Texte: 

  • Elodie Lavigne

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi13

«La psychiatrie doit rester ouverte sur la communauté»

Médecin-chef du Service de psychiatrie adulte des HUG et professeur ordinaire au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’Université de Genève, le Pr Stefan Kaiser revendique une approche positive de la psychiatrie.

C’est à Francfort, en Allemagne, que naît Stefan Kaiser, d’une mère laborantine et d’un père chimiste. Attiré par la science-fiction, il se rêve scientifique ou astronaute. Il découvre la médecine lors de son service civil obligatoire où il exerce comme ambulancier. À la suite de cette expérience, il entre en faculté de médecine. La psychiatrie, par ses dimensions à la fois biologique, psychologique et sociale, le fascine. Il en fera sa spécialité. Pendant ses études à Heidelberg, il part aux États-Unis, puis à Londres. Grâce à son épouse, professeure en droit, il déménage en Suisse, d’abord à Zurich, puis à Genève, où il saisit l’opportunité de devenir le médecin-chef du Service de psychiatrie adulte.

Humble, mesuré et discret, le Pr Kaiser aime communiquer avec ses équipes : « Ma porte est toujours ouverte. J’espère être perçu comme quelqu’un de fiable qui fait ce qu’il dit. » Rencontrer des personnes enthousiastes est vécu comme une source de motivation. Il se plaît à transmettre sa curiosité clinique et scientifique aux futurs et futures médecins et à contribuer à la recherche. Spécialisé dans les troubles psychotiques, dont la schizophrénie, le psychiatre s’intéresse en particulier à la baisse de motivation et d’expressivité : « Nous avons beaucoup d’options thérapeutiques pour ces maladies. Mais nous voulons encore mieux comprendre ces symptômes négatifs afin de développer de nouveaux traitements, tels que la stimulation transcrânienne. »

Intégrer et rétablir 

Moins stigmatisée qu’autrefois, la psychiatrie doit selon lui continuer à « rester ouverte sur la communauté. J’ai le sentiment que nous pouvons vraiment construire quelque chose à Genève, où la tradition de psychiatrie communautaire est très ancrée », se réjouit-il. En tant qu’acteur majeur du système de santé, les HUG entretiennent en effet des contacts étroits avec le réseau de soins en santé mentale. Malgré la sévérité des situations rencontrées en milieu hospitalier, le chef du département partage une vision positive et optimiste de sa discipline : « Il n’y a pas de patients pour qui la perte d’espoir est justifiée.» Aujourd’hui, les psychiatres et psychologues, en partenariat avec les acteurs sociaux, visent le rétablissement fonctionnel et personnel de leurs patients et patientes.   « Il s’agit moins de simplement réduire les symptômes que d’aider chacun et chacune à trouver sa place dans la société, un travail et une vie satisfaisante », souligne le professeur.

À ses yeux, la psychiatrie a tout intérêt à s’écarter des dogmes pour être au plus près de ce que vivent les personnes en proie à une souffrance psychique : « Les systèmes diagnostiques sont un bon outil pour travailler et communiquer, mais ils ont des limites et doivent être améliorés. Pour un même diagnostic, deux personnes peuvent présenter des symptômes très différents. » Dès lors, il espère, à l’avenir, une plus grande utilisation de tests biologiques en laboratoire ou à l’aide de la neuro-imagerie, afin de mieux prédire le succès des traitements. Et que l’on s’appuie davantage sur les dernières découvertes scientifiques : « Il y a du retard dans l’application en psychiatrie des progrès en neurosciences. De même, il y a encore trop d’écarts entre les recommandations thérapeutiques et la réalité. Pour la schizophrénie, par exemple, beaucoup de données indiquent l’intérêt des thérapies cognitives et comportementales, mais dans les faits, il manque des thérapeutes spécifiquement formés pour la prise en charge de ces personnes. »

Une question d'équilibre 

L’équilibre entre science et clinique est tout un art. Son équilibre à lui, il le trouve dans le sport et les moments en famille : « Le travail prend beaucoup de place. Je me ressource auprès de mon épouse et mes filles. Le sport aussi me permet de déconnecter. » Il joue au basket avec ses collègues, fait du ski, du vélo et depuis peu du surf au Pays basque. Une simplicité qu’il essaie de reproduire dans la relation avec les patients et patientes :    « Il est important de rester humain et fidèle à soi-même pour ne pas perdre le lien direct avec le patient ou la patiente. Il faut que la personne puisse voir qui elle a en face d’elle. »
 

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