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L’anesthésie sort des blocs opératoires

L'anesthésiste ne collabore plus seulement avec le chirurgien. Aujourd'hui, il a élargi son territoire aux gestes « hors bloc », à la consultation préanesthésique ou encore à la surveillance postopératoire.

Tel le pilote et le copilote, médecin et infirmier anesthésiste forment un duo. Lors d’une opération, ils induisent un sommeil artificiel alliant inconscience et incapacité de ressentir la douleur. Comme s’ils faisaient décoller un avion et le gardaient ensuite à la même altitude, ils maintiennent un état hypnotique profond afin que le patient ne se rende compte de rien. « Cela se réalise en injectant en continu des médicaments, dont leur but est de faire dormir, d’agir contre la douleur et de relâcher la musculation », résume le Pr Martin Tramèr, médecin-chef du service d’anesthésiologie.

Ce triple objectif de l’anesthésie générale est aujourd’hui bien maîtrisé, ce qui la rend sûre. Les décès sont extrêmement rares et les blessures neurologiques restent rares (lire l’infographie). Les progrès ont été effectués en s’inspirant de l’aviation civile : adaptation des techniques de crew resource management (gestion des ressources de l’équipage) pour une meilleure communication et des comportements adéquats dans les conditions de stress; introduction d’une check-liste de sécurité, avec des vérifications croisées à haute voix, à chaque étape clé de l’intervention. « La collecte des incidents, la formation continue et spécialisée des soignants, la gestion des équipements avec une fiche de vie pour chaque appareil ainsi que l’informatisation du système intraopératoire remplaçant des transcriptions manuscrites ont également contribué à l’amélioration de la sécurité », souligne le Pr Tramèr.

Le « hors bloc » progresse

Autre changement majeur intervenu ces vingt dernières années, l’augmentation des anesthésies. Leur nombre est en hausse continue (2 à 3% par année) et se situe aujourd’hui à quelque 30'000 aux HUG, dont un peu moins de 2000 en pédiatrie (lire Rassurer les petits… et les parents). Les raisons ? Le vieillissement de la population, la demande des patients ainsi que le progrès des techniques d’exploration et de traitements non chirurgicaux. Conséquence: l’activité diagnostique et thérapeutique en dehors du bloc opératoire est en constante augmentation. « L’anesthésie générale demeure l’activité principale, mais l’anesthésie locorégionale, qui rend insensible seulement une partie du corps, est toujours plus utilisée. La péridurale, la rachianesthésie et le bloc nerveux périphérique assurent au patient aussi bien son confort, car il n’a pas mal, que sa sécurité puisqu’il ne bouge pas pendant l’acte », explique le spécialiste.

En clair, l’anesthésiste n’est plus confiné à la salle d’opération: il est là où le patient est exposé à la douleur, de la salle d’accouchement, à celle d’endoscopie ou de radiologie interventionnelle. Désormais, il collabore de façon étroite avec le gastroentérologue lors d’une coloscopie, avec le cardiologue pour la dilatation d’une artère lors d’une coronarographie ou encore avec le pneumologue pour une bronchoscopie. « Aujourd’hui, il est par exemple possible de réaliser une imagerie à résonance magnétique avec un enfant autiste en lui administrant une sédation, situation dans laquelle la personne garde sa respiration spontanée et ses réflexes, pour empêcher qu’il ne soit agité durant l’examen. En anesthésie locale, le neurochirurgien peut aussi implanter des électrodes dans le cerveau dans le cas de la maladie de Parkinson sur un patient éveillé pour qu’il coopère lors de la stimulation électrique directe », ajoute le Pr Tramèr. Non seulement l’anesthésiste a quitté le bloc pour mieux collaborer avec les différents spécialistes, mais encore pour accomplir d’autres activités. Il s’entretient avec chaque patient lors d’une consultation préanesthésique (lire Evaluer les risques opératoires). De même, il est présent dans la phase postopératoire: en salle de réveil ou, si la situation le requiert, lors du séjour en soins intermédiaires péri-interventionnels. Avec toujours le même objectif: stabiliser le patient avant de le monter dans sa chambre. Le service d’anesthésiologie est également très actif en recherche clinique et fondamentale (lire Effets de l’anesthésie sur le cerveau).

Et l’avenir ? « En termes de sécurité, il sera difficile de faire encore mieux au bloc opératoire. Par contre, en partenariat avec les chirurgiens, nous devrons mettre l’accent sur la surveillance par monitoring en phase postopératoire. Le but est afin de diminuer la mortalité dans les premiers jours qui suivent l’opération en raison de complications cardiaques ou respiratoires », anticipe le Pr Tramèr. Autre enjeu: attirer les jeunes médecins dans une branche demandant une formation spécialisée et des capacités à travailler en binôme avec l’infirmier anesthésiste et avec les autres médecins. L’image du technicien ne s’occupant que du patient durant l’opération appartient décidément au passé.

L'anesthésiste intervient dans les zones délivrant les soins postopératoires immédiats.

Soins postopératoires spécialisés

L’opération est finie. Mais pas le travail du médecin et de l’infirmier anesthésistes. Ceux-ci interviennent dans un moment stratégique pour le bon déroulement de la prise en charge globale du patient: le passage dans les zones délivrant les soins postopératoires immédiats. « On y traite les éventuels douleurs, nausées et vomissements et on s’assure que tout problème vital est exclu avant que la personne retourne en chambre », résume le Pr Bernard Walder, médecin adjoint agrégé, responsable du secteur postinterventionnel et endoscopie au service d’anesthésiologie. Les critères de sortie dépendent d’un score obtenu sur plusieurs paramètres, notamment la fréquence cardiaque, la tension artérielle, l’oxygénation et la conscience.

Depuis 2008, les soins postopératoires sont organisés, en deux parties. D’un côté, la salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI), anciennement nommée salle de réveil. Elle accueille durant deux heures en moyenne les patients en bonne santé ayant bénéficié d’une chirurgie mineure (80% des cas). De l’autre, des cas plus lourds (15%) réunis dans les soins intermédiaires péri-interventionnels (SINPI) pour 24 heures en moyenne. Il s’agit le plus souvent de patients âgés, souffrant de plusieurs maladies, avec un organe qui fonctionne mal avant l’opération ou ayant subi une intervention majeure. « Ces personnes récupèrent plus lentement. Elles ont besoin d’une surveillance plus invasive afin d’identifier très tôt de potentielles complications sérieuses », relève le Dr Walder. D’ailleurs, depuis la création de ces deux itinéraires, les résultats montrent une chute spectaculaire de la mortalité intrahospitalière (de 1,7% à 0,9%), plaçant les HUG parmi les leaders européens en médecine péri-opératoire. A relever encore que les cas les plus délicats (5%) sont dirigés directement vers les soins intensifs.

Davantage de lits

Les structures consacrées aux soins postopératoires disposent actuellement de 18 lits: 12 dédiés à la SSPI et 6 au SINPI. En automne 2016, la capacité devrait être portée à 32 lits pour répondre à l’augmentation de l’activité interventionnelle et au vieillissement de la population.

les risques de l anesthésie générale

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