etc. On a tous, un jour ou l’autre, entendu ce genre de phrases. Qu’en est-il au juste ? Les effets secondaires d’une anesthésie sur les facultés intellectuelles relèventils du mythe ou de la réalité ? En l’état actuel des connaissances, il n’existe pas de réponse simple à cette question. D’un côté, les conséquences d’une opération sur les fonctions cognitives au sens large (mémoire, concentration, langage, etc.) sont une réalité documentée et quantifiée. Elles portent même un nom: déficiences cognitives postopératoires. De l’autre, la science médicale n’est pas en mesure d’en déterminer l’origine exacte: les produits de l’anesthésie ? Les mesures qui l’accompagnent, comme le contrôle de la pression sanguine, l’oxygénation du cerveau, etc.? Ou l’intervention chirurgicale elle-même ? « Les déficiences cognitives s’observent fréquemment après des chirurgies de grande envergure: cardiaques ou thoraciques, par exemple. Et surtout chez les patients de plus de 60 ans. Ce type d’intervention exerce des contraintes sévères sur l’organisme. Jusqu’ici, aucune étude n’a été en mesure de désigner clairement un coupable et d’incriminer sans hésitation l’anesthésie ou les traumatismes somatiques », souligne le Dr Laszlo Vutskits, médecin adjoint agrégé au service d’anesthésiologie.
Effets transitoires et prolongés
Bref, les facultés intellectuelles souffrent lors d’une opération, mais on ignore qui ou quoi en porte la responsabilité. Mais quels sont au juste ces effets secondaires ? La gamme des symptômes est large: troubles aigus ou perte transitoire de la mémoire, difficultés de concentration ou d’élocution, désorientation dans l’espace et le temps, hallucinations et même parfois délires. Ces symptômes se répartissent en deux catégories distinctes: la confusion postopératoire transitoire et les dysfonctionnements prolongés. « Chez 30 à 40% des patients de plus de 70 ans, on observe des troubles durant les 24 heures qui suivent l’opération. Dans certains cas, heureusement peu fréquents, ils se prolongent sur plusieurs années », précise le Dr Vutskits.
Selon lui toutefois, certains indices permettent d’innocenter les produits utilisés pour la sédation. En effet, des études ont montré que les effets secondaires ne sont pas plus fréquents avec les anesthésies générales que locales (sur une partie du corps). « En revanche, nous savons que les inflammations causées par la chirurgie sont susceptibles de déclencher une réaction inflammatoire au niveau du cerveau », ajoute le chercheur.
Recherche
Découvrir les mécanismes sousjacents de l’anesthésie constitue l’un des enjeux les plus importants de la recherche médicale de ces dix prochaines années. « Ce n’est que lorsque les chercheurs auront découvert les causes des déficiences cognitives postopératoires que l’on pourra vraiment concevoir des stratégies thérapeutiques pour les éviter », conclut Laszlo Vutskits.
Les mécanismes de l'anesthésie font l'objet d'une intense recherche.
Dossier Anesthésie
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- Effets de l’anesthésie sur le cerveau
Texte:
- André Koller
Photos:
- Pulsations