Zone complexe souvent méconnue, le plancher pelvien (ou périnée) est une sorte de hamac sur lequel reposent la vessie, le rectum et, chez la femme, l’utérus. Ses troubles provoquent principalement des descentes d’organes et des pertes urinaires, des maux sous-diagnostiqués en raison de la gêne que leur évocation génère chez bon nombre de personnes.
Quand le « hamac » se distend
Les muscles, les ligaments et les tissus conjonctifs (fascias) qui composent le plancher pelvien forment un maillage très serré qui soutient notamment la vessie, le rectum et l’utérus. Il peut malheureusement arriver que ce « hamac » montre certaines faiblesses, ce qui provoque le déplacement d’une partie d’un organe (hernie) à travers le plancher pelvien. Dans le jargon, c’est le prolapsus. Il en existe plusieurs types : on parle de cystocèle pour la descente de la vessie, d’hystérocèle ou de prolapsus utérin pour celle de l’utérus, et de rectocèle pour celle du rectum. Contrairement à une idée répandue, ce genre de problème n’arrive pas seulement après un accouchement, bien que la naissance par les voies naturelles représente le facteur de risque principal.
En fait, il semble que le « terrain » génétique soit la principale variable de l’équation, même si l’âge, les changements hormonaux et les efforts répétés autour de la ceinture abdominale (constipation, toux chronique ou travail avec des charges) sont des facteurs de risque non négligeables. Selon les types d’atteinte du plancher, les médecins proposeront soit une rééducation par physiothérapie pour remuscler la zone, soit la mise en place d’un pessaire (dispositif intravaginal destiné à corriger un prolapsus), soit enfin une opération. Les interventions chirurgicales de correction des prolapsus sont de nombreux types. Elles utilisent dans certains cas du matériel prothétique (filet) visant à se substituer au rôle joué par le périnée.
Accouchement et rééducation périnéale
L’être humain est le seul être vivant dont la taille de la tête à la naissance équivaut plus ou moins à la taille du bassin. Comment l’enfant peut-il dès lors « traverser » le périnée? Il y a d’abord l’effet des hormones produites au cours de la grossesse. Ces sécrétions hormonales favorisent une « hyperlaxité » du tissu conjonctif qui se relâche, ce qui permet le passage de l’enfant. Suite à l’accouchement, les tissus retrouvent généralement leur état initial après deux à trois mois grâce à un nouveau changement hormonal. Il peut toutefois arriver que des déchirures, des distensions ou des étirements musculaires et nerveux subsistent. Une rééducation par physiothérapie du périnée peut alors être proposée, y compris de manière préventive, car les troubles peuvent apparaître quinze à vingt ans après l’accouchement.
Les problèmes d’incontinence urinaire
Outre la descente d’organes (prolapsus), l’autre grand problème lié au dysfonctionnement du périnée est l’incontinence urinaire. Celle-ci peut prendre principalement deux formes. La première, plus prévisible et moins gênante que la seconde, est l’incontinence d’effort. Elle se produit lorsque le système subit une pression intense, par exemple lorsque l’on rit, tousse ou court. Le relâchement du plancher pelvien fait que les systèmes de soutien et de verrouillage urétral ne sont plus assez forts pour retenir les sécrétions.
L’autre forme d’incontinence est celle dite d’urgence. Le contrôle de la vessie, notamment, ne se fait plus de manière optimale et des besoins impérieux se font ressentir, sans raison. Cette deuxième forme d’incontinence est très invalidante, car elle est totalement imprévisible. Certaines personnes qui en souffrent n’osent plus sortir de chez elles. Pour lutter contre l’incontinence urinaire, les médecins peuvent utiliser des médicaments, proposer une rééducation ou recourir à différentes techniques chirurgicales. L’injection de botox peut aussi aider dans certaines formes d’incontinence par urgenturie, de même que la neuromodulation. En plaçant des électrodes sur les nerfs qui contrôlent la vessie ou le rectum, il est possible de moduler le fonctionnement de l’organe.
> 50 %
Le pourcentage de femmes qui n’oseraient pas parler des problèmes d’incontinence. Cette proportion serait encore beaucoup plus élevée chez les hommes qui souffrent aussi d’affaissement du plancher pelvien.
12 vs 3
En centimètres, les tailles respectives de l’urètre chez l’homme et la femme. La longueur plus importante de l’urètre masculin rend le risque d’incontinence moins élevé car le trajet est plus long.
EXPERT : Dr Patrick Dällenbach, médecin adjoint responsable de l’unité de périnéologie du service de gynécologie de la Maternité des HUG.
Texte:
- Michael Balavoine
Photos:
- J.-Marc Laloux