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  • Clémentine Fitaire

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi 13

« Le trouble de la personnalité borderline, répandu mais méconnu »

Le trouble de la personnalité borderline (TPB), aussi appelé trouble de la personnalité limite, concerne pas moins de 4 à 6 % de la population, mais reste pourtant mal diagnostiqué. Le mois de mai est désormais consacré, au niveau international, à la sensibilisation du grand public et du réseau de soins à cette maladie. Rencontre avec le Pr Nader Perroud, médecin adjoint agrégé, responsable de l’Unité du trouble de la régulation émotionnelle, qui nous éclaire sur les contours de cette maladie.

Pulsations : Quelle est la spécificité du trouble de la personnalité borderline (TPB) ?
Pr Nader Perroud : Ce trouble affecte notre identité, la manière dont nous allons percevoir et interagir avec le monde qui nous entoure. Par définition, il survient lorsque l’individu est en train d’achever la construction de sa personnalité, soit à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Son impact socio-économique, mais aussi sur les relations amoureuses, est de ce fait particulièrement important dans cette période cruciale du développement.

Quels sont les principaux symptômes ?
Les personnes qui souffrent de TPB présentent une difficulté à réguler leurs émotions (colère, tristesse, joie, etc.), qui deviennent rapidement trop intenses. On retrouve également dans la plupart des cas une intolérance profonde à l’abandon, souvent consécutive à un trauma (physique ou sexuel), à des négligences émotionnelles ou à du harcèlement scolaire durant l’enfance.

Pour soulager la tension émotionnelle, les personnes concernées peuvent avoir recours à des comportements d’automutilation (scarifications), abusifs (prise de drogues, relations sexuelles à risque, compulsions alimentaires, etc.) ou suicidaires. Dans 80 % des cas de TPB, on observe ainsi des comportements autodommageables ou suicidaires.

Est-ce un trouble qui se soigne ?
Oui, lorsqu’il est pris en charge correctement, il est possible d’aboutir à une rémission du TPB au bout de quelques années. Différentes psychothérapies spécialisées ont fait leurs preuves : la thérapie comportementale dialectique (TCD), la psychothérapie focalisée sur le transfert (TFP), la thérapie basée sur la mentalisation (TBM), par exemple. Ce sont des prises en charge sur un ou deux ans, soit en groupe, soit en individuel. Plus récemment, comme dans le programme Connexions Familiales, fondé sur la TCD, nous essayons d’intégrer au mieux les proches, car ils ont un rôle important à jouer.

Pourquoi, selon vous, ce trouble est-il encore si méconnu ?
Cela est dû à plusieurs choses. Tout d’abord, c’est un trouble qui était jusqu’à présent peu enseigné dans les formations post-graduées en psychiatrie et psychologie. Pourtant, il présente une forte prévalence dans la population générale, bien plus élevée que celle du trouble bipolaire (autour de 2 %) ou de la schizophrénie (moins de 1 %), pathologies quant à elles bien intégrées aux cursus. Il en résulte une méconnaissance et de fausses croyances qui persistent. On pense souvent que le TPB est un trouble chronique qui ne peut pas être guéri, ce qui est faux. Il a également l’image d’une affection féminine et a donc été mis de côté dans notre société très patriarcale. C’est faux aussi : dans la population générale, cela concerne autant d’hommes que de femmes. Enfin, le fait que le traitement ne soit pas médicamenteux a également pu engendrer un certain désintérêt des institutions.

Cette méconnaissance peut-elle mener à des difficultés de diagnostic ?
Oui et pourtant, contrairement à ce que l’on pense, le trouble borderline est facile à diagnostiquer. Les personnes qui en souffrent sont très souvent étiquetées à tort d’un trouble bipolaire et traitées de façon inappropriée avec des stabilisateurs de l’humeur ou d’autres médicaments… qui ne servent à rien ! Nous disposons aujourd’hui d’une liste de neuf critères cliniques qui permettent de poser un diagnostic de trouble borderline lorsque le ou la patiente en présente au moins cinq. Il est donc très reconnaissable d’autres troubles de l’humeur ou de la personnalité.

4 à 6 %

de la population est concernée par un trouble de la personnalité borderline.

Une unité phare aux HUG

Les Hôpitaux universitaires de Genève se mobilisent depuis plusieurs années pour améliorer la connaissance du trouble de la personnalité borderline, en proposant des formations ouvertes auprès des universités, du réseau de soins et du grand public.
Un programme spécialisé basé sur un suivi psychothérapeutique et médical s’adresse également aux personnes avec trouble de la personnalité borderline. L’Unité du trouble de la régulation émotionnelle bénéficie ainsi d’une renommée internationale dans la prise en charge de ce trouble.
 

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