Texte: 

  • Stéphany Gardier

Photos: 

  • Bogsch & Bacco avec l’aide d’une IA

« Les IA génératives sont bluffantes, mais présentent des limites importantes »

À l’occasion de l’inauguration du Pôle intelligence artificielle pour la santé, le Pr Antoine Geissbühler, médecin-chef du Service de cybersanté et télémédecine et doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Genève, fait le point sur le rôle de l’intelligence artificielle (IA) dans le paysage médical.

Pulsations L’arrivée des IA dites «génératives», telles que ChatGPT, a presque fait oublier que l’IA existait déjà au 20e siècle. Quand est-elle entrée dans le monde de la santé ?
Pr Antoine Geissbühler
L’IA constitue un domaine de recherche en médecine depuis les années 1960. Très rapidement, il s’est avéré que les ordinateurs avaient des capacités complémentaires à celles des êtres humains en matière de calcul, de mémoire et de traitement de l’information. De premiers outils informatiques dits «d’aide au diagnostic et à la prise de décision» sont apparus, mais techniquement il s’agissait déjà d’IA, par exemple de programmes qui facilitaient l’analyse des tracés d’électrocardiogrammes.

Dans quelles spécialités médicales l’IA est-elle particulièrement présente ?
L’imagerie médicale a beaucoup bénéficié des progrès de l’IA, surtout depuis l’arrivée dans les années 2010 de systèmes informatiques très élaborés appelés «réseaux de neurones profonds», qui ont largement accru les compétences des programmes. Capable d’effectuer des analyses fiables rapidement, l’IA est également très utilisée en dermatologie, hématologie et en histopathologie pour analyser les coupes de tissus.

Est-il possible d’imaginer que des systèmes d’IA remplacent les soignants et soignantes, au moins pour certaines tâches ?
J’aime dire que le terme IA peut aussi être lu comme «intelligence augmentée» car, quand ils sont bien pensés, ces systèmes accroissent les capacités humaines. Et il y a un certain nombre de tâches particulièrement chronophages qui incombent aujourd’hui au personnel soignant et dont il serait ravi de se décharger sur des IA. Il faut donc se poser la question de la valeur ajoutée de l’activité humaine et recentrer les pratiques autour de cela. Je pense qu’il ne faut pas être dogmatique dans cette réflexion : des activités cataloguées comme essentiellement humaines pourraient être déléguées à des machines. Sur des sujets sensibles par exemple, certains patients et patientes se confient plus facilement à une IA qu’à une personne en chair et en os.

Les IA génératives ont-elles leur place dans les soins ?
Ces systèmes sont bluffants, cependant ils présentent des limites importantes. Pour commencer, ils sont conçus pour produire du contenu, mais pas forcément juste ou vrai alors que les programmes d’IA classiques ont été construits pour réaliser des tâches précises et avec des règles déterminées. Il est donc possible de vérifier comment la machine parvient à un résultat. Avec les IA génératives, nous ne savons pas comment elles produisent les contenus. Or certaines réponses qui semblent tout à fait crédibles sont en réalité inventées de toutes pièces par le système. Cela montre aussi que l’usage de l’IA nous impose de rester critiques et capables de contrôler ce qu’elle produit. Pour l’heure, les HUG utilisent quelques outils d’IA générative dans des cadres bien circonscrits, comme le chatbot du projet ConfIAnce*.

Quels sont les objectifs du Pôle intelligence artificielle pour la santé qui a été inauguré en décembre dernier ?
Cette structure est née de la collaboration entre les HUG, le Département de la santé et des mobilités et le Wyss Center for Bio and Neuroengineering. Elle est située sur le Campus Biotech, un lieu exceptionnel pour la recherche et l’innovation, notamment dans le domaine des neurosciences qui, de plus, accueille désormais des patients et des patientes des HUG. Ce pôle sera l’endroit idéal pour développer de nouveaux outils d’IA et questionner les enjeux liés à cette technologie avec une approche globale. Parmi les projets en cours, le Wyss Center for Bio and Neuro engineering développe par exemple un programme innovant de soins par neuromodulation assistée par l’IA.

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EXPERT : Pr Antoine Geissbühler

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