Infirmière à l’EMS des Mouilles, chargée de cours à la Haute école de santé de Genève et présidente de l’association Palliative Genève, Muriel Delacquis a croisé la route des soins palliatifs il y a une douzaine d’années. Depuis, elle y consacre sa vie, comme une évidence.
Pulsations Les soins palliatifs semblent dessiner un véritable fil rouge dans votre quotidien…
Muriel Delacquis Effectivement, ils sont au cœur de tout mon engagement professionnel. Un tournant s’est opéré dans mon parcours il y a douze ans environ. J’étais alors infirmière en chirurgie depuis plusieurs années et en quête de ce qui donnerait plus de sens à mon travail de soignante. Je souhaitais notamment mieux accompagner les patients et les patientes dans les moments les plus difficiles de leur vie. Un stage aux HUG m’a permis de découvrir les soins palliatifs, indispensables à une prise en soin des résidents et résidentes d’EMS. Cela a été une révélation.
L’association Palliative Genève, que vous présidez depuis quatre ans, fêtera en 2023 ses trente ans d’existence. Quelles sont ses missions aujourd’hui ?
Notre priorité est de mieux faire connaître les soins palliatifs auprès du grand public et de fédérer les nombreux partenaires genevois actifs dans ce domaine. Parmi eux : les HUG, l’institution genevoise de maintien à domicile (imad) et une multitude d’associations. Dans cette perspective, nous travaillons avec la Direction générale de la santé à la mise en place d’une ligne téléphonique visant à orienter les personnes qui en ont besoin, leurs proches, mais également le personnel professionnel, vers les partenaires les plus à même de les soutenir.
Quelles formes peuvent aujourd’hui revêtir les soins palliatifs ?
Comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé, les soins palliatifs « doivent être dispensés dans le cadre de services de santé intégrés et centrés sur la personne », mais ils peuvent tout autant être organisés à l’hôpital qu’au sein d’un EMS ou à domicile si la situation le permet. Leur objectif est centré sur la qualité de vie des personnes souffrant d’une pathologie à la fois chronique, évolutive et sans possibilité de guérison complète. Ils comprennent toutes les mesures de soins et de soutien permettant de prévenir ou soulager les souffrances, qu’elles soient physiques, psychiques, spirituelles ou familiales. Les soins palliatifs ont aussi pour vocation d’aider les personnes concernées – et leurs proches – à anticiper les questions liées à la fin de vie. Bien sûr, ces démarches peuvent être complexes, mais elles peuvent aussi apporter un confort et une sérénité précieuse, même dans les cas les plus sombres.
L’approche collective en est-elle la clé ?
J’en suis convaincue. Les soins palliatifs se sont éloignés de la vision paternaliste de la médecine centrée, il y a trente ans encore, sur le savoir du médecin qui, tôt ou tard, devait s’avouer vaincu face à une maladie incurable. Aujourd’hui, c’est la difficulté du moment qui est mise au centre de la table et l’expertise est collective. Elle inclut la personne concernée, ses proches et le personnel soignant impliqué (médecin, infirmier ou infirmière, physiothérapeute, ergothérapeute, assistant ou assistante sociale, etc.). L’objectif est à la fois d’apporter des solutions adaptées, mais également d’anticiper ce qui peut l’être, tout en restant souple face à l’incertitude propre à ces situations par essence complexes et évolutives.
Comment compose-t-on avec un quotidien au plus près de la vie, mais également de la mort ?
Le sujet de la fin de vie n’a jamais été tabou pour moi. Dès l’enfance, j’ai eu des amis atteints de maladies incurables et nous sommes restés proches jusqu’à la fin. Cela n’exclut pas les moments de tristesse, de découragement, les « à quoi bon ? », mais travailler dans les soins palliatifs m’a offert des moments inouïs. La clé, pour moi, est de savoir se fixer des objectifs raisonnables et de s’y consacrer pleinement, sans jamais oublier que la vie reste de la vie jusqu’au bout.
Texte:
- Laetitia Grimaldi
Photos:
- François Wavre | lundi 13