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  • André Koller et Giuseppe Costa

Penser l’hôpital de demain avec les patients

Un des sept programmes du nouveau plan stratégique, fruit d'une large consultation, est codirigé par un patient.

Vision 20+5. Tel est le nom du nouveau plan stratégique des HUG. Il a démarré en mai 2021 et guidera les actions des cinq prochaines années. Un mot résume son élaboration : participatif. Consultation citoyenne aux Automnales 2019, avis des collaborateurs et collaboratrices, des patients partenaires et proches aidants, recueillis lors de goûters itinérants et de nombreux groupes de discussion. Toutes les opinions ont été prises en compte. «C’est la véritable force de ce plan stratégique. Impliquer le plus largement possible tous les acteurs, spécialement les patients partenaires», souligne Sébastien Savornin, chargé de mission à la Direction générale et membre de l’équipe projet.

L’équipe projet a confronté les idées reçues à un groupe d’accompagnement, incluant notamment deux patients très investis. «Leur simple présence change notre posture. Il y a davantage d’écoute et nous recentrons nos discussions autour du patient. Leur expérience nous confronte à nos idées, nos certitudes. Au final, nous avons défini ensemble les grands axes et les ambitions prioritaires pour l’hôpital de demain. C’est un nouveau plan stratégique conçu avec les patients et pas uniquement pour les patients», relève Sébastien Savornin.

«J’ai ressenti la volonté de nous inclure, avec écoute, reconnaissance et respect. Le savoir du patient est considéré au même titre que celui des professionnels. Notre apport est la connaissance de la maladie, la pratique des HUG en tant que patient et citoyen. De cette collaboration naît une intelligence collective», complète Marc Houvet, l’un des patients impliqués dans l’élaboration du plan stratégique. Cette intégration a franchi encore un pas supplémentaire. Pour la première fois, un patient contribue à la réalisation du plan stratégique en co-dirigeant le programme intitulé «+ de collaboration pour la prise en charge des patients.» Comme son nom l'indique, ce projet vise à intégrer les proches aidants, les patients et les bénévoles dans les prises en soins.

Promouvoir la santé ensemble

Une équipe composée de patients partenaires et de professionnels conçoit et anime la journée «Cœur, vaisseaux, cerveau».

La 3e Journée «Cœur, Vaisseaux, Cerveau» (CVC), soutenue par la Fondation privée des
HUG
, s’est tenue fin octobre… sous une forme revisitée, en raison du Covid-19, mais avec des objectifs identiques. «Nous avons remplacé les stands d’information par des ateliers éducatifs à distance. Le but demeure la prévention des maladies cardiovasculaires et la promotion de la santé», résume Sandrine Jonniaux, infirmière spécialiste clinique en soins de réadaptation et coordinatrice de la journée CVC.

Surtout, depuis le lancement de cette journée en 2018, tout se réalise avec un groupe de patients partenaires : de la conception à l’animation en passant par le choix des thématiques ou la formation des personnes impliquées. Ainsi, cette année, deux professionnels et un patient ont pensé et co-animé chaque atelier, pour un total de trente personnes impliquées. «D’un côté, il y a le savoir-faire, de l’autre, le vécu, mais nous ne faisons qu’un», note Pierre Sutter, qui a bénéficié d’un triple pontage coronarien en 2014. Depuis 2017, il s’investit comme patient partenaire : «Je veux montrer ma reconnaissance aux soignants, partager mon expérience pour rassurer les personnes et faire en sorte qu’elles évitent un infarctus.»

En travaillant ensemble, c’est le regard des uns et des autres qui change. «Le professionnel se met au niveau de la personne soignée et celle-ci élargit sa vision du monde médical. Il y a une reconnaissance mutuelle des savoirs et un objectif commun de créer un partenariat», relève Sandrine Jonniaux. Et Pierre Sutter d’insister sur un dernier point : «En tant que patient, il faut poser des questions afin de créer un partenariat avec les professionnels qui soit bénéfique aux soins.» G.C.

L’éducation thérapeutique, pionnière du partenariat

Les spécialistes des maladies chroniques ont réfléchi plus tôt que les autres à l’implication des patients dans les soins. En 1975 déjà, le Pr Jean-Philippe Assal introduit aux HUG l’éducation thérapeutique, une démarche qui vise à renforcer les compétences de la personne malade. «Mais nous devions faire un pas supplémentaire : travailler avec les patients et plus uniquement pour eux. La reconnaissance mutuelle des savoirs des patients et des professionnels de santé est la clé du partenariat, et elle renouvelle l’éducation thérapeutique», remarque Aline Lasserre Moutet, pédagogue à l’Unité d’éducation thérapeutique du patient (UETP).

Cette étape est en passe d’être franchie. En 2019, la Dre Florence Somers, cheffe de clinique à l’UETP, a intégré Christine Fortis, patiente partenaire, dans une réflexion sur le programme de préparation au by-pass gastrique. «L’objectif est d’améliorer les résultats à long terme de cette opération. Mais en incluant Christine à un stade aussi précoce, nous voulions aussi montrer aux équipes que le savoir patient est complémentaire au nôtre», dit-elle.

«Certains ne voyaient pas ce que ma présence apportait au groupe de travail, se souvient Christine Fortis. Mais au final, cela a abouti à une plus forte intégration des patients dans le processus. Je vais ainsi former deux patients dont la mission sera d’observer une séance de préparation au by-pass pour guider ensuite les réflexions du groupe.» Une expérience qui démontre une fois encore que le partenariat convainc souvent par la pratique. A.K.

Sébastien SAVORNIN

«Vision 20+5 est un nouveau plan stratégique conçu avec les patients et pas uniquement pour les patients» 
Sébastien SAVORNIN, chargé de mission à la Direction générale et membre de l’équipe projet
© Louis Brisset

Marc HOUVET

«Notre apport est la connaissance de la maladie, la pratique des HUG en tant que patient et citoyen. De cette collaboration naît une intelligence collective» 
Marc HOUVET, patient impliqué dans l’élaboration du plan stratégique
© Nicolas Schopfer

Sandrine JONNIAUX

«Il y a une reconnaissance mutuelle des savoirs et un objectif commun de créer un partenariat.» 
Sandrine JONNIAUX, infirmière spécialiste clinique en soins de réadaptation et coordinatrice de la journée CVC
© Nicolas Schopfer

Pierre SUTTER

«D’un côté, il y a le savoir-faire, de l’autre, le vécu, mais nous ne faisons qu’un.» 
Pierre SUTTER, patient partenaire
© Nicolas Schopfer

Christine FORTIS

Christine FORTIS, patiente partenaire
© Nicolas Schopfer

Florence SOMERS

Dre Florence SOMERS, cheffe de clinique à l’UETP
© Nicolas Schopfer

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  • André Koller et Giuseppe Costa
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