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  • Elodie Lavigne

Photos: 

  • François Wavre | lundi13

« Le médecin est au service de la société »

Responsable de la Consultation ambulatoire mobile des soins communautaires (Camsco), le Pr Yves Jackson soigne et protège, par des interventions de santé publique, celles et ceux que la société peine à voir.

Conscience de la fragilité et de l’impermanence du monde, bienveillance à l’égard des autres et sensibilité à la souffrance collective. De ces préceptes empruntés à la philosophie bouddhiste, le Pr Yves Jackson en a fait une vocation. Cet enfant de Genève, né d’une mère française et d’un père britannique, a dès l’enfance le goût des autres et de l’ailleurs. Durant ses études dans la Cité de Calvin, il rêve de voyages. « Après ma dernière année de collège, je suis parti en Inde avec mon sac à dos. J’ai travaillé dans un orphelinat à Calcutta. J’y ai rencontré le Dr Jack Preger, qui a mis en place un système de santé de rue pour les plus démunis. Il a été une vraie source d’inspiration pour moi », raconte le Pr Jackson. Alors passionné de montagne et de langues orientales, il choisit toutefois la médecine, qui est à ses yeux le meilleur moyen d’avoir une influence sur le monde : « Le médecin est au service de la société. Il et elle œuvre pour améliorer la santé et le bien-être des individus ainsi que pour une plus grande cohésion sociale. » De son mentor, il garde cette vision globale de la santé. Car le parcours de vie, surtout s’il est semé d’embûches, a des effets considérables sur la santé. Au même titre que ce qu’il se passe dans le monde : « Le vécu dans le pays d’origine et dans les pays traversés a un impact sur la santé physique et mentale des personnes migrantes. Elles vivent en permanence dans plusieurs espaces-temps. »

La force du collectif

Après son titre FMH en médecine interne générale, le Pr Jackson suit une formation de cinéaste. Il pratique les deux activités en parallèle, mais la médecine le rattrape. « Je souhaitais travailler pour une ONG internationale. J’ai finalement pu faire à Genève ce que j’ai toujours voulu faire ailleurs. » Au sein du Service de médecine de premier recours et à la tête de la Camsco, il coordonne une équipe interdisciplinaire pour venir en aide aux migrants précaires, aux sans domicile fixe et à toutes les personnes en situation de grande vulnérabilité sociale. Grâce à un partenariat noué avec la Croix-Rouge genevoise, dont il est membre du comité, les HUG ont permis à plus de 6 000 personnes en situation de précarité de se faire vacciner contre le Covid-19. « J’aime l’idée de l’effort partagé pour atteindre un objectif commun. »

Depuis l’enfance, il cultive cet esprit collectif à travers le sport. « Le sport est un formidable liant social et un déterminant essentiel de mon équilibre », note-t-il. Après avoir longtemps joué au football, il s’adonne désormais au vélo et aux activités de montagne : « Lorsqu’on gravit un sommet, nous sommes encordés et dépendants les uns des autres. » Une image qui correspond parfaitement à sa vision de la médecine.

Guidé par des principes d’égalité des chances, de solidarité et d’entraide, le Pr Jackson souligne la nécessité d’intervenir tant à l’échelle individuelle que collective – accès au logement, aux soins, santé au travail – afin de diminuer la souffrance et améliorer les perspectives d’avenir des plus fragiles. « La pandémie a été un grand révélateur des inégalités sociales et nous force à réfléchir à une meilleure répartition des ressources pour avancer dans une direction plus juste. » Si la maladie et la souffrance sont le lot de l’humanité, certains affichent une moins grande capacité à se protéger et à se soigner. « On voit émerger de nouvelles formes de pauvreté. Parmi les invisibles, les travailleurs pauvres qui échappent aux radars sociaux sont en augmentation », s’inquiète-t-il.

À côté de son activité clinique, le Pr Jackson mène une activité académique, d’enseignement et de recherche pour mieux comprendre les déterminants sociaux de la santé et du bien-être dans les groupes de population défavorisés. Il est également un acteur engagé en faveur du climat, avec la création d’un groupe de professionnels pour une médecine plus soucieuse de l’environnement ainsi que la mise en place d’un cursus académique pour sensibiliser les étudiants à ces enjeux.

« Nous devons rester humbles. Nous n’avons pas de baguette magique pour traiter des situations qui nous dépassent, mais intervenir pour la santé individuelle et collective est une mission qui a du sens », conclut-il.

1970 Naissance à Genève.
1997 Débute sa carrière comme interne au Quartier cellulaire de l’Hôpital.
2007 Prend la direction de la Consultation ambulatoire mobile des soins communautaires (Camsco).
2012 Part en Australie avec sa famille pour se former à la santé publique.
2021 Est nommé professeur assistant à la Faculté de médecine de l’Université de Genève.
 

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  • Elodie Lavigne

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