Texte: 

  • Clémentine Fitaire

Photos: 

  • Andrea De Santis

« On m’a appris à prendre en main ma maladie »

Parce que l’on ne reste pas toute sa vie un enfant, des consultations de transition sont mises en place entre les services pédiatriques et adultes. Des passerelles bénéfiques non seulement pour les patients, mais aussi pour leurs familles et l’équipe soignante.

« J’étais très proche du pédiatre qui me suivait dans l’unité enfant, et j’espérais vraiment retrouver un médecin semblable chez les adultes. » Comme le raconte Ana, 17 ans, suivie à l’Unité de gastro-entérologie pour une maladie de Crohn, passer de l’environnement pédiatrique au service adulte peut être déstabilisant. D’un monde où il est en quelque sorte couvé par une équipe très « maternante », où le mode de communication est adapté à son âge et où l’échange avec les parents est la règle, le jeune patient est soudain propulsé vers un univers d’adultes dans lequel il ne se reconnaît pas forcément.

Par définition, l’adolescent n’est plus tout à fait un enfant, ni complètement un adulte, et traverse une période de transition à tous les niveaux : médical, mais aussi psychologique et physiologique. Depuis quelques années, des efforts ont été menés pour mettre en place des consultations spécifiques destinées à créer des passerelles entre les services spécialisés pédiatriques et adultes de la plupart des unités de l’hôpital : cardiologie, neurologie, néphrologie, gastro-entérologie, endocrinologie, diabétologie, etc. Conçue comme un passage progressif, la transition vers le service adulte est généralement enclenchée dès 14-15 ans, et parfois bien avant. « Tout dépend du patient, de sa maturité, mais aussi de sa situation médicale », explique la Dre Laetitia-Marie Petit, médecin adjointe à l’Unité de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques.

Des passerelles qui restent ouvertes

Petit à petit, cette étape est abordée au cours d’une consultation de contrôle, ou des entretiens de transition sont organisés. Réalisés dans un premier temps par les équipes pédiatriques, ils sont ensuite menés conjointement avec les services adultes et renouvelés autant que nécessaire, avant d’aboutir au transfert définitif. « On ne se contente pas de passer un dossier d’un service à l’autre, insiste la Dre Sophie Restellini, cheffe de clinique du Service de gastro-entérologie et hépatologie. Nous continuons d’échanger après le transfert sur le cas de certains patients. » Vivre avec une maladie chronique durant l’enfance crée généralement un lien très fort entre le jeune, sa famille et le soignant, et « il est primordial de nouer à nouveau une telle relation de confiance avec un partenaire adulte », poursuit la spécialiste.

Du succès de ce processus peut dépendre la suite de la prise en charge et même l’état de santé de la personne. « Les études ont montré que les consultations de transition évitent de "perdre de vue" des patients et diminuent le risque d’arrêt des soins ou des traitements, qui survient souvent à l’adolescence, rappelle le Pr Maurice Beghetti, médecin-chef du Service des spécialités pédiatriques. Ce qui, dans le cas de certaines pathologies, peut potentiellement avoir des répercussions dramatiques. »

L’objectif premier de cette phase est donc la responsabilisation et l’autonomisation de l’adolescent. Savoir expliquer sa maladie, connaître le nom des traitements, être sensibilisé aux conduites à risque, sont certains des points évalués lors des consultations de transition, afin de mesurer le degré de connaissance du patient sur sa santé. « Cette période m’a beaucoup fait grandir, confie Ana. On m’a appris à prendre en main ma maladie et plus largement ma santé. »
 

Et les parents dans tout ça ?

« La transition est parfois difficile pour les parents, qui sont eux aussi très attachés à l’équipe soignante, explique le Pr Maurice Beghetti, médecin-chef du Service des spécialités pédiatriques. Les services de pédiatrie font une grande place à la famille du patient, ce qui n’est pas toujours le cas dans les services adultes. » Au cours de la phase de transition, les parents sont ainsi amenés à laisser peu à peu leur enfant répondre aux questions, s’entretenir seul avec le médecin, participer à la prise de décision. « Finalement, cette transition médicale est une partie de la transition de vie générale traversée à l’adolescence par les jeunes et leur famille. »

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