Texte: 

  • Laetitia Grimaldi

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi13

La MEA ? « Une fabrique du futur » pour les jeunes en souffrance

Précédent médecin-chef du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SPEA), le Pr François Ansermet est à l’origine de la Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA). Elle ouvre ses portes en juillet à deux pas de la Maternité et de l’Hôpital des enfants.

Pulsations Il y a dix ans, vous avez eu l’idée de cette « maison » pas comme les autres. Aujourd’hui, elle se concrétise par sept étages et 14 600 m2 baignés de lumière au boulevard de la Cluse 26. Comment résumeriez-vous l’esprit du projet ?
Pr François Ansermet
Le premier objectif était très pragmatique puisqu’il s’agissait de regrouper sur un même site les onze lieux des consultations de psychiatrie des HUG destinées aux jeunes. Se trouvent ainsi désormais réunis l’ensemble des unités de la pédopsychiatrie (consultations ambulatoires, hôpitaux de jour, unités d’hospitalisations), le dispositif de prévention et de prise en charge du suicide MALATAVIE*, les consultations de médecine des adolescents, adolescentes et jeunes adultes, ainsi que divers espaces consacrés à la recherche et à l’enseignement. Idéalement placée entre l’Hôpital des enfants et la Maternité, la MEA s’articule autour de l’idée d’une continuité des soins et d’une approche éminemment multidisciplinaire. Le second enjeu était de repenser la place de la psychiatrie dans la cité, en intégrant l’une à l’autre.

Par quels moyens ?
Par le choix d’une psychiatrie non stigmatisante, en lien direct avec la pédiatrie et pleinement intégrée à l’univers hospitalier. Mais il y a tout même eu ce moment de doute, lors de l’élaboration des plans, où la perspective de ce vaste bâtiment, d’abord de six étages, entièrement dédié à la pédopsychiatrie a questionné. C’est là qu’a surgi l’idée d’aller plus loin encore dans le concept en imaginant un « septième étage », le rez-de-chaussée lui-même, axé sur les liens avec la cité, la culture, l’art, les sciences du vivant et la rencontre.

Il est donc possible de franchir les portes de la MEA simplement pour se rendre à une exposition, au Bioscope (qui y ouvre une antenne) ou encore assister à une émission de radio ?
Absolument. L’idée est ainsi de démystifier le lieu pour faciliter le recours aux soins. Nombre de jeunes et de familles n’osent pas franchir ce pas et les souffrances s’aggravent. La MEA a été pensée dans ses moindres détails pour être vécue comme un lieu propice aux soins, mais également comme une « fabrique du futur » offrant un temps et un lieu pour une possible liberté. Derrière cela, il y a la conviction que tout n’est pas joué d’avance et que d’une situation difficile peut s’inventer un avenir libéré de certains déterminismes.

La notion de « lien » est omniprésente dans le projet. Est-ce là un enjeu central en pédopsychiatrie ?
J’en suis convaincu. Bien souvent, la souffrance psychique, y compris des plus jeunes, s’accompagne de liens rompus, avec la famille, l’école, le cercle social. Ces liens sont eux aussi à soigner pour se rétablir. Mais ces interactions vont dans les deux sens : nous avons beaucoup à apprendre de celles et ceux qui souffrent. Leurs symptômes sont aussi l’écho de dysfonctionnements familiaux, sociétaux, environnementaux qu’il faut oser questionner. L’enjeu est donc de favoriser la « porosité » entre les personnes qui souffrent et les autres, entre l’hôpital et la cité, entre la maladie psychique et le monde lui-même. Un champ de perspectives nouvelles dans les soins en faisant tomber ces frontières.

Ces approches novatrices constituaient un pari sur l’avenir. Avez-vous eu des difficultés à convaincre ?
Aucune, et ma reconnaissance n’en est que plus grande. Je pense bien sûr aux HUG eux-mêmes : la Direction générale, le Pr Dominique Belli (anciennement chef du Département de l’enfant et de l’adolescent), Paola Flores Menendez (responsable des donations), ainsi que les collaborateurs et collaboratrices du SPEA. Mais l’appui s’est aussi joué hors des murs de l’hôpital avec les participations décisives de la Fondation Children Action dans un premier temps, puis de la Fondation Hans Wilsdorf. Sans oublier la Fondation Convergences, créée par les HUG pour mettre en œuvre la dynamique culturelle et artistique de la MEA. L’ensemble de ces synergies a donné vie à ce concept d’« hôpital autrement » auquel je crois profondément.

Plus d’infos : mea.hug.ch

 

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