Texte: 

  • Anne-Marie Trabichet

Photos: 

  • Julien Gregorio

La psychiatrie communautaire soigne hors les murs

Le Service de psychiatrie adulte propose désormais des soins organisés dans l’environnement familier du ou de la patiente pour répondre au mieux aux difficultés rencontrées et soulager les familles. Une approche qui fait ses preuves.

Malgré une déstigmatisation progressive de la santé mentale, notamment depuis la pandémie de Covid, l’hôpital psychiatrique continue de souffrir d’une image négative. Dans l’imaginaire : un lieu loin de tout où des malades séjournent parfois pendant des années avec peu d’espoir de guérison. L’approche de la psychiatrie communautaire révolutionne cette vision avec des centres ambulatoires en ville et des équipes mobiles qui se déplacent dans les lieux de vie. L’hospitalisation reste néanmoins possible pour les soins aigus. «L’idée est d’assurer une présence au sein de la communauté. Les équipes vont à domicile, mais peuvent aussi aller à la rencontre des personnes dans un café ou un parc. Ce qui est primordial, c’est que les soins soient accessibles pour tout le monde», défend le Pr Stefan Kaiser, médecin-chef du Service de psychiatrie adulte.

Collaborer avec les familles

Car en matière de maladie mentale, les soins usuels ne conviennent pas toujours. Certaines personnes vivent isolées avec un trouble psychique, refusent les soins ou ne parviennent pas à adhérer à un traitement parce qu’elles ne se sentent pas malades (un symptôme fréquent des troubles mentaux). «Les équipes mobiles ont été mises en place en collaboration avec les familles, car ce sont souvent elles qui portent beaucoup et qui font appel à nous. Nous réfléchissons ensemble à la meilleure façon d’intervenir, ce qui permet aussi de les soulager dans leur charge de soin», souligne le Pr Philippe Huguelet, médecin responsable de l’équipe mobile de psychiatrie adulte.

Confiance et flexibilité

Sur le terrain, l’équipe mobile propose un suivi intensif avec pour objectif le maintien de la personne dans son milieu social et familial. La Dre Chiara Chiabotto, cheffe de clinique pour l’équipe mobile, raconte comment se passe ce travail délicat dont la confiance est la clé : «Avant de nous rendre sur les lieux, nous établissons toujours un premier contact avec le patient ou la patiente, en collaboration avec la personne tierce qui nous a sollicités. Nous venons sans blouse, là où la personne se sent le plus à l’aise, et commençons par définir ses besoins, ses ressources et ses objectifs, afin de l’accompagner dans un projet qui a du sens pour elle. Nous sommes très flexibles, sans restriction de lieu ou de temps, et nous respectons son rythme.» Un suivi très personnalisé donc, avec en ligne de mire, toujours, le rétablissement et la reconnexion avec la communauté.

Des bénéfices à long terme

Les effets positifs de cette approche sont nombreux et, selon une évaluation récente de l’équipe du Pr Huguelet, se maintiennent pendant plusieurs années: la qualité de vie s’améliore, les symptômes diminuent, les traitements sont mieux suivis et les familles soulagées. Mais aussi, et c’est très important, le nombre d’hospitalisations et leur durée diminuent drastiquement, car les réhospitalisations sont moins nombreuses. Pour des personnes qui ont des difficultés à s’inscrire dans un traitement traditionnel, la sortie de l’hôpital peut être suivie d’une rechute rapide. «Grâce à la psychiatrie communautaire, même les crises et les phases difficiles peuvent être traitées dans le milieu de vie de la personne», conclut la Dre Chiabotto.

Qu’est-ce que le rétablissement en santé mentale ?

Tout comme il est possible de se rétablir d’un problème physique, le rétablissement en santé mentale existe. Il s’agit d’une façon de considérer la maladie en se focalisant sur la possibilité d’une évolution positive et l’espoir de trouver un équilibre de vie. En mettant la personne au centre de son traitement, en s’appuyant sur ses ressources, son entourage, mais aussi sur ses besoins, le parcours de soins proposé peut tout à fait tenir compte de ses objectifs. Psychiatrie communautaire et rétablissement vont donc de pair.

Témoignage

« Je ne me rendais pas compte de mon état »

Une patiente de l’équipe mobile témoigne: «Ce sont mes filles qui ont fait appel à l’équipe mobile parce que je ne me rendais pas compte de mon état. Petit à petit, l’équipe m’a aidée à comprendre des choses et m’a ouvert l’esprit. Je voyais bien que quelque chose clochait, mais je n’étais plus dans la réalité. J’ai ainsi été encadrée et entourée, c’était vraiment bénéfique. Quand on est fatiguée et épuisée, c’est difficile de devoir se déplacer à l’hôpital. L’équipe vient à domicile, c’était vraiment nécessaire pour moi.»
 

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  • Anne-Marie Trabichet

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