Texte: 

  • Geneviève Ruiz

Photos: 

  • Serge Babeux

«J’ai appris à reconnaître les signaux de fatigue»

Andrea* souffre d’insomnie** depuis son enfance. Elle a vécu avec ses conséquences durant des années avant de consulter. Un entraînement adapté de quelques semaines a suffi pour se réconcilier avec ses nuits.

«Mes difficultés d’endormissement ont commencé lorsque j’avais 8 ans. De nature perfectionniste, j’étais facilement stressée. Afin de tenter de m’endormir, je lisais dans ma chambre parfois jusqu’à deux heures du matin avant de trouver le sommeil et de me réveiller épuisée», confie Andrea. Sa mère lui prépare des infusions calmantes, lui donne des pilules de mélatonine, applique les nombreux conseils de son entourage pour relaxer sa fille avant le coucher. Rien n’y fait. Cette Américaine, qui est aujourd’hui une dynamique trentenaire occupant un poste à responsabilité dans une organisation internationale à Genève, se souvient avoir passé son enfance et son adolescence «toujours fatiguée, avec des cernes bleus sous les yeux».

Heureusement, ses insomnies n’ont pas vraiment eu d’impact sur son parcours scolaire. «Mes facultés de concentration n’ont pas été affectées par le manque de sommeil, au contraire de mes capacités de mémoire. Je note toujours tout sinon j’oublie vite. Et à la différence de la plupart des enfants de mon âge, je n’avais pas assez d’énergie pour faire du sport.»

Frustration et désespoir

À sa mémoire altérée et sa fatigue permanente s’ajoutent des sentiments de frustration, voire de désespoir, lorsqu’elle essaie de s’endormir. «Je sentais que mon sommeil était anormal et parfois incompris par mon entourage. Au fil des années, j’ai intégré des schémas de pensée négatifs sur le sommeil. Je stressais avant d’aller au lit, j’essayais d’appliquer toutes sortes de recettes. Certaines fonctionnaient un moment, comme l’écoute de podcasts. J’ai même essayé de prendre des somnifères à une ou deux reprises. Mais je n’arrivais que rarement à dormir plus de quatre ou cinq heures par nuit.»

Arrivée à l’âge adulte, les études et les postes qu’occupe Andrea la mènent des États-Unis vers la Grande-Bretagne, puis le Kenya. Lorsqu’elle s’installe à Genève avec son mari durant l’été 2022, ses insomnies empirent. «Passer d’un pays situé sous l’équateur, où le soleil se couchait tous les soirs à 19h, à l’été genevois où il fait jour à 22h a encore davantage perturbé mon sommeil. Il faut certainement ajouter à cela le stress du déménagement. Certaines nuits je n’ai carrément pas réussi à dormir. J’étais vraiment en souffrance.»

Un programme d’entraînement aux effets bénéfiques

Épuisée, la jeune femme souhaite consulter un centre du sommeil. Elle doit cependant insister auprès de plusieurs médecins généralistes avant d’y parvenir. «Je ne comprends pas d’où venaient leurs réticences. Ils me disaient que j’étais dépressive et me proposaient d’autres traitements. Pourtant, j’étais convaincue que ce n’était pas le cas.» Lorsqu’elle consulte finalement le Dr Lampros Perogamvros, psychiatre au Centre de médecine de sommeil des HUG, ce dernier confirme rapidement l’absence de dépression ou d’autres troubles, mais identifie que ses schémas liés au sommeil sont négatifs. «Il m’a proposé un programme d’entraînement au sommeil qui m’a permis notamment d’abandonner certaines injonctions sociales comme aller au lit tôt. J’ai commencé avec l’objectif de dormir cinq heures par nuit. J’ai progressivement ajouté des tranches de vingt minutes de sommeil à ce temps. En trois consultations et en quelques semaines, mes progrès ont été inespérés.»

Andrea parvient désormais à dormir sept heures par nuit et se sent beaucoup plus libre. «J’ai appris à faire confiance à mon corps et à reconnaître ses signaux de fatigue au lieu de le forcer à se conformer à de faux schémas. Je suis extrêmement reconnaissante envers l’équipe des HUG. J’ai une nouvelle qualité de vie et ceci sans produit chimique ni effet secondaire. Mon seul regret est de ne pas avoir consulté dans un centre de sommeil plus tôt et d’avoir perdu toutes ces années. Je ne peux que recommander aux nombreuses personnes qui souffrent d’insomnie de consulter un ou une spécialiste.»

* Prénom d’emprunt.

L’insomnie**, qui touche entre 15 et 30 % de la population, comprend les difficultés à s’endormir, à se rendormir en cas de réveil nocturne, ainsi que les réveils précoces. Le diagnostic est posé si les symptômes persistent au-delà de trois mois et entraînent fatigue, troubles de mémoire ou de concentration le jour. L’insomnie peut être associée à d’autres maladies (dépression, anxiété, douleurs, etc.).

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  • Geneviève Ruiz

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