Déjà utilisée pour soigner certains cancers notamment, la thérapie cellulaire est une technologie prometteuse, soutenue par la Fondation privée des HUG. Le Pr Jean Villard, responsable de la Plateforme des laboratoires de thérapie cellulaire et de transplantation au sein du Département diagnostique, lève le voile sur les développements en cours aux HUG.
Pulsations : Expliquez-nous ce qu’est la thérapie cellulaire et comment elle fonctionne ?
Pr Jean Villard : Cette technique repose sur le fait de considérer les cellules, et les tissus qu’elles constituent, comme des médicaments. En effet, les cellules de notre corps sont de véritables petites usines capables d’effectuer des tâches précises et efficaces. Mais parfois, elles dysfonctionnent ou meurent. La thérapie cellulaire consiste à prélever des cellules spécifiques chez la personne malade (ou chez une personne donneuse saine), puis à les réinjecter dans un but thérapeutique après une ou plusieurs étapes visant à les multiplier ou à les modifier génétiquement pour les rendre plus efficaces.
Vu les perspectives infinies, peut-on parler de révolution médicale ?
Il s’agit plutôt d’une évolution, car nous ne partons pas d’une page blanche. Nous travaillons avec la thérapie cellulaire depuis plusieurs années et de nombreux programmes sont développés, notamment dans le cadre de maladies pour lesquelles il s’agit déjà du traitement le plus efficace. Plusieurs de ces médicaments sont même remboursés par l’assurance maladie. Toutefois, nous comprenons en effet de mieux en mieux le fonctionnement des cellules et leur rôle dans diverses maladies, ce qui ouvre la voie à de nouvelles options thérapeutiques. Mais le chemin est long entre les concepts observés en laboratoire et la fabrication d’un médicament efficace. La difficulté tient au fait que chaque produit est spécifique non seulement aux cellules – ou tissus – qu’il entend remplacer, mais également aux outils techniques nécessaires et aux nombreuses étapes à franchir jusqu’à la mise sur le marché.
Quelles maladies la thérapie cellulaire soigne-t-elle déjà ?
Elle est particulièrement utilisée en oncologie. Elle est notamment très efficace pour le traitement de leucémies ou de lymphomes. Les projets de vaccination anti-tumorale (consistant à «éduquer» le système immunitaire pour qu’il lutte contre des cibles spécifiques propres à la tumeur, ndlr) présentent également un espoir face à des cancers particulièrement agressifs. Outre les cancers, de plus en plus de maladies sont traitées par la thérapie cellulaire, comme certaines formes de diabète. Parfois, ce ne sont pas uniquement des cellules qui sont transplantées, mais des tissus. C’est le cas par exemple pour la greffe de cornée, qui est à ce jour la transplantation la plus pratiquée en Suisse et dans le monde.
Des pistes de recherche prometteuses sont-elles en développement ?
Oui. Les avancées dans ce domaine passent par le développement des ATMP (advanced therapy medicinal products ou «médicaments de thérapie innovante»). Ces traitements complexes combinent les thérapies cellulaire, tissulaire et génique. Récemment, un médicament fondé sur des ATMP spécifiques, issus de l’ingénierie tissulaire et développés aux HUG, a obtenu une autorisation de Swissmedic pour le traitement des plaies chroniques.
Les HUG sont une référence dans le domaine de la thérapie cellulaire. Quelles sont les missions de votre unité ?
Notre institution tient en effet un rôle central sur le plan de la recherche et de la transplantation cellulaires. La Plateforme des laboratoires de thérapie cellulaire et de transplantation des HUG se compose de deux entités reconnues. D’une part, il y a le Laboratoire national de référence pour l’histocompatibilité. Il est chargé de réaliser, pour toute la Suisse, les tests génétiques préalables à une transplantation afin d’identifier la compatibilité entre la personne donneuse et la receveuse. D’autre part, plusieurs laboratoires de thérapies cellulaires possédant des activités spécifiques (hémato-oncologie, thérapie cellulaire clinique, banque de tissus thérapeutiques, etc.) travaillent en synergie pour soutenir le développement de programmes de recherche innovants et la mise au point de médicaments à partir de cellules ou de tissus.
Texte:
- Clémentine Fitaire
Photos:
- Nicolas Schopfer