Si c’était un médicament… il serait à la fois anti-inflammatoire, antidouleur, antihypertenseur, antidiabétique, mais également parade aux effets secondaires de divers traitements, remarquable pour doper le moral et la confiance en soi, ou encore facteur clé du rétablissement après un incident cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. Derrière ces exploits ? L’activité physique, sous toutes ses formes ou presque. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle s’invite de plus en plus à l’hôpital, sur les ordonnances comme dans des programmes spécifiques et même dans le tout nouveau Centre d’activité physique.
Après un infarctus du myocarde, à l’approche d’une intervention chirurgicale pour suturer un ménisque usé comme dans les jours suivant l’opération, pendant les traitements visant à traiter un cancer ou bien encore à l’annonce d’un diabète : aucune situation ou presque n’échappe à la recommandation de faire de l’activité physique une alliée du rétablissement et de la qualité de vie. «De nombreuses études ont validé ses bienfaits, notamment pour les personnes ayant subi un infarctus du myocarde ou souffrant d’insuffisance cardiaque. Ainsi, des travaux portant sur des programmes de réadaptation de trois mois par exemple ont montré une augmentation de la capacité physique de 15 à 20%, une amélioration des symptômes comme l’essoufflement et les troubles de l’humeur (anxiété notamment), et une diminution du risque de récidive d’infarctus», explique le Dr Philippe Meyer, médecin adjoint agrégé au Service de cardiologie.
«De nombreuses études ont validé les bienfaits de l’activité physique.» Dr Philippe Meyer, médecin adjoint agrégé au Service de cardiologie.
Prouesses physiologiques
Des bénéfices concrets qui s’expliquent par la multitude de processus physiologiques s’activant lorsque le corps se met en mouvement et dont chaque cellule tire profit. Et pour cause, «lors de la pratique d’une activité physique, l’ensemble de l’organisme est concerné, qu’il s’agisse des systèmes hormonal, métabolique, psychologique, immunitaire ou encore musculosquelettique», rappelle le Dr Philippe Tscholl, médecin adjoint au Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur.
Dans le détail de ces prouesses physiologiques s’illustrent plusieurs phénomènes clés, aussi subtiles que spectaculaires sous l’œil d’un microscope. Parmi eux : l’amélioration de la fonction endothéliale – autrement dit le renforcement des cellules tapissant l’intérieur des vaisseaux sanguins –, une diminution des états inflammatoires nuisant à l’organisme, la libération hormonale d’endorphines aux vertus notamment apaisantes et antidouleur, ou encore la production d’hormones de croissance spécifiques réduisant le risque de résistance à l’insuline présent en cas de diabète. Et ce n’est pas tout, puisque ces phénomènes induisent eux-mêmes en cascade d’autres effets positifs aboutissant notamment à une diminution de l’hypertension artérielle, une élévation du «bon» cholestérol (HDL), une baisse du «mauvais» cholestérol (LDL) et des triglycérides, et une stimulation des cellules musculaires, osseuses et nerveuses.
«Lors de la pratique d’une activité physique, l’ensemble de l’organisme est concerné.» Dr Philippe Tscholl, médecin adjoint au Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur
Chaque mouvement compte
Autant de vertus qui font de l’activité physique un puissant levier de prévention face à de nombreuses maladies cardiaques, pulmonaires, rénales ou osseuses, à l’obésité, au diabète ou encore au cancer, tout en constituant également une force de traitement en soi. Mais comment s’y prendre ? Si l’Organisation mondiale de la santé préconise un minimum hebdomadaire de 150 minutes d’activité physique à intensité modérée (marche, vélo, etc.) ou de 75 minutes à intensité soutenue (footing, basket, etc.), le tout associé à deux séances hebdomadaires de renforcement musculaire, il est aussi reconnu aujourd’hui que chaque mouvement compte.
«Au-delà des innombrables bienfaits de l’activité physique, tout l’enjeu est de lutter contre la sédentarité qui sévit dans nos sociétés actuelles et qui s’accroît souvent lorsque la maladie survient et engendre douleurs et perte de motivation. L’activité physique n’en est pourtant que plus importante encore, avec un maître mot : l’adaptation», souligne le Dr Meyer. Et le Dr Tscholl d’ajouter : «Bien sûr, certaines contre-indications existent, comme pratiquer une activité physique en cas de syndrome grippal ou de fièvre. Mais le plus souvent, une multitude d’exercices restent possibles pour garder le corps actif, même lorsqu’une personne est alitée après une intervention chirurgicale ou éprouvée par la maladie. L’important est qu’elle soit rassurée et guidée pour intégrer en toute sécurité l’activité physique à son rétablissement.»
Corps ressource
Un constat partagé par Sandra Sachetto, référente pour la filière des psychomotriciens et psychomotriciennes, qui intervient au sein du Service de psychiatrie adulte : «De nombreuses maladies psychiques se répercutent sur le corps, par des douleurs, des crispations, des tensions. Une partie de notre travail est d’aider les personnes à en prendre conscience et à faire en sorte que le corps ne soit plus une victime du mal-être présent, mais une ressource pour aller mieux. Cela passe notamment par des exercices de respiration, de relaxation, puis de mise en mouvement.»
Aux HUG, l’activité physique prend donc une place grandissante, autant dans les consultations que via des programmes adaptés et sur mesure, pendant les traitements comme après. Parmi les nombreux modules existants, dont certains se déroulent désormais dans le nouveau Centre d’activité physique (CAP) : le programme de réadaptation cardiovasculaire (l’un des précurseurs, né il y a plus de vingt ans), les programmes «4F» pour les personnes souffrant de troubles psychiques, «Santé et mouvement» pour les enfants en surpoids, «ProMiDos» en cas de pathologie du dos, «Diafit» pour les personnes diabétiques, «Arteriofit» pour l’insuffisance artérielle ou encore «Eureca» (Ensemble unis pour une réadaptation cardiaque) pour la réadaptation cardiovasculaire au long cours.
Sandra Sachetto, référente filière psychomotricité au Service de psychiatrie adulte
Parkinson : un programme de physiothérapie adapté
Destiné aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson, suivies ou non aux HUG, le programme de physiothérapie adapté est né d’une étude pilote menée dans les années 2000 par les HUG. Le constat, sans appel : «Une activité physique régulière ralentit les effets de la maladie et prolonge de près de dix ans la qualité de vie, surtout si elle est initiée dès les premiers symptômes. Dans le détail, des bénéfices peuvent être observés sur de nombreux aspects impactés par la maladie, comme l’amplitude et la coordination des mouvements, la souplesse des articulations, l’équilibre, le souffle et par conséquent l’élocution et la déglutition. Ces bienfaits améliorent le quotidien, mais également la confiance en soi et le degré d’autonomie», détaille Emmanuel Guyen, physiothérapeute responsable au sein du Service de neurorééducation. Concernant le programme lui-même, place à la gymnastique, au yoga, au taï-chi, aux exercices en piscine, à la danse ou encore à la boxe. «La diversité des séances permet de stimuler un maximum d’aptitudes», poursuit le physiothérapeute. À noter que le programme est soumis à des critères en lien avec l’autonomie résiduelle, comme la capacité de marcher quelques mètres sans moyen auxiliaire et de réaliser les exercices proposés. Et Emmanuel Guyen de souligner l’intérêt du travail en groupe : «La maladie de Parkinson tend à isoler socialement, or nous constatons que les personnes qui participent au programme osent de nouveau échanger avec les autres, sortir de chez elles, recevoir du monde à leur domicile. Tout cela aussi contribue à améliorer leur qualité de vie.»
En pratique : sessions de neuf semaines reposant sur deux séances d’activité physique hebdomadaires, en groupe.
Plus d'infos: Maladie de Parkinson
Profession : « Maître de sport adapté »
Son nom : Xavier Martin.
Sa profession : « Maître de sport adapté » ou « Maître d’éducation physique adaptée ».
Sa mission : intervenir sur la base d’une prescription médicale pour concevoir des séances d’activité physique adaptée à des patients et patientes des HUG.
«Nous sommes plusieurs à exercer cette profession aux HUG. Pour ma part, je travaille dans la nouvelle salle de fitness de la Maison de l'enfance et de l'adolescence auprès du jeune public recevant des soins en ambulatoire ou dans le cadre d’une hospitalisation. Les séances peuvent être individuelles ou en groupe et concerner des jeunes souffrant autant de problèmes physiques (handicap, maladies chroniques, surpoids, etc.) que psychologiques. Le point commun à toutes les séances est d’adapter les exercices proposés aux besoins et aux possibilités de chacun et chacune dans un esprit ludique. L’objectif n’est pas la performance, mais de renforcer la confiance en soi et le bien-être en remobilisant le corps», explique Xavier Martin. Pour ce faire, place aux machines, aux jeux de ballon et à la créativité ! «Parties de volley avec d’énormes ballons tout légers, séances “catapultes” avec l’aide d’élastiques spécifiques ou yoga adapté aux ados : tout est possible pour remettre le corps en mouvement», résume l’expert.
Et pour les enfants ?
Mue par l’ambition de faciliter l’activité physique chez les enfants suivis aux HUG dans le cadre d’hospitalisation, de maladie chronique ou d’une situation de handicap, une équipe dirigée par la Dre Marine Cacioppo, cheffe de clinique à l'Unité de neuropédiatrie, œuvre au développement d’une nouvelle spécialité médicale, la neuroréhabilitation pédiatrique. «Son objectif est de rendre l’activité physique accessible à chaque enfant, en tenant compte de ses besoins et de ses difficultés. Les projets s’élaborent ensuite avec les familles en fonction des souhaits de l’enfant, grâce à un réseau incluant médecins, physiothérapeutes, ergothérapeutes, maîtres ou maîtresses d’activité physique adaptée, mais également, en dehors de HUG, avec des orthoprothésistes, clubs de sports ou associations», explique Florence Klimczak, ergothérapeute et coordinatrice neuroréhabilitation pédiatrique. Une impulsion nouvelle est ainsi donnée pour favoriser le mouvement au quotidien, comme par le biais d’événements ponctuels. «C’est ainsi que s’est déroulé un atelier de danse, le 3 décembre dernier à la Maison de l'enfance et de l'adolescence (MEA), avec l’association dansehabile, l’École de pédagogie spécialisée de la Roseraie et la Fondation Clair-Bois. Cela a été un pur moment de joie et de partage pour les jeunes, leurs proches et leurs équipes soignantes», raconte l’ergothérapeute. Avant de souligner : «L’activité physique est infiniment précieuse pour les enfants malades ou en situation de handicap. Au-delà des bienfaits sur leur santé, elle leur permet de sortir de leur statut de “patient” ou “patiente” et de leur insuffler une énergie importante pour leur évolution et leur vie d’enfant.»
150 minutes
L'OMS préconise un minimum de 150 minutes d’activité physique à intensité modérée ou 75 minutes à intensité soutenue par semaine.
Dossier Activité physique
- L'activité physique sur ordonance
- Place au CAP, Centre d’activité physique !
- Le programme de réhabilitation oncologique
- Le Programme 4F – Feel, Fit, Food & Fun
Texte:
- Laetitia Grimaldi
Photos:
- Bogsch & Bacco