Médecin-chef du Service de gynécologie, le Pr Patrick Petignat est responsable du Centre d’oncogynécologie des HUG. Il s’engage avec l’OMS dans le dépistage du cancer du col utérin dans le monde.
"Je suis né par césarienne, ce qui était plutôt rare à l’époque", sourit Patrick Petignat. C’est ainsi qu’il commence à dérouler le fil de sa vie. Ce natif du Jura, fils d’un instituteur et d’une mère au foyer, ne se rêvait pas médecin. Il obtient son premier diplôme à l’École de commerce de Delémont. Puis, ce fan de Servette a des envies d’ailleurs : "J’ai grandi dans un village de 150 habitants. Je voulais vivre en ville." Il décroche son premier travail à la Société de Banque Suisse à Genève comme comptable. Mais à 22 ans, il apprend qu’il souffre d’un cancer : "J’ai cru que j’allais mourir."
La maladie provoque une onde de choc : "Je me suis senti trahi par mon corps. Le cancer est comme un programme d’autodestruction", décrit-il. Il se plonge alors dans d’innombrables lectures afin de comprendre les mécanismes de la maladie. Les traitements aux HUG débutent. "J’ai su à ce moment-là que je voulais changer de métier." Tenté par la biologie, le médecin qui le soigne lui conseille plutôt la médecine, aux débouchés plus nombreux. Pendant trois ans, il suit des cours du soir pour avoir sa maturité, qui lui permettra d’entrer en Faculté de médecine. Parallèlement, il travaille à la Chemiserie centrale pour financer ses études.
Lutter contre le cancer
Il étudie la médecine à Lausanne, en étant cinq ans plus âgé que les étudiants et étudiantes de sa volée. Très vite, l’oncologie s’impose comme une évidence, de même que la chirurgie : "J’ai toujours aimé travailler avec mes mains.* C’est en Valais qu’il obtient son premier poste de médecin, c’est là aussi qu’il effectue sa thèse sur le cancer. La gynécologie, une discipline peu structurée à l’époque, est arrivée par hasard : "Pouvoir faire quelque chose pour les femmes qui ont un cancer, voilà ce qui m’attirait dans cette profession."
Il part ensuite se spécialiser au Canada, avec sa femme et ses quatre enfants. Une destination qu’il avait en tête depuis longtemps : "Dans le Jura, nous avons reçu des indépendantistes québécois. Jeune, je suivais avec passion les mouvements pour l’Indépendance du Jura", se souvient-il. Il a la chance d’évoluer dans un grand centre où se pratique une médecine hautement spécialisée.
À son retour, il crée aux HUG l’une des premières unités d’oncogynécologie de Suisse. Il soigne des cancers de l’ovaire et de l’utérus, notamment : "Le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) est le plus grand succès qu’il y ait eu dans le domaine", s’enthousiasme-t-il. Il s’engage aussi, avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour la prévention du cancer du col utérin dans le monde : "Le dépistage a un impact énorme." Aujourd’hui, cette maladie reste pourtant la première cause de mortalité par cancer chez la femme en Afrique subsaharienne, alors qu’elle se soigne. Très investi dans cette cause, le Pr Petignat mène des projets de recherche avec le Cameroun depuis trente ans. Au bénéfice d’une bourse du Fonds national suisse, il collabore étroitement avec des médecins de ce pays rencontrés à Genève. "C’était l’élite qui venait se former ici, grâce à des accords entre les HUG et le Ministère de la Santé du Cameroun. Avec le temps, nous avons tissé des liens."
Une médecine humaine et humanitaire
Chaque année, il donne la chance rare à des étudiants et étudiantes de Master de collaborer à ses recherches au Cameroun et de signer un article scientifique en étant premier auteur ou première autrice, à condition de passer un mois sur place à leurs frais. "En Suisse, nous pratiquons une médecine très technique, alors que là-bas, il y a peu de choses. C’est une médecine proche des gens. Cela les confronte à une autre réalité et les pousse à faire des choix. C’est très formateur", explique-t-il. Intarissable sur le sujet, il l’est aussi lorsqu’il s’agit de parler de l’avenir de sa discipline. Celui qui dit être arrivé à la tête de son service au gré des opportunités, aime travailler en équipe : "J’ai grandi dans une famille de quatre enfants." Pour se changer les idées, il pratique la course à pied, une passion qui l’anime depuis ses 11 ans : "Je fais chaque année un marathon, mais mon but n’est pas d’être le premier. C’est plus une façon de vivre, je dirais même mon antidépresseur."
En savoir plus sur les projets humanitaires aux HUG : www.hug.ch/gynecologie/projets-humanitaires
1964 : Naissance dans le Jura, dont il est un ambassadeur.
1996 : Diplôme de médecine à l’Université de Lausanne.
2006 : Spécialisation en oncologie gynécologique au Centre universitaire de Montréal.
2012 : Chef du Service de gynécologie.
2022 : Nommé responsable du Centre d’oncogynécologie.
Texte:
- Elodie Lavigne
Photos:
- François Wavre | lundi13