Les HUG proposent des thérapies de couple spécialisées pour les seniors, à la fois en milieu hospitalier pour les personnes souffrant d’un trouble psychique et en consultation ambulatoire.
Riche des promesses du temps enfin libre, le moment de la retraite est aussi synonyme de vieillissement et parfois de problèmes de santé ou financiers. Autant de bouleversements pouvant faire vaciller un couple qui aura pourtant surmonté les épreuves de la vie durant parfois trente ou quarante ans. Et ce n’est pas tout. «Ces moments de grand remaniement peuvent aussi mettre en lumière des conflits larvés que le couple ne peut plus éviter. Il n’est alors pas rare que l’une des deux personnes porte une souffrance l’amenant à développer un trouble psychique», pointe Christophe Delaloye, psychologue et psychothérapeute à l’Unité d’intervention de crise et de psychothérapie de l’âge avancé (UCPT), anciennement Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie de l’âgé (CAPPA).
Dépasser la gêne
Christina Moses Passini, psychologue-psychothérapeute dans les unités de psychiatrie générale de l’âge avancé (UPGA) et de traitement et prévention des démences (UTPD), intervient sur demande des médecins de l’unité quand ils ou elles estiment que la relation conjugale vient compliquer la prise en charge d’un trouble psychique. «Nous constatons que les conjointes ou conjoints sont souvent soulagés que l’équipe s’intéresse à eux. Et même si beaucoup de ces couples ne sont pas familiers des psychothérapies, une fois la gêne de parler de leur intimité dépassée, ils s’investissent dans la démarche. Il arrive d’ailleurs qu’ils continuent ensuite en ambulatoire au sein de l’UCPT», note la psychologue.
Car à l’heure où l’espérance de vie n’a jamais été aussi longue en Suisse, passé la soixantaine, il est encore possible d’avoir vingt années ou plus devant soi. «C’est un long moment ! Et c’est ce que j’essaie de faire comprendre aux personnes qui se disent que si elles ont composé jusqu’ici avec tout ce qui ne fonctionnait pas dans leur couple, elles pourront bien attendre la fin de leur vie comme cela. Nous les aidons à réfléchir sur ce qu’elles peuvent faire hormis laisser filer le temps et, surtout, sur la manière de commencer une nouvelle période de vie», explique Nora Schneider El Gueddari, psychologue-psychothérapeute à l’UCPT.
Se reconnecter
L’objectif est ainsi d’envisager de redéfinir ensemble les contours d’un nouveau couple, souvent avec de nouvelles limites. «Il s’agit aussi d’explorer comment se reconnecter pour prendre soin des besoins de l’autre et de soi-même, pour réinventer une forme d’intimité qui corresponde au mieux aux attentes et aux possibilités de chaque partenaire», précise Christophe Delaloye.
Accompagner des couples âgés en thérapie nécessite de prendre en compte certaines spécificités, à commencer par la temporalité. «La notion de projet ou la capacité de rebondir par exemple ne sont pas les mêmes à 70 ans qu’à 40. Mais ce n’est pas parce qu’il n’est pas possible de faire "comme avant" que rien n’est possible», encourage Nora Schneider El Gueddari. Et puis, il y a la vie passée : les couples se retrouvent aussi face à leur passif et il s’agit parfois de «régler les comptes» pour parvenir à dénouer les conflits accumulés. La thérapie amène également les protagonistes à faire le bilan de leur propre existence et à se réconcilier avec, si nécessaire.
Cette démarche de soins peut aussi avoir des bénéfices pour les descendantes et descendants, en levant les éventuels problèmes de communication parents-enfants et en révélant certains schémas qui parfois se répètent de génération en génération. Et comme le souligne Christina Moses Passini : «Cela peut aussi libérer les enfants, qui sont souvent pris dans le conflit du couple, avec des répercussions sur l’entente dans la fratrie.»
Les avantages d’une cothérapie
Ces thérapies de couple pour les personnes âgées, proposées par l’UCPT, sont menées par deux psychothérapeutes. «Cette co-conduction des séances par un «couple thérapeutique» permet d’offrir un espace de projection différent et notamment d’éviter une triangulation dans laquelle l’une des personnes du couple peut se sentir mise de côté. Cette manière de travailler en cothérapie encourage aussi la diversité des points de vue, qui amène à un travail de négociation sur les différences», explique Christophe Delaloye, psychologue et psychothérapeute à l’UCPT.
Texte:
- Stéphany Gardier
Photos:
- Bogsch & Bacco