Cela fait cinq ans que Jean-Dominique Grau, 77 ans, souffrant d’insuffisance cardiaque*, a bénéficié de l’implantation d’une assistance ventriculaire.
Son «demi-cœur artificiel», comme le surnomme Jean-Dominique Grau, fonctionne à merveille. Moins d’essoufflement lors des efforts, une meilleure capacité de respiration et de récupération… s’il n’y avait pas cette sacoche de trois kilos en bandoulière qui le relie à des batteries, il lui arriverait même de l’oublier. Sa vie quotidienne a pourtant été adaptée. «La plus grosse contrainte est d’avoir dû renoncer aux bains. J’ai essayé la douche, en faisant attention à ne pas mouiller les branchements, mais c’était un exercice de contorsionniste compliqué qui annulait le plaisir du moment! Je me contente donc de faire ma toilette avec le gant.» Des petits ajustements du quotidien qui ne sont rien à côté de ce que cette nouvelle vie lui apporte. «Je ne mets plus une demi-heure pour simplement descendre chercher mon courrier.»
La solution de la dernière chance
Tout a commencé en 2010. Jean-Dominique Grau est sujet à une décompensation cardiaque qui traduit un épuisement du cœur. Les médecins envisagent alors une greffe cardiaque, mais au vu de son âge et de la fragilité de son cœur, cette possibilité est finalement écartée.
Après une nouvelle décompensation en 2016, deux solutions lui sont proposées. Tout d’abord, l’essai d’un médicament destiné à stimuler le cœur. Mais les effets escomptés ne se font pas sentir. Reste donc le recours à une assistance ventriculaire. Le dispositif, nommé «HeartMate», se présente sous forme d’une turbine à flux continu qui aspire le sang du ventricule gauche et le réinjecte dans l’aorte. Cette mini-pompe est alimentée électriquement par des batteries externes reliées à un câble sortant de l’abdomen du patient.
Après une série de tests pour confirmer sa compatibilité, Jean-Dominique Grau a bénéficié de la dernière génération de cet appareil. Plus physiologique que ses prédécesseurs, il fonctionne par lévitation électromagnétique et entraîne un risque moindre de thromboses ou de saignements. «On sait que les choses peuvent mal tourner. Mais les équipes sont très à l’écoute et j’ai abordé sereinement le sujet des directives anticipées.» Jean-Dominique Grau rencontre également d’autres patients déjà implantés, qui l’aident à préparer «l’après». L’implantation de l’assistance ventriculaire est une intervention à cœur ouvert réalisée sous anesthésie générale. «Je n’avais pas imaginé la difficulté des soins intensifs. Sous l’effet des médicaments, j’étais dans un état délirant pendant trois jours.»
Un patient partenaire
Après plusieurs semaines en soins intensifs, au Service de chirurgie cardiovasculaire puis en réadaptation cardiaque, Jean-Dominique Grau a dû réapprendre à manger, à marcher, et apprivoiser sa «machine». «La nuit, par exemple, je dois me brancher sur un secteur placé sur la table de nuit. Je craignais de ne pas pouvoir me positionner sur le côté. Mais je me suis habitué et je dors bien… il faut juste ne pas avoir envie d’aller aux toilettes.» Le système d’alarme a également de quoi surprendre. «En cas de problème ou si les batteries sont à plat, une sirène retentit et ça réveille le quartier!»
Toutes les semaines, une aide à domicile vient changer le pansement au niveau de l’orifice de sortie. Tous les quinze jours, Jean-Dominique Grau se rend également à l’hôpital pour effectuer un dosage de son traitement anticoagulant. Tous les mois, il est soumis à un bilan sanguin complet. Deux fois par an, le bon fonctionnement cardiaque est surveillé via une échographie de contrôle. «Je suis suivi comme mon ombre! C’est parfois contraignant, mais finalement très rassurant.»
À la maison aussi, Jean-Dominique Grau est entouré. «La maman de ma filleule vient régulièrement pour le ménage et les courses. Mon neveu, physiothérapeute, me fait des séances car je souffre de douleurs dorsales et une amie, coiffeuse, me lave les cheveux toutes les semaines. Enfin, mes deux sœurs habitent près de chez moi. Je suis dépendant, certes, mais de personnes que j’aime.»
* On parle d’insuffisance cardiaque lorsque le cœur n’arrive pas à exercer correctement sa fonction de pompe. S’il peine à se remplir ou à expulser le sang, l’apport d’oxygène aux organes devient insuffisant.
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Une trentaine d’implantations d’assistances ventriculaires ont été réalisées depuis 2008 aux HUG.
Jean-Dominique Grau accompagné de Marie-Antoinette Murekatete, assistante en soins et santé communautaire à l’Unité d’insuffisance cardiaque et réadaptation cardiaque.
Texte:
- Clémentine Fitaire
Photos:
- Nicolas Schopfer