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  • André Koller

Photos: 

  • Nicolas Righetti | lundi13

Plongée dans la médecine hyperbare

Avec ses gros hublots, elle a l’air d’un sous-marin échoué dans les sous-sols des HUG. La chambre hyperbare est pourtant une merveille de technologie, irremplaçable pour traiter avec l’oxygène les accidents de plongée, les intoxications à des fumées, les plaies à cicatrisation difficile, les lésions après une radiothérapie, les gelures ou encore les infections des os.

«La médecine hyperbare est 100 % naturelle. Elle n’utilise qu’un médicament : l’oxygène», affirme le Dr Rodrigue Pignel, médecin responsable de la Consultation de médecine et thérapie hyperbare. Inhalé à travers un masque dans une atmosphère pressurisée à environ 1,5 bar, l’équivalent d’une plongée à 15 mètres de profondeur, l’oxygène afflue en plus grande quantité vers les lésions et les régions mal vascularisées. Après quinze séances de 95 minutes, on observe fréquemment l’apparition de nouveaux vaisseaux sanguins: les tissus revivent.» En 2019, cette consultation a traité quelque 400 patients avec plus de 5500 séances.

« Mon pied est sauvé ! »

Franck Houdin, 66 ans, est un «plongeur» expérimenté. «Je suis diabétique. J’ai une plaie au pied qui s’infecte souvent et cicatrise mal. On a essayé les greffes de la peau. Sans succès. L’amputation n’était plus loin… En avril dernier, j’ai commencé l’oxygénothérapie hyperbare. Les progrès ont été fulgurants. La lésion rapetisse au fil des semaines. La cicatrisation complète, et j’espère définitive, n’est plus une utopie. Mon pied est sauvé !», s’exclame-t-il avec un immense soulagement.

Ce matin d’octobre, il est confortablement installé dans la chambre pressurisée avec une dizaine d’autres patients, assis dans les fauteuils rouges ou couchés dans un lit. Auparavant ils ont été informés et préparés: les pansements ont été refaits et les plaies nettoyées – une opération qui peut prendre une heure et demie. A noter aussi que pour une première «plongée», les débutants sont toujours accompagnés par un infirmier.

A l’extérieur du caisson, Yoann Mykijewicz, infirmier hyperbariste, dirige la manœuvre et communique par le biais de haut-parleurs installés dans la chambre. «Mesdames et messieurs, la compression va débuter. Effectuez régulièrement l’équilibration des tympans, comme vous l’avez appris.» Pendant toute la séance, il garde un œil sur les patients et l’autre sur les nombreux écrans de contrôle : pression, température, diffusion de l’oxygène, etc.

« Descente » express

Au bout d’un moment, une patiente âgée peine visiblement à ajuster correctement son masque à oxygène. Un autre infirmier doit pénétrer dans la chambre en passant par le sas, où il subira une compression accélérée. «Nous sommes entraînés. En cas de problème, n’importe lequel d’entre nous peut descendre à 15 mètres en 30 secondes», commente Yoann.

La sangle du masque remise en place, l’infirmier ressort du caisson. «Mon collègue a respiré de l’air compressé pendant 10 minutes. Cela provoque une saturation excessive d’azote dans le sang. Pour compenser, il va inhaler de l’oxygène pur pendant la décompression, qui a lieu dans le sas», explique-t-il, en manœuvrant le joystick qui lui permet d’obtenir sur l’écran de contrôle une décompression optimale.

Dans la chambre, tout est calme. Sieste, lecture, méditation… chacun passe le temps comme il l’entend. Une heure plus tard, Yoann Mykijewicz annonce la « emontée» : «Mesdames et Messieurs, nous allons entamer la décompression. Une sensation de fraîcheur peut accompagner cette phase. Si le chauffage n’est pas suffisant, utilisez les couvertures à votre disposition.»

Puis les patients ressortent, décontractés, souriants. Franck Houdin échange quelques mots avec l’équipe médicale, puis se tourne vers nous : «Tout s’est bien passé. Comme d’habitude. J’ai dormi un peu… cinq séances par semaine, c’est un boulot à mi-temps !», plaisante-t-il. Mais convaincu des bienfaits de cette thérapie, il veut lancer la première association suisse de patients hyperbares.

L’oxygène est un médicament

L’oxygène est indispensable à la vie. Sans ce gaz, les cellules du corps ne peuvent pas «brûler» leur carburant favori : le sucre. L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) consiste à administrer de l’oxygène pur ou mélangé dans un milieu pressurisé (la chambre hyperbare) afin d’augmenter considérablement la quantité d’O2 dans le sang. Lorsque des tissus lésés en reçoivent davantage, ils «brûlent» davantage de sucre et, grâce à ce surcroît d’énergie, se régénèrent mieux et plus vite. L’OHB présente également un effet anti-infectieux, car elle réduit la prolifération de certaines bactéries qui se développent dans les régions mal vascularisées pauvres en oxygène.

Les HUG à Koweït-City

«L’an dernier, le nouvel hôpital de Koweït-City (1200 lits) a fait appel à notre savoir-faire pour mettre sur pied une unité de médecine hyperbare. Ce pays enregistre une forte prévalence de patients diabétiques», indique le Dr Rodrigue Pignel. En octobre dernier, une délégation genevoise a délivré une première semaine de formation aux soignants koweïtiens. La réputation de la Consultation de médecine et thérapie hyperbare des HUG dépasse en effet largement les frontières nationales. Il compte notamment plusieurs spécialistes habilités à prodiguer des soins au-delà de 50 mètres de profondeur. En 2016, il a démontré son expertise en fournissant l’assistance médicale lors de travaux sur le barrage de Punt Dal Gal, dans les Grisons, à 120 mètres de profondeur.

médecine hyperbare
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Fiche technique

9 mètres

Longueur

2,4 mètres

Diamètre

40 tonnes

Poids

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  • Nicolas Righetti | lundi13
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