La Fondation suisse pour l’innovation et la formation en chirurgie a inauguré ses locaux en avril dernier au cœur des HUG. Elle offre des équipements de pointe afin de former débutants et experts dans des conditions quasi réelles.
Une dizaine de tables d’opération sont méticuleusement alignées dans une salle aux murs blancs et lustrés. Elles sont complétées de tours endoscopiques, de microscopes, de caméras et d’outils aux formes diverses. Une atmosphère futuriste se dégage de l’endroit, équipé des ultimes technologies, où pullulent les écrans plats. Bienvenue dans l’un des trois laboratoires de la Fondation suisse pour l’innovation et la formation en chirurgie (SFITS), le nouveau terrain d’entraînement des équipes chirurgicales et interventionnelles. Inauguré en avril dernier, il se situe au sein des HUG et compte accueillir plus de 4’000 participants par an, des débutants aux plus experts.
Un centre pour toutes les disciplines
«Notre objectif premier est la formation dans toutes les spécialités chirurgicales et interventionnelles, explique Pierre Hoffmeyer, président de la SFITS et chirurgien en orthopédie. Cela concerne donc non seulement les chirurgiens, mais également tous les intervenants qui œuvrent dans le bloc opératoire.» Le centre, dont les locaux peuvent être loués par des entreprises privées ou des sociétés savantes, doit aussi servir à la recherche et à l’innovation.
«Un premier centre de formation chirurgicale des HUG avait été initié en 2011 avec le Pr Philippe Morel, avance Pierre Hoffmeyer. La SFITS a pris le relais en 2017. Situées désormais au cœur de la cité hospitalo-universitaire, nos infrastructures sont d’une qualité exceptionnelle. Nous comptons devenir le numéro un en Europe dans le domaine de la formation chirurgicale de pointe. L’une de nos missions principales consiste bien entendu aussi à former les collaborateurs des HUG, auxquels tous nos cours sont ouverts.» L’agenda de la SFITS, déjà bien chargé pour les prochains mois, semble dans tous les cas confirmer que le centre répond à un besoin, et ce au-delà des frontières cantonales et nationales. Il accueille en effet de nombreux participants et enseignants du reste de la Suisse, de l’Europe et même du monde entier.
De la simulation au corps humain
Concrètement, comment se déroulent les cours? Cela dépend de la matière enseignée et de l’expertise des participants. «Nous nous exerçons par exemple à la craniotomie, qui consiste à percer des trous dans les os du crâne, raconte Karl Schaller, médecin-chef du Service de neurochirurgie des HUG. Pour ce faire, les jeunes chirurgiens travaillent d’abord avec des outils de simulation, puis, lorsqu’ils ont atteint un certain niveau, ils passent à des crânes humains.» Ces crânes proviennent de corps légués volontairement à la science et leur utilisation s’effectue dans le cadre de strictes considérations éthiques. «Les conditions d’entraînement que nous avons à la SFITS sont incroyables et permettent une nette amélioration de la formation des chirurgiens, poursuit Karl-Schaller. Ici, ils se retrouvent dans des conditions quasi réelles et nous pouvons les confronter à une foule de scénarios. Cela permet une meilleure gestion du stress lors des interventions au bloc opératoire.»
Barbara Wildhaber, médecin-cheffe du Service de chirurgie pédiatrique, souligne de son côté que l’entraînement à la SFITS est précieux pour les médecins de son service, «qui doivent en plus apprendre à opérer en format “miniature”. Nous nous entraînons sur des tissus synthétiques ou sur de jeunes animaux comme des poulets ou des lapins». La spécialiste précise que l’utilisation des animaux dans le cadre des formations se fait également sous un strict contrôle éthique. «Il est désormais essential de s’exercer de cette manière avant d’opérer, ajoute Barbara Wildhaber. A notre époque, plus personne ne trouverait acceptable qu’un jeune chirurgien pratique certains gestes pour la première fois sur des enfants!» La chirurgienne rappelle qu’auparavant, la formation s’effectuait principalement par compagnonnage: «Le jeune médecin observait son professeur durant les opérations, puis plongeait directement dans la pratique. Le stress était considérable, également pour le mentor».
Accompagner les évolutions du métier de chirurgien
Des propos corroborés par Christoph Huber, médecin-chef du Service de chirurgie cardiovasculaire, dont les jeunes chirurgiens perfectionnent certains gestes à la SFITS, en suturant par exemple des aortes et des valves sur des cœurs de cochons. «Ces séances font rapidement progresser les participants. Mais elles nous aident aussi à mieux fonctionner en tant qu’équipe. En chirurgie cardiaque, les opérations durent couramment trois ou quatre heures. Elles réunissent jusqu’à douze personnes au service d’un seul patient dans un environnement confiné. Apprendre à collaborer dans le respect nous rend plus efficaces. Nous pratiquons des jeux de rôle pour cela.»
De façon générale, Christoph Huber considère qu’un lieu comme la SFITS reflète les évolutions du métier de chirurgien: «Les technologies progressent de plus en plus rapidement et nous devons constamment nous adapter. Je pense également qu’un certain nombre d’heures de pratique en situation quasi réelle deviendra indispensable avant d’opérer des patients. La Suisse figure d’ailleurs parmi les premiers pays à rendre ce type de formation obligatoire pour les jeunes chirurgiens.»
Derrière les baies vitrées des laboratoires immaculés, les équipements high-tech permettent donc aux chirurgiens d’évoluer avec leur profession, également touchée par la révolution digitale. Pierre Hoffmeyer, conscient de l’importance de cette mission, envisage d’ailleurs déjà une croissance de son centre dans les années à venir, afin de répondre à ces enjeux techniques et sociaux.
Texte:
- Geneviève Ruiz
Photos:
- Julien Merz et Fred Merz | lundi 13