Texte: 

  • Giuseppe Costa - André Koller

Photos: 

  • Pulsations

L’endométriose est sous-diagnostiquée

En forte augmentation, cette maladie touche les femmes entre 25 et 35 ans. A l’âge où leur fertilité atteint son maximum.

« Vous n’imaginez pas le nombre de fois où une patiente s’effondre en pleurs, dans mon cabinet, lorsque je lui annonce un diagnostic d’endométriose. Et ce ne sont pas des larmes de tristesse, mais de soulagement : parce qu’enfin un médecin met un nom sur le mal dont elle souffre parfois depuis de nombreuses années », affirme le Dr Jean-Marie Wenger, médecin consultant aux HUG et l’un des meilleurs spécialistes en Suisse de cette maladie.

Vous avez dit « endométriose » ? Cette pathologie chronique et souvent douloureuse touche en priorité les femmes de 25 à 35 ans et peut être la cause d’une infertilité. Méconnue du grand public, elle est encore trop souvent sous-diagnostiquée par les professionnels. « Certaines patientes, qui ignoraient leur maladie, ont consulté des psychiatres parce qu’elles souffraient de rapports sexuels douloureux », ajoute le Dr Wenger.

Pour comprendre les mécanismes de l’endométriose, deux choses utiles à savoir. D’abord que l’intérieur de l’utérus est tapissé par l’endomètre. Ensuite, que les cellules de ce tissu sont très mobiles. Elles peuvent se déplacer, s’implanter et croître sur d’autres organes : ovaires, intestin, vagin, vessie, diaphragme, paroi abdominale et même les poumons. Dès lors, cette excroissance se comporte un peu comme une tumeur. En grandissant, elle va abîmer l’organe en y pénétrant plus ou moins profondément. L’endométriose peut ainsi diminuer la fertilité des femmes, ou l’empêcher complètement, notamment lorsqu’elle bouche les trompes de Fallope, détruit les ovaires ou provoque une inflammation chronique autour de l’utérus.

« Le nombre de cas explose littéralement depuis quelques années. C’est simple, je n’avais pas vu une seule patiente souffrant de cette maladie durant toutes mes années d’études. Aujourd’hui, j’en opère deux à trois par semaine aux HUG. C’est énorme », s’inquiète le Dr Jean-Marie Wenger.

Pollution en cause

Les causes exactes de cette très forte augmentation restent encore mal connues. Pour le spécialiste, elle est due en partie à un meilleur dépistage. Mais pas seulement. Il mentionne également des facteurs environnementaux. Des études ont en effet montré que des dérivés de la dioxine et des polychlorobiphényles (PCB), utilisés dans l’industrie jusque dans les années 90, peuvent favoriser la genèse de l’endométriose.

Les traitements, surtout si la patiente désir avoir un enfant, sont complexes et décidés au cas par cas. En concertation avec un spécialiste de la procréation médicalement assistée, le médecin doit trouver une stratégie qui soulage sans nuire à la fertilité. « Les médicaments diminuent l’inflammation et traitent les symptômes comme les fortes douleurs. Mais seule la chirurgie peut rétablir le fonctionnement des organes de la reproduction, lorsque celui-ci est perturbé par une endométriose », indique le chirurgien, qui prend en charge les deux tiers des patientes opérées chaque année à Genève.

Le quotidien d’Estelle s’est nettement amélioré depuis son opération, aux HUG, en 2013.

Consulter un spécialiste

L’histoire d’Estelle ressemble à celle de beaucoup de femmes touchées par l’endométriose. Des années de souffrance: douleurs pelviennes, dans le bas du dos, aux hanches, pendant la selle ou parfois lors des rapports sexuels, fatigue chronique, difficulté à rester debout. Et des années – six dans son cas – avant de mettre un nom sur la maladie. A 36 ans, en 2008, suite à un contrôle échographique de son gynécologue, elle subit une première intervention. « On m’a enlevé un ovaire et un bout de trompe, mais j’ai continué à avoir mal les années qui ont suivi », explique-t-elle.

Des foyers d’endométriose continuent à se répandre. Conséquence: une deuxième opération en 2011 et finalement une troisième, décisive, en 2013 aux HUG. « Comme moi, beaucoup de femmes sont opérées pour de petits nettoyages, mais la maladie est profondément enracinée. Il est nécessaire de voir un spécialiste qui puisse l’éradiquer », ajoute-t-elle. Depuis cette dernière intervention et sous traitement hormonal, son quotidien s’est nettement amélioré: presque plus de douleurs, une vie sportive, pleine d’énergie, et une joie de vivre retrouvée.

Texte: 

  • Giuseppe Costa - André Koller

Photos: 

  • Pulsations
Partager
En savoir plus

Mots clés: 

Autres articles