Texte: 

  • Mirko Saam

Photos: 

  • Louis Brisset

L’expansion des nouveaux variants de SARS-CoV-2 sous surveillance

Les spécialistes du Laboratoire de Virologie et du Centre des maladies virales émergentes des Hôpitaux universitaires et de la Faculté de Médecine de l’Université de Genève, contribuent à l’effort de surveillance locale, nationale et internationale pour traquer la propagation des nouveaux variants de SARS-CoV-2. Une démarche cruciale pour évaluer leur contagiosité ou leur capacité à provoquer des formes de Covid-19 plus graves, voire à échapper aux vaccins. 

Chaque fois qu’un virus se reproduit, son code génétique peut se modifier et de nouvelles souches – ou variants – peuvent ainsi apparaître. C’est aussi le cas pour le coronavirus SARS-CoV-2, bien qu’il mute 10 fois moins que celui de la grippe. Mais vu le nombre de personnes infectées à travers le monde, le risque qu’un nouveau variant apparaisse est significatif. Dès le début de la pandémie, les chercheurs ont rapidement identifié des mutations génétiques entre les premiers virus identifiés à Wuhan et ceux qui se sont propagés en Europe et ailleurs.

Les mutations qui s’accumulent sont surveillées sur des dizaines de milliers d’échantillons collectés par les scientifiques du monde entier. Pour ce faire, les chercheurs déchiffrent une partie ou l’intégralité du code génétique – soit une succession d’environ 30’000 «lettres» A, C, G ou U – des virus prélevés sur les personnes infectées. Ces efforts de surveillance sont partagés sur des plateformes internationales (p.ex. GISAID), auxquelles participe également le Laboratoire de virologie des HUG. «Le séquençage a été mis en place en fin d’année suite à la détection des nouveaux variants. Actuellement nous avons séquencé environ 1000 échantillons», précise Sabine Yerly, du Laboratoire de virologie. En parallèle, ce laboratoire a mis au point des tests PCR spécifiques pour détecter par simple PCR (soit presque en temps réel) les mutations caractéristiques de nouveaux variants; ces tests sont désormais systématiquement utilisés en Suisse.

Des centaines de variants de Covid-19 circulent déjà en Suisse 

Lorsque le nombre d’infections augmente, le nombre de cas infectés avec les variants du virus augmente également; quasi absent en Suisse en novembre et début décembre, des centaines de cas ont depuis été identifiés dans le pays et leur proportion augmente; elle atteint déjà 20-30% à Genève. 

En soi, le simple fait qu’il existe des variants de SARS-COV-2 n’est pas une source d’inquiétude. Mais la Task Force Covid-19 de la Confédération a mis en garde contre la propagation rapide - aussi en Suisse - de certains nouveaux variants qui ont émergé de façon indépendante, avec une douzaine de mutations qui les différencient des souches habituelles. Il s’agit des souches B.1.1.7 et B.1.351 ou 501Y.V2 (qui arborent notamment la mutation 501Y sur la protéine Spike), d'abord détectées au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, qui sont environ 50% plus contagieuses que les souches de SARS-CoV-2 déjà présentes en Suisse. Il n’existe actuellement pas de preuves solides que ces variants provoquent des symptômes plus graves ou entraînent plus de décès, ceci restant à confirmer. Cependant comme ils facilitent les infections, ils pourraient mettre à nouveau les services de soins intensifs sous forte pression. Compte tenu de la charge déjà lourde pesant sur le système de santé, une telle augmentation représenterait un risque majeur. 

En ligne de mire, l’efficacité des vaccins contre les nouveaux variants

«Une question pressante est de savoir si les modifications génétiques observées sur ces nouveaux variants vont modifier l'efficacité des vaccins», déclare le Dr Manuel Schibler, du Laboratoire de virologie. A l’instar d'autres scientifiques, il espère que les mutations déjà en circulation (et celles qui émergeront) ne réduiront pas l’efficacité des vaccins. 

La vaccination déclenche la production d’importantes quantités d'anticorps neutralisants, de sorte qu'une légère baisse de leur pouvoir neutralisant contre les nouveaux variants pourrait ne pas avoir d’importance significative. De plus, d’autres composantes de la réponse immunitaire déclenchées par la vaccination – la production de lymphocytes T spécifiques, par exemple – pourraient ne pas être perturbées par les nouveaux variants et protéger d’une maladie sévère. 

«A l’heure actuelle, les données démontrent que les vaccins sont très certainement efficaces pour protéger les personnes vaccinées contre le variant britannique. Pour le variant sud-africain, nous ne pouvons pas exclure, du moins pour certains vaccins, une diminution de l’efficacité. La communauté scientifique suit attentivement l'évolution de ces variants pour pouvoir agir rapidement et adapter les vaccins si cela semble nécessaire», affirme la Dre Christiane Eberhardt, du Centre de vaccinologie des HUG.

Des centaines de génomes de SARS-CoV-2 déjà séquencés

Grâce à une collaboration avec l’équipe du Genome Centre du Campus Biotech à Genève, le Laboratoire de virologie suit l'évolution des nouveaux variants de SARS-CoV-2 de très près, tout en coordonnant ces activités avec d'autres hôpitaux universitaires. En tant que centre national de référence, il a communiqué dès décembre 2020 à l’ensemble des laboratoires suisses les informations permettant d’identifier ces nouveaux variants grâce à des techniques de séquençage classique et ciblé. Il a mis en place une routine pour le séquençage complet des échantillons positifs au coronavirus prélevés aux HUG et s’est réorganisé afin de pouvoir séquencer plus de 350 échantillons par semaine, pour autant que la situation sanitaire ne se dégrade pas. Depuis le début de la pandémie, le Laboratoire de virologie a aussi joué un rôle crucial dans la validation des tests de détection du SARS-CoV-2 (PCR et tests antigéniques ou sérologiques), désormais utilisés à grande échelle en Suisse. 

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  • Mirko Saam

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