Manger, une histoire d’émotions
Une alimentation saine, c’est aussi « se préoccuper de notre manière de vivre – activité physique, sommeil –, de notre état de stress et de nos émotions », défend le Dr Zoltan Pataky, médecin adjoint au service d’enseignement thérapeutique pour les maladies chroniques des HUG. Et considérer aussi que l’alimentation est un plaisir, voire, pour certains, une récompense. C’est pour cela que se focaliser sur une alimentation « prescrite » est contreproductif. Pour preuve les régimes restrictifs qui, à terme, font prendre du poids et que l’on bannit aujourd’hui. Les dérèglements alimentaires et autres excès de poids peuvent être liés à des difficultés à gérer ses émotions, à une mauvaise estime de soi et du corps, et à des habitudes alimentaires délétères.
Pour aider ceux qui souffrent des conséquences d’une alimentation déséquilibrée ou de problèmes métaboliques, le service d’enseignement thérapeutique des HUG propose divers programmes ambulatoires. L’approche est pluridisciplinaire (diététique, comportement alimentaire, activité physique) et le suivi personnalisé. On apprend à mieux connaître les aliments, les maladies, à gérer ses émotions, ses pulsions, à déguster pour retrouver peu à peu une relation saine avec la nourriture. « On prend en considération les habitudes de la personne, son contexte de vie et ses obligations pour que nos conseils puissent être applicables à long terme ». Et surtout, on se donne du temps : « Modifier ses habitudes est une pression. Nous avançons pas à pas et fixons des objectifs très progressivement », rassure le Dr Zoltan Pataky.
La nutrition personnalisée
« Une prise alimentaire peut avoir des effets très variés d’un individu à l’autre. Chacun a probablement des besoins très différents », estime le Pr Jacques Philippe. De plus en plus, on voit dans la notion d’équilibre alimentaire quelque chose de très personnel. Car nos besoins énergétiques sont en grande partie déterminés par des facteurs individuels tels que la dépense énergétique, mais aussi l’âge, le sexe et le métabolisme.
Et si, demain, la science de la nutrition se personnalisait ? La nutrigénomique, qui s’intéresse aux liens entre nutrition et génétique dans une perspective préventive et thérapeutique, existe déjà et est en plein développement. Mais dans le futur, pour le Dr Samaras, « la science s’intéressera de plus en plus aux propriétés thérapeutiques des aliments et à la recherche d’aliments fonctionnels ». Aujourd’hui, on suppose déjà que les aliments eux-mêmes pourraient avoir une influence sur notre dépense énergétique, soit en l’abaissant, soit en l’augmentant. Nul doute que l’industrie agroalimentaire saura emboîter le pas pour proposer aux consommateurs des aliments censés résoudre leurs problèmes de santé.
Il n’y a pas que les vitamines dans la vie ou l’histoire de l’orange
« Buvez du jus d’orange ! C’est plein de vitamine C ». Ce conseil n’est pas dénué de sens, mais doit être nuancé. Oui, l’orange a une teneur élevée en vitamine C, mais elle est aussi riche en tout plein de molécules (des antioxydants par exemple) bonnes pour la santé. Donc, un jus d’orange vaut bien mieux qu’un simple comprimé de vitamine. Mais surtout, si on veut vraiment bien faire, il est meilleur, sur le plan nutritionnel, de manger le fruit entier plutôt que de boire seulement son jus. Car, cloisonnés dans les fibres, les sucres sont digérés plus lentement et sont libérés progressivement dans le sang, à mesure des besoins en énergie. Ceci évite les stress métaboliques provoqués par un sucre simple, une situation se produisant par exemple quand on consomme une pâtisserie ou une barre chocolatée.
Mais l’orange n’est qu’un exemple. Pour retirer tous les avantages de n’importe quel aliment, il est préférable de privilégier le produit frais, non transformé, et de le consommer au plus près de son état naturel.
Dossier Nutrition
- Dites-moi ce que vous mangez, je vous dirai… si c’est bon pour la santé
- Les nouvelles tendances de l’alimentation
- Le jeûne, une fausse bonne idée
Texte:
- Elodie Lavigne
Photos:
- Pierre Javelle et Akiko Ida