Après une période de stress professionnel, l’acouphène* de Maxime** devient insupportable. Une psychothérapie l’aide à ne pas se laisser envahir par cette sensation auditive.
Comme un sifflement suraigu, ininterrompu, vrillé dans la tête: «Dans les pires moments, c’était comme un électrochoc permanent», témoigne Maxime, 42 ans, qui souffre depuis plusieurs années d’un acouphène dans l’oreille gauche.
«En automne 2017, j’ai basculé dans une sorte de détresse. C’était en montagne. J’étais seul dans un paysage magique. Je ressentais un grand besoin de communion avec la nature… Puis l’acouphène s’est interposé, obnubilant, comme une douleur fichée au plus profond de mon être. Une pensée panique m’a crucifié: plus jamais je n’entendrai le silence!»
Stress professionnel
L’acouphène de Maxime remonte à son adolescence. «Il a dû augmenter au fil des ans. Car tout à coup, j’ai pris conscience que c’était là, violent. J’ai imaginé les pires scénarios: le sifflement augmentait continuellement, réduisant ma capacité à communiquer avec les gens jusqu’à m’isoler.»
Cette crise s’est produite après une période de stress professionnel. Rédacteur scientifique indépendant, Maxime avait annulé ses vacances d’été pour répondre à la demande. Mais la charge de travail n’a fait qu’augmenter jusqu’à Noël. «J’étais hypersensible au bruit. Les aboiements du chien des voisins, par exemple, me plongeaient dans une angoisse excessive. Les cris de mes propres enfants me parvenaient comme une agression quasi physique. Même la nuit ne m’apportait aucun repos. Le sifflement ne cesse jamais.»
Impact psychosocial
Il décide d’en parler à son médecin, qui l’adresse aux HUG. Lors de la première consultation avec le Dr Luca Gramatica, médecin interne au Service ORL et chirurgie cervicofaciale, il passe un audiogramme qui montre une perte auditive de 20% dans les aigus et remplit un questionnaire évaluant l’impact psychosocial de l’acouphène. Le résultat est sans appel: la qualité de vie de Maxime est fortement diminuée.
Le Dr Gramatica confirme aussi qu’il n’existe hélas aucun traitement curatif. «Sans avoir jamais consulté, je le savais. Pourtant, j’ai ressenti un profond désarroi lorsque le médecin m’a dit qu’il n’y avait rien à faire.» Ce dernier lui propose une psychothérapie avec Viridiana Mazzola, psychologue responsable du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise.
Les séances débutent en mars 2018, au rythme d’une heure par semaine. Pour commencer, ils procèdent à un état des lieux: situation professionnelle, familiale, etc. Puis repèrent dans le parcours biographique des points clés sur lesquels travailler.
Bénéfices rapides
L’approche est pragmatique. La thérapie a pour but de fournir à Maxime des outils pour ne plus se laisser envahir par ses problèmes. «Je m’entraîne à changer de perspective, à prendre de la distance», raconte-t-il.
Les bénéfices se sont fait sentir rapidement. «Après quelques séances, je suis allé voir les propriétaires du chien dont les aboiements me dérangeaient. Nous avons dialogué, sereinement. Ils ont compris. Le problème a été réglé. Avant, j’aurais été incapable d’une telle démarche, tellement je bouillonnais.»
Dialogue avec soi-même
«Idem avec mes enfants. Lorsqu’ils crient, je me mets à distance. Je m’observe moi-même. Je m’interroge: pourquoi enrager? En quoi cela m’aide-t-il? J’ai appris à améliorer le dialogue avec moi-même. Cela arrête les films catastrophes que je me faisais avant. Du coup, la tension baisse et les acouphènes aussi. C’est comme une gymnastique mentale, une sorte de physiothérapie du cerveau.»
Après plusieurs mois de thérapie, le sifflement dans l’oreille gauche n’a pas disparu. En revanche, il est perçu différemment et parfois même oublié. «Je ne suis plus focalisé sur lui. En montagne, j’entends aussi le vent, les oiseaux, les grillons… J’ai appris à ne pas me laisser envahir par l’acouphène. Maintenant, je vois la vie comme un chemin vers des solutions. Et ça change tout», se réjouit Maxime.
* Acouphène: sensation auditive, inaudible par l’entourage, ressentie dans la tête, une oreille ou les deux. Intermittent ou permanent, d’intensité variable ou non, il peut ressembler à un bourdonnement, un sifflement ou un tintement. Le panel des causes possibles est large, du traumatisme sonore à la dépression. Environ 10% de la population en Europe et aux Etats-Unis sont concernés.
** Prénom d’emprunt.
Texte:
- André Koller
Photos:
- Emanuela Biancuzzi