Texte: 

  • André Koller

Photos: 

  • Julien Gregorio

«La parole des patients se libère»

Au cours des ateliers Regards croisés lancés en 2018, patients, proches et professionnels de santé posent les fondements d’un nouveau partenariat.

Le projet Patients partenaires prépare une mini-révolution culturelle dans le paysage hospitalier genevois. Depuis 2015, il intègre progressivement les patients et leurs proches aux réflexions sur la gestion et l’amélioration des soins et des services. En 2018, un nouveau volet de cette démarche s’est ouvert avec les Regards croisés.

Ces ateliers réunissent tous les partenaires des HUG pour débattre d’une problématique de santé. Les trois premiers ont abordé la prise en soins multidisciplinaires, la décision médicale partagée et la limitation thérapeutique. Le quatrième, prévu le 16 octobre, traite de la planification anticipée des soins. «Ces thèmes ont été définis lors de tables rondes avec les patients», rappelle Sylvie Touveneau, cheffe du projet Patients partenaires.

Les Regards croisés se déroulent au Centre de l’innovation, dans une salle aux magnifiques baies panoramiques donnant sur le boulevard de la Cluse, assez grande pour accueillir les 60 à 80 personnes prévues. Pour lancer les débats, des tandems patients et soignants présentent une situation clinique vécue ensemble. Ces témoignages, souvent poignants, constituent un temps fort de l’atelier. Les ressentis, les joies ou les frustrations s’y croisent et parfois s’y confrontent. 

Dialogue constructif

Hospitalisée en 2017 pour une hypertension intracrânienne aiguë, Anaïs*, 33 ans, est enthousiaste. Elle dit avoir «énormément» appris lors de ces ateliers: «Cela m’a ouvert les yeux. Pour moi, avant, le médecin avait toujours raison. Je pensais qu’à l’hôpital il n’y avait pas de place pour la discussion. Encore moins pour la contradiction. C’est faux. Les médecins sont des personnes comme les autres. Ils peuvent se tromper, ils vous écoutent, même si vous n’êtes pas d’accord avec eux. J’ai compris que le dialogue, lorsqu’il est constructif, les aide dans leurs tâches.»

Pascale Lefuel, venue avec la casquette d’infirmière spécialiste clinique en néphrologie, abonde en ce sens: «Les Regards croisés constituent un espace de bienveillance où la parole des patients se libère. On réalise alors que dans plusieurs domaines, par exemple la coordination des soins, nous pouvons très certainement faire encore mieux».

Pour l’infirmière, l’aménagement d’un tel espace et le temps dédié au dialogue hors des unités de soins sont indispensables. «En clinique, les patients ne sont pas dans les meilleures conditions pour discuter les décisions du corps médico-soignant. Ils sont désécurisés par le diagnostic, affaiblis par la pathologie et parfois par les traitements. Sans oublier la crainte des mesures de rétorsion. Une peur bien réelle, fondée ou non.»

«Pour ma part, reprend Anaïs, j’ai appris une chose très importante: une prise en charge hospitalière est toujours une expérience commune, partagée entre patients et professionnels de santé. La vivre comme un partenariat, nourri par un dialogue constructif, améliore les chances de succès et la satisfaction de tout le monde.»

* Prénom d'emprunt

Pérenniser le partenariat

Les bénéfices des Regards croisés, qui seront reconduits en 2019, se mesurent à plusieurs niveaux. D’abord par les retombées positives immédiates pour les participants, qui en tirent un enseignement utile pour leur parcours médical à venir ou leurs pratiques professionnelles. Ensuite, et à plus long terme, ces ateliers constituent un matériau indispensable pour élaborer avec les patients des formations destinées autant aux patients qu’aux soignants. Un enseignement à même de pérenniser et ancrer un vrai partenariat au sein des HUG.

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  • André Koller

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