Texte: 

  • Aude Raimondi

Photos: 

  • Nicolas Schopfer

«Nous avons pu créer une belle ambiance à l’hôpital»

Dei Mancilla a accompagné son mari Carlos, qui a souffert de la SLA*, une maladie dégénérative. Avec amour, complicité et à travers toutes les étapes de la maladie.

Carlos était pétillant, hyperactif et vivait intensément. Lorsqu’elle évoque son mari disparu trop tôt, une petite flamme continue de danser dans les yeux de Dei Mancilla. Cette Genevoise d’origine italienne, passionnée de théâtre, rencontre son futur époux à Genève en 1984. Le coup de foudre est tel que Carlos quitte le Mexique, son pays natal, pour s’installer avec celle qui deviendra sa femme. Le couple croque alors la vie à pleines dents. En parallèle de son travail, Carlos monte en 1994 un groupe de mariachi (musique traditionnelle mexicaine). Sa notoriété grandit et il se produit dans plusieurs villes en Suisse et à l’étranger. Il est très souvent appelé par l’attaché culturel de l’Ambassade mexicaine pour animer des soirées officielles. «Notre vie n’était pas classique, sourit Dei. On s’investissait beaucoup dans nos passions respectives et on aimait ça, on avait le sentiment d’être libres.»

Quotidien bouleversé

Au début de l’été 2012, Carlos rentre d’un concert un peu perturbé: il n’arrive plus à siffler et sa voix devient nasillarde. Comme les symptômes ne cessent d’empirer, il se voit administrer divers traitements pour la gorge. Mais rien n’y fait. Au mois de juillet, sa langue est si lourde qu’il parle au ralenti. Inquiet, le couple court d’examen en examen. De son côté, Dei fait des recherches sur Internet. Elle tombe sur une maladie rare dont les symptômes semblent correspondre à ceux de son mari. Ce nom terrible tient en trois lettres: SLA, pour sclérose latérale amyotrophique. Mais Dei ne veut pas y croire. Elle échange avec les médecins qui confirment le diagnostic. Dès lors, le couple réorganise son quotidien. Dei prend soin de son époux matin, midi et soir. Mais en juin 2013, la situation se complique. «Carlos tombait de plus en plus et je ne parvenais pas à le relever. J’étais épuisée et paniquée de ne plus pouvoir m’occuper de lui», se souvient-elle.

Amour, musique et amitié

Carlos entre alors à l’hôpital de Bellerive, spécialisé dans les soins palliatifs. «Là-bas, il n’a jamais été seul, raconte son épouse. Il recevait beaucoup de visites. Ses proches venaient tous les jours. On a pu le sortir pour l’emmener partout, par exemple aux fêtes de Genève, voir les feux d’artifice.» Un grand concert est même organisé au sein de l’hôpital pour lui rendre hommage. Plus de 300 personnes, dont l’ambassadeur du Mexique, se réunissent pour applaudir ses mariachis et ses danseuses. «Il était très ému, se rappelle Dei. Il n’arrêtait pas de sourire, c’était vraiment une belle ambiance.»

Dei continue quant à elle de s’impliquer dans les soins prodigués à son mari. Un vrai partenariat s’instaure avec l’équipe médicale. Chaque soir, c’est elle qui lui donne son repas et lui fait sa toilette avant que les infirmières s’occupent des derniers soins et le couchent. Le couple peut ainsi profiter de ces instants de complicité à deux, moments privilégiés d’échange, où s’entremêlent rires, fous rires et, quelques fois, désespoir aussi. «Carlos ne parlait plus, mais il pouvait encore communiquer avec un stylo sur un écran tactile, raconte Dei. Un jour pourtant, il n’arrivait plus à le tenir. Dès lors, il n’y avait plus que moi qui le comprenais».

Générosité

Dans la culture mexicaine, la mort est vue comme une étape de la vie. Carlos n’avait pas peur de mourir, mais ne voulait pas souffrir. Il est parti serein, entouré de ses proches. Aujourd’hui, Dei continue de participer au projet Patients partenaires des HUG pour partager son expérience en tant que proche aidante. Elle s’implique également auprès de personnes touchées par la SLA, en souvenir de son mari.

*Sclérose latérale amyotrophique (SLA): maladie progressive et dégénérative du système nerveux central, qui entraîne une atrophie et une paralysie des muscles des bras, des jambes et de ceux liés aux fonctions de déglutition, mastication et parole. La plupart des patients décèdent en moyenne trois à cinq ans après le début de la maladie.

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  • Aude Raimondi

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  • Nicolas Schopfer
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