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  • Geneviève Ruiz

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  • François Wavre - lundi 13

« Les individus ne sont pas égaux en termes de santé »

En 2020, la Pre Silvia Stringhini, responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle des HUG, a vu son travail bouleversé par la pandémie. Elle entend désormais intégrer le Covid-19 comme une nouvelle variable dans ses études.

Fin 2019, la Pre Silvia Stringhini, responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle (UEP) des HUG, revient à Genève après un séjour de deux ans au Canada. Elle y avait travaillé en tant que professeure invitée de l’Université de Toronto. « J’étais impatiente de rentrer à Genève pour échanger en présentiel avec mes douze collaborateurs de l’UEP », confie-t-elle. Elle se lance alors avec enthousiasme dans des projets d’études longitudinales sur des cohortes d’enfants genevois, qu’elle souhaite suivre depuis leur vie utérine, afin de comprendre l’impact sur la santé à l’âge adulte des facteurs environnementaux des premières années de vie. Car les spécialités de la Pre Stringhini, ce sont la santé globale et les maladies non transmissibles. La motivation de celle qui dit tenir sa fibre sociale de sa mère assistante sociale et de son père actif en politique – « toujours investis dans la défense des plus démunis » –, c’est de comprendre les raisons pour lesquelles certaines populations souffrent davantage de maladies que d’autres. « Les contraintes liées au contexte de vie, à l’accès inégal à l’activité physique ou à une alimentation saine, de même que certaines conceptions culturelles, ont une influence prépondérante », assure-t-elle.

Ensemble contre le Covid-19

Alors que les projets allaient démarrer au printemps 2020, l’ouragan du Covid-19 est venu les interrompre. « J’ai compris la gravité de la situation début février. Des confrères de l’étranger me racontaient la pénurie d’oxygène, les malades parqués dans les buanderies. Quand la pandémie est arrivée ici, nous avons décidé avec mes collègues d’interrompre nos activités pour contribuer à la lutte. » C’est ainsi que Silvia Stringhini et ses équipes se sont mises à faire de « l’épidémiologie de catastrophe » : les effectifs de l’UEP ont été quintuplés, un camion d’ordinateurs mobilisé, des masques et du papier récupérés dans tous les services. « En plein confinement, nous avons mobilisé des milliers de Genevois dans nos études sur la séroprévalence du virus. Nous avons été les premiers au monde à publier un article sur ce sujet en avril 2020. »

Sur tous les fronts

Côté vie privée, l’épidémiologiste confie avoir eu de la chance de travailler au bureau alors que ses enfants de 3 et 5 ans étaient gardés. « Beaucoup de femmes ont souffert de devoir télétravailler tout en gardant leurs enfants. » De façon générale, Silvia Stringhini considère que la conciliation entre vie familiale et professionnelle n’est de loin pas un acquis dans notre société. « C’est émotionnellement difficile de ne pas être aussi présente que je le souhaiterais auprès de mes enfants. »

Originaire de la région de Crémone, en Italie, elle en garde un accent chantant et une personnalité extravertie. Très médiatisée durant la pandémie, l’épidémiologiste a assumé cette visibilité avec naturel. « Je ne suis pas timide… Et ces sollicitations ont été nécessaires pour donner des informations à la population. » Malgré les souffrances, les tensions avec les politiciens – elle a fait partie de la task force scientifique de la Confédération – et le travail intense, elle souhaite en retirer du positif : « Alors qu’auparavant nous suivions des groupes de population de 1’000 personnes sur une année, nous avons réussi à réunir une cohorte de 25’000 Genevois durant la pandémie. Je leur suis extrêmement reconnaissante pour leur investissement. Je tiens également à remercier toute l’équipe de mon unité, ainsi que les HUG, sans qui tout cela n’aurait pas été possible. »

D’ici quelques mois, Silvia Stringhini compte reprendre ses projets sur le suivi des enfants. « Nous ne pouvons plus nous focaliser uniquement sur le Covid-19, mais souhaitons intégrer ce paramètre dans toutes nos études. »

1982 Naissance à Crémone, en Italie.
2007 Master en Économie internationale à l’Université de Pavie.
2008 Master en Santé globale au Trinity College de Dublin.
2011 Doctorat en épidémiologie et santé publique de l’Université Paris-Sud et du University College de Londres. Postdoctorante à l’Institut de médecine sociale et préventive de Lausanne.
2018 Nommée responsable de l’Unité d’épidémiologie populationnelle des HUG et professeure invitée à l’Université de Toronto.

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