Saviez-vous qu’il était possible de perdre l’usage de la parole ? Ou d’ignorer totalement ce qui se passe sur son côté gauche, au point de ne manger que la moitié de son assiette ? Cela paraît étrange et, pourtant, il s’agit d’atteintes des fonctions cérébrales pouvant survenir à la suite d’un accident ou d'une maladie. Entretien avec le Pr Armin Schnider, auteur d’un livre passionnant sur le sujet qui vient de paraître.
Dans son livre Le cerveau lésé, publié aux Éditions Odile Jacob, le Pr Armin Schnider, neurologue, nous emmène dans le quotidien du Service de neurorééducation des HUG dont il est le médecin-chef. A travers des parcours étonnants de patients et patientes dont il retranscrit les entretiens et reproduit les exercices d’écriture, ce grand spécialiste nous explique de manière vivante comment le cerveau fonctionne, dysfonctionne, mais aussi comment il récupère.
Pulsations À quoi ressemble l’activité du Service de neurorééducation ?
Pr Armin Schnider Nous traitons des personnes qui ont perdu des capacités suite à une atteinte du système nerveux telle qu’un accident vasculaire cérébral, un traumatisme cranio-cérébral ou une tumeur, par exemple. Selon la localisation de la lésion, elles souffrent de paralysies, de troubles de la parole, de la mémoire ou de la perception de l’espace. Nous sommes une équipe spécialisée multidisciplinaire qui aidons nos patients et patientes à récupérer leurs fonctions cérébrales et à retrouver une vie aussi autonome que possible. Si le cerveau ne récupère pas totalement, il est possible de l’entraîner pour retrouver une capacité partielle ou développer des méthodes de compensation. Par exemple, une personne qui reste paralysée de la moitié du corps doit apprendre une nouvelle technique pour s’habiller. C’est une approche très pragmatique.
Après une lésion cérébrale, est-il possible de retrouver une vie normale ?
Cela dépend de la sévérité et du type de l’atteinte. Pour estimer le potentiel du ou de la patiente, il faut observer son évolution pendant quelques semaines, puis fixer des objectifs réalistes. La majorité des personnes quittant notre service est de nouveau indépendante, mais parfois elles mènent une vie différente. Nous les accompagnons dans leur retour à la maison. Si nécessaire, il est possible d’adapter le lieu de vie ou de faire des ajustements au travail.
Pourquoi et pour qui avez-vous écrit Le cerveau lésé ?
C’est un livre que tout le monde peut lire. J’ai souhaité partager ma fascination pour le cerveau. Ses dysfonctionnements nous en apprennent beaucoup sur ses capacités. J’ai aussi voulu fournir des informations pour les proches des personnes atteintes. Il est difficile de s’imaginer ce que cela signifie de perdre le sens de l’espace ou la capacité de la parole, ou comment il est possible de fonctionner avec une mémoire défectueuse. Il n’y a pas de littérature qui explique aux familles comment on se réveille d’un coma et quelle évolution on peut en attendre. Les proches ont besoin de comprendre ce qui se passe pour la personne car, dans les cas de lésions cérébrales, leur soutien est primordial.
Texte:
- Anne-Marie Trabichet
Photos:
- Louis Brisset