Affronter à deux l’annonce d’une maladie neurodégénérative, mettre des mots sur ses ressentis ou encore adopter de nouvelles stratégies au quotidien : c’est le but du programme mis en place pour les personnes souffrant de troubles cognitifs légers et leur proche aidant ou aidante.
« Mais enfin, je te l’ai déjà dit ! », « Tu as encore oublié… » : un jour, ces phrases ne résonnent plus comme « avant ». Parce qu’elles blessent, engendrent de la culpabilité et se heurtent à ce qui n’est effectivement plus comme avant et ne reviendra pas. «Lorsqu’un diagnostic confirme une pathologie neurodégénérative telle que la maladie d’Alzheimer, le choc peut être rude. Pour beaucoup, c’est un monde qui s’écroule. Et pourtant, la vie continue bel et bien, certains troubles peuvent d’ailleurs rester stables très longtemps. Mais il est vrai que quelques adaptations sont souvent nécessaires pour améliorer la qualité de vie de la personne concernée et de son entourage», explique la Dre Nadja Gardijan, médecin ajointe au Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie de l’âgé (CAPPA). D’où l’idée du « Programme de groupe pour les troubles cognitifs légers pour le couple aidant-aidé », mis en place par le CAPPA.
Fondé sur des séances de groupe, le programme est prévu sur trois mois, à raison de deux après-midi par semaine, pour les personnes aidées. De leur côté, les proches aidants ou aidantes s’associent au groupe deux fois par mois. Axées sur six thématiques distinctes, les rencontres abordent tour à tour l’annonce du diagnostic, les stratégies pour mieux gérer le quotidien ou encore le réseau de soins genevois. Parmi les originalités du programme ? Le travail réalisé sur la dyade « proche aidant ou aidante – personne aidée». « La personne aidante peut être le conjoint, un enfant, un ami proche. Il s’agit de celui ou celle qui va devenir un point de référence dans une relation s’apprêtant à évoluer vers une forme de dépendance. Or ce nouveau rapport peut être difficile à établir, d’autant plus que lorsque la maladie survient, il y a toute une vie derrière, souvent empreinte de non-dits, voire de conflits », souligne Nora Schneider El Gueddari, psychologue-psychothérapeute au CAPPA et au Centre de la mémoire des HUG.
Estime de soi
Autre particularité des séances : la démarche multidisciplinaire. Si lors de la première partie des rencontres, le personnel soignant aborde la thématique du jour par la discussion, la seconde utilise d’autres approches. « Une équipe d’ergothérapeutes, art-thérapeutes, psychomotriciennes ou encore musicothérapeutes amène les patients à stimuler ou découvrir certaines de leurs capacités », indique la psychologue. Et d’ajouter : « Le travail de groupe montre que la capacité de créer, de trouver une place parmi les autres et de prendre du plaisir n’est pas abolie par la maladie neurocognitive. Ces prises de conscience sont précieuses pour l’estime de soi et l’adaptation aux troubles cognitifs.»
À l’issue des trois mois ? « Les bilans individuels témoignent le plus souvent d’un moindre niveau d’anxiété ou de dépression qu’au début du programme, ainsi que d’une qualité de vie bien meilleure, tant pour la personne aidée que pour le proche aidant », se réjouit Christophe Delaloye, psychologue-psychothérapeute responsable au CAPPA.
Si les pathologies au cœur du programme sont généralement évolutives, il est aujourd’hui avéré que certaines mesures freinent l’avancée des symptômes. Parmi elles : une activité physique régulière, une alimentation saine, une vie sociale riche ou encore un niveau de stress sous contrôle. « En termes de stress, ce qui se vit au quotidien, notamment dans le duo "aidant-aidé", est souvent déterminant. Le programme ne vise pas à donner un mode d’emploi rigide, mais des clés pour aider ce duo à vivre au mieux cette nouvelle étape de vie », conclut la Dre Gardijan.
Témoignage
Françoise, 80 ans, retraitée : « Être proche aidante, c’est aussi apprendre à être plus tolérante »
« Ce sont les problèmes de mémoire de mon mari qui nous ont incités à suivre le programme proposé par les HUG. Nous y avons trouvé des conseils pour mieux gérer le quotidien, des moments d’échange et de détente, mais aussi un lieu moins émotionnel que la famille pour parler des difficultés et des peurs face à cette "nouvelle vie". Il est précieux de comprendre qu’être proche aidante, c’est aussi apprendre à être plus tolérante, notamment en identifiant les manquements dus à la maladie et non à la personne elle-même… »
Texte:
- Laetitia Grimaldi
Photos:
- Denis Novikov/Bogsch & Bacco
Renseignements
Christophe Delaloye
CAPPA
10, rue des Épinettes
1227 Carouge
Tél. 022 305 49 00